MME VIRGINIE BEAUMEUNIER, RAPPORTEUR GÉNÉRAL, ET MM. THIERRY DAHAN ET JEAN-RÉMI BOURHIS, RAPPORTEURS DE L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

M. Serge Larcher, président , a rappelé que l'Autorité de la concurrence, créée par la loi de modernisation de l'économie pour succéder au Conseil de la concurrence, était une autorité administrative indépendante spécialisée dans l'analyse et la régulation du fonctionnement de la concurrence sur les marchés. Il a indiqué que l'autorité de la concurrence était chargée d'assurer un équilibre entre la liberté du commerce et de l'industrie, qui implique la liberté de fixer les prix, et l'absence d'abus de puissance économique par ceux qui la détiennent.

Rappelant que le niveau et les mécanismes de formation des prix avaient été au coeur du mouvement social ayant touché les départements d'outre-mer au début de l'année, il a indiqué que le secrétaire d'État à l'outre-mer avait saisi, à la mi-février, l'Autorité de la concurrence afin que celle-ci puisse rendre, avant l'été, un rapport sur le fonctionnement de la concurrence outre-mer, notamment dans deux domaines essentiels que sont les carburants et les produits de grande consommation, et qu'il avait donc pensé utile d'entendre les représentants de l'Autorité de la concurrence sur ces questions.

Mme Virginie Beaumeunier, rapporteur général, a tenu à excuser le président de l'Autorité de la concurrence, M. Bruno Lasserre, qui ne pouvait encore s'exprimer dès lors que l'Autorité de la concurrence ne s'était pas encore prononcée sur ces sujets.

Elle a indiqué que les deux rapporteurs avaient commencé leur travail en effectuant un premier déplacement à La Réunion et que l'Autorité de la concurrence rendrait son rapport avant le mois d'août, celui-ci devant comporter deux parties, l'une consacrée aux carburants, et l'autre, plus vaste, sur la grande distribution.

M. Éric Doligé, rapporteur , s'est interrogé au sujet du coût du fret. Il a également souhaité savoir si un renforcement de la concurrence dans le secteur des carburants était envisageable.

M. Thierry Dahan, rapporteur de l'Autorité de la concurrence , a répondu que, pour le coût du fret, nous étions en présence de deux systèmes très différents aux Antilles et à La Réunion et que la situation était à première vue plus favorable à cette dernière en raison principalement du fait que la conférence maritime, qui a été récemment supprimée à la demande de la Commission européenne, ne couvrait que la moitié du fret dans la zone de l'Océan indien, alors qu'elle couvrait la totalité du fret aux Antilles. Il a considéré que cette situation se traduisait concrètement par une absence de concurrence aux Antilles, puisque les quatre navires de transport de fret effectuent une rotation et qu'ils pratiquent le même tarif, alors qu'il existe une plus grande concurrence à La Réunion, avec trois sociétés de transport.

Il a cependant observé que le coût du fret ne couvrait pas seulement le transport mais également les frais annexes, comme le coût de l'embarquement et du débarquement des conteneurs, et il a estimé que les surcoûts liés à ces frais annexes n'étaient pas exempts de toutes critiques.

M. Serge Larcher, président , s'étant interrogé le renchérissement du coût du fret dans les départements d'outre-mer résultant du retour à vide des navires, M. Thierry Dahan, rapporteur de l'Autorité de la concurrence , a fait part de son scepticisme sur cette cause. Citant l'exemple des millions de conteneurs en provenance de Chine et à destination des États-Unis, qui repartaient généralement à vide, il a estimé qu'il n'y avait pas de véritable corrélation entre ce phénomène et le coût du fret, dont le niveau résultait davantage de l'existence ou non d'un marché concurrentiel. Il a mentionné à cet égard la différence entre le coût du fret vers La Réunion et celui du fret vers l'Australie, le second étant moins élevé en raison de la plus grande concurrence sur le marché.

Évoquant ensuite la question du prix des carburants, M. Thierry Dahan, rapporteur de l'Autorité de la concurrence , a indiqué que le rapport de l'Autorité de la concurrence étudierait plusieurs pistes.

Il a estimé que, face au constat selon lequel l'existence de prix réglementés n'avait pas empêché des dysfonctionnements et des contestations au sein de la population, il convenait de s'interroger sur leur maintien.

Il a indiqué qu'une autre piste serait de conserver le monopole pour l'achat du carburant, ce système permettant des économies d'échelle et évitant des surcoûts pour des territoires de faible étendue, tout en libéralisant le prix à la pompe, ce qui aurait d'ailleurs plus d'effets en outre-mer qu'en métropole du fait de la fiscalité moins lourde pesant sur les carburants, et présenterait l'avantage de mieux contrôler l'amont et moins l'aval, contrairement à ce qui se passe actuellement.

Il a souligné qu'une troisième possibilité, si on souhaite maintenir le système actuel de régulation des prix, serait d'améliorer la réglementation.

M. Serge Larcher, président , a observé que, au vu de la situation en matière de formation des prix et de son influence sur le déclenchement de la crise outre-mer, on pouvait s'interroger sur l'action menée par les services de l'État dans ce domaine au cours des dernières années et il a souhaité recueillir le sentiment des représentants de l'Autorité de la concurrence sur ce point.

Mme Virginie Beaumeunier, rapporteur général, a indiqué qu'il était nécessaire de distinguer l'action des services de l'État dans le domaine particulier du prix des carburants, objet d'un rapport de l'Inspection générale des finances, de celle sur la grande distribution et les produits de première nécessité, dont les prix ne sont pas réglementés et qui, de ce fait, n'ont pas fait l'objet d'une surveillance particulière de la part des services de l'État présents sur place, même si des actions ont pu être menées par ces services en matière de respect de la concurrence.

À cet égard, M. Thierry Dahan, rapporteur de l'Autorité de la concurrence , a rappelé que plusieurs affaires avaient été révélées aux Antilles, notamment dans le secteur des télécommunications, à propos des téléphones portables ou de l'Internet, mais que pour que l'Autorité de la concurrence se prononce sur ces affaires il fallait qu'elle soit au préalable saisie de plaintes, ce qui était rare.

Soulignant que le projet de loi pour le développement économique des outre-mer prévoyait la possibilité pour le Gouvernement de réglementer par décret en Conseil d'État, après consultation de l'Autorité de la concurrence, les prix de produits ou de familles de produits de première nécessité, M. Éric Doligé, rapporteur , s'est demandé s'il ne serait pas opportun de mettre en place un meilleur système d'observation des prix dans les départements d'outre-mer.

Mme Virginie Beaumeunier, rapporteur général, a observé que la mise en place de système d'observation des prix se heurtait à des obstacles méthodologiques importants, comme la structure de consommation, qui est différente outre-mer et en métropole, la construction d'un panier de prix ou encore des stratégies de contournement de la part des distributeurs.

Revenant sur l'exemple du prix des carburants outre-mer, M. Thierry Dahan, rapporteur de l'Autorité de la concurrence , a fait valoir que l'on se heurtait davantage à des problèmes d'ordre structurels que conjoncturels.

Soulignant que le prix de l'essence sur le long terme était d'un niveau inférieur outre-mer par rapport à la métropole, mais que, en raison des prix réglementés, on constatait un décalage de trois mois dans l'évolution entre le prix à la pompe outre-mer et en métropole, il a estimé que la récente crise outre-mer autour du prix du carburant résultait moins du prix en valeur absolue de l'essence à la pompe que de son évolution et de l'inertie constatée par les usagers dans le mouvement de baisse lié à l'évolution du prix du baril.

Mme Anne-Marie Payet a fait valoir que l'« Union des consommateurs Que choisir ? » avait réalisé en 2005 une enquête sur les différences de prix entre la métropole et les départements d'outre-mer, qui avait montré des écarts pouvant atteindre 200 % sur des produits de première nécessité tels que le dentifrice. Elle a également mentionné une récente enquête de l'INSEE sur ce sujet, qui avait confirmé ce diagnostic.

M. Jean-Rémi Bourhis, rapporteur de l'Autorité de la concurrence, a estimé qu'il fallait faire preuve de prudence au sujet de ces enquêtes, la structure de la consommation étant différente outre-mer, et tenir compte des produits fortement sensibles aux variations saisonnières, comme certains légumes par exemple.

Il a indiqué avoir demandé à l'INSEE des précisions sur la manière dont avait été conduite cette récente enquête, sans à ce jour avoir obtenu de réponse.

Il a considéré que la seule étude disponible était une enquête de l'INSEE, réalisée dans les années 1990, qui montrait un écart de prix maximal de l'ordre de 25 % entre les départements d'outre-mer et la métropole.

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