M. GÉRARD BALLY, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL D'EURODOM

Accueillant M. Gérard Bally, délégué général d'EURODOM, M. Serge Larcher, président , a rappelé que la mission avait effectué, le 15 avril dernier, un déplacement à Bruxelles, au cours duquel elle s'était entretenue avec les conseillers de la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne, les représentants des différents services de la Commission européenne chargés des relations avec les régions ultrapériphériques, ainsi qu'avec les représentants des régions ultrapériphériques espagnoles et portugaises. Il a indiqué que, face au resserrement des marges de négociation auprès des instances européennes résultant de l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale, il semblait indispensable que la France, en partenariat avec d'autres pays, comme l'Espagne ou le Portugal, agisse encore plus activement au niveau européen afin de promouvoir une action européenne plus forte et plus cohérente en faveur des régions ultrapériphériques.

M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a présenté en introduction les différents organismes de défense des intérêts des régions ultrapériphériques à Bruxelles, qui comprennent EURODOM, association regroupant les différents secteurs économiques des départements français d'outre-mer, l'Union des entreprises des régions ultrapériphériques de la Communauté (UPEC), dont EURODOM est la composante domienne et qui rassemble les différents intérêts économiques des sept régions ultrapériphériques, et l'association des producteurs européens de banane (APEB). Il a également mentionné la conférence des présidents des régions ultrapériphériques qui regroupe les présidents de régions ou de provinces des sept régions ultrapériphériques.

M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a ensuite évoqué la politique de l'Union européenne à l'égard des régions ultrapériphériques. Il a rappelé que cette action reposait sur l'article 299-2 du traité instituant la Communauté européenne, introduit par le traité d'Amsterdam, qui permet de prendre en compte les spécificités des régions ultrapériphériques dans la mise en oeuvre du droit communautaire et d'accorder des dérogations à ces régions, aussi bien concernant le droit primaire, c'est-à-dire les traités, que le droit secondaire, c'est-à-dire les règlements et les directives communautaires ou les politiques communes.

Il a toutefois relevé que la mise en oeuvre de cet article dépendait dans une large mesure de la Commission européenne, laquelle dispose d'une grande marge de manoeuvre en la matière, mais aussi des autres institutions européennes et en particulier du Conseil des ministres.

M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a estimé que, si l'action de l'Union européenne à l'égard des régions ultrapériphériques avait été jusqu'à présent très positive, il existait des motifs d'inquiétude pour l'avenir, en raison notamment des conséquences de l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale et du passage d'une Europe à quinze à une Europe à vingt-sept.

Parmi les aspects positifs, il a mentionné la politique agricole commune à l'égard des régions ultrapériphériques, avec le POSEIDOM, qui représente une enveloppe de 273 millions d'euros et qui joue un rôle très important pour l'agriculture dans les départements d'outre-mer, y compris pour le sucre et la banane, la fiscalité, avec les dérogations accordées par l'Union européenne à la France en ce qui concerne le régime de l'octroi de mer et le régime spécifique du rhum en matière de droits d'accises, ou encore les dérogations accordées en matière d'aides d'État, qui ont été toutefois encadrées par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes selon laquelle ces aides doivent être justifiées, proportionnelles et précisément déterminées. Il a indiqué que, si la politique régionale n'était pas spécifiquement destinée aux régions ultrapériphériques, puisqu'elle s'appliquait à l'ensemble des régions de l'Union en retard de développement, ses modalités d'application avaient toutefois été adaptées pour tenir compte de la situation particulière des régions ultrapériphériques, avec notamment des taux de cofinancements de l'Union européenne supérieurs à ceux applicables sur le continent européen et la mise en place d'une allocation spécifique de compensation des handicaps dus à l'éloignement au titre du FEDER, dotée d'une enveloppe globale de 480 millions d'euros sur sept ans pour l'ensemble des sept régions ultrapériphériques et ayant vocation à financer aussi bien les aides à l'investissement que le fonctionnement.

En revanche, il a estimé que la situation particulière des régions ultrapériphériques n'était pas suffisamment prise en compte par l'Union européenne dans le domaine de la politique commune de la pêche, puisque ces régions sont dans une situation très différente de celle existante autour des côtes du continent européen marquée par un épuisement des ressources halieutiques, et que, contrairement à ce qui se passe sur le continent, la filière de la pêche était insuffisamment développée dans les départements d'outre-mer, notamment en Martinique. Il a aussi estimé que la situation particulière de chaque région ultrapériphérique n'était pas suffisamment prise en considération par l'Union européenne, jugeant paradoxal par exemple que la Guyane, qui constitue pourtant la région ultrapériphérique la plus défavorisée, dispose du dispositif le plus restrictif en matière d'octroi de mer.

Évoquant ensuite les motifs d'inquiétude pour l'avenir, M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a rappelé que les élargissements de l'Union européenne de 2004 et 2007 s'étaient traduits par l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale, dont les deux tiers des régions avaient un PIB par habitant inférieur à celui des départements français d'outre-mer, à budget européen constant, en raison de la position des pays contributeurs nets comme l'Allemagne, la France ou l'Autriche.

Il a estimé que ces élargissements rendaient les institutions européennes plus réticentes à accorder des dérogations aux régions ultrapériphériques, la Commission européenne craignant une opposition du Conseil des ministres où les trois États disposant de régions ultrapériphériques, la France, l'Espagne et le Portugal, sont dans une situation plus difficiles dans une Europe à vingt-sept que dans une Europe à six ou neuf.

Il a également regretté que l'unité chargée des régions ultrapériphériques, créée à l'initiative de Michel Barnier, qui était auparavant rattachée directement au président de la Commission européenne, ait été, lors de la mise en place de l'actuelle Commission, rattachée au Commissaire européen chargé de la politique régionale. Il a estimé que ce changement lui avait fait perdre de l'autorité face aux autres directions générales de la Commission, comme la direction générale de l'agriculture ou du commerce, et qu'elle avait nui à la coordination entre les différents services de la Commission, l'unité chargée des régions ultrapériphériques n'étant parfois même pas informée des initiatives prises par les autres directions générales qui la concernent.

Dans le prolongement des propos du président, M. Serge Larcher , il a estimé indispensable que la France, en partenariat avec l'Espagne et le Portugal, agisse encore plus activement au niveau européen afin de promouvoir une action européenne plus forte et plus cohérente en faveur des régions ultrapériphériques.

Il a souhaité attirer l'attention de la mission sur un sujet particulièrement préoccupant à ses yeux, qui tient à la volonté de la Commission européenne de mettre en place une méthodologie particulière de calcul de compensation des handicaps résultant de l'éloignement. Il a indiqué que le système initialement proposé par la Commission européenne en la matière ayant été unanimement critiqué et que la Commission attendait désormais de la part des autorités françaises une proposition de méthodologie alternative, mais que, en raison du retard de l'administration française à présenter cette proposition, on pouvait craindre que le système retenu ne soit pas favorable aux régions ultrapériphériques.

Au sujet des accords de partenariat économique avec les pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP), M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a rappelé que l'annonce de ces accords avaient suscité une forte attente de la part des départements français d'outre-mer, désireux d'élargir leurs débouchés par de nouveaux marchés situés dans les pays voisins, mais que, en définitive, le résultat des négociations menées par la Commission européenne sur ces accords avait abouti à un échec complet, puisque non seulement les départements d'outre-mer n'auront pas accès aux marchés des pays ACP, mais qu'ils devront ouvrir immédiatement leur propre marché aux produits en provenance de ces pays. Il a indiqué que les régions ultrapériphériques n'avaient obtenu qu'une dérogation pour le sucre et la banane et une « clause de sauvegarde régionalisée », dont il a considéré qu'elle serait difficile à mettre en oeuvre et dont il a douté de l'efficacité.

En définitive, il a estimé que l'attitude de l'Union européenne était paradoxale puisque, d'un côté, elle apporte des financements pour aider les entreprises situées dans les départements d'outre-mer à investir et à produire, et que, de l'autre côté, elle leur interdit simultanément d'exporter dans leur voisinage.

Il a considéré que, en dépit des nombreuses déclarations de la Commission européenne en faveur de l'intégration des régions ultrapériphériques dans leur environnement géographique, il n'existait pas de véritable politique européenne d'intégration régionale de ces régions, notamment en matière de débouchés économiques.

En ce qui concerne le régime de l'octroi de mer, M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a rappelé que les menaces pesant sur ce régime n'étaient pas nouvelles, même si elles semblent plus fortes aujourd'hui. Il a également rappelé que, sous l'influence de l'Union européenne le régime de l'octroi de mer avait fortement évolué, passant d'une mesure équivalente à un droit de douane à un instrument fiscal de soutien au développement économique et constituant une ressource essentielle des collectivités locales.

Estimant que la prorogation de ce régime par l'Union européenne dépendait avant tout de la volonté de la France de défendre un tel régime, il s'est déclaré davantage préoccupé par les critiques formulées dans notre pays à l'encontre de l'octroi de mer, notamment au sein du ministère de l'économie et des finances, jugeant que le choix sur la prorogation ou non de ce régime serait avant tout un débat national.

Enfin, s'agissant des négociations sur les futures perspectives financières et l'avenir de la politique régionale après 2014, M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a indiqué que, si les discussions n'avaient pas encore débuté et qu'il était encore trop tôt pour se prononcer, il était peu vraisemblable que l'on aille vers une augmentation du budget européen, compte tenu de l'opposition des pays contributeurs nets, mais que la crise actuelle renforçait les États partisans du maintien d'une politique régionale ambitieuse de l'Union européenne, face aux pays désireux de « renationaliser » cette politique.

M. Éric Doligé, rapporteur , s'est interrogé au sujet de l'attitude de la Commission européenne dans les négociations sur les accords de partenariat économique avec les pays ACP. Il a également fait part de ses inquiétudes concernant la défense des intérêts des départements d'outre-mer par l'administration française à Bruxelles, citant l'exemple du rapport remis par les autorités françaises à la Commission européenne sur les effets économiques de l'octroi de mer, qui a été jugé très insuffisant par les services de la Commission.

M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a répondu que la Commission européenne avait fait preuve de faiblesse vis-à-vis des pays ACP dans les négociations sur les accords de partenariat économique, car elle n'avait pas su imposer l'ouverture de leurs marchés aux produits issus des régions ultrapériphériques.

Rappelant qu'il avait été chargé d'un rapport d'information, au titre de la délégation pour l'Union européenne du Sénat, avec M. Yann Gaillard, sur la politique régionale lors de l'élaboration des perspectives financières 2007-2013 et que, déjà à l'époque, cette politique, et en particulier l'objectif 2, risquait de devenir la variable d'ajustement, M. Simon Sutour a souhaité avoir des précisions au sujet du taux de consommation des crédits au titre des fonds structurels dans les départements français d'outre-mer.

M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a indiqué que le taux de consommation des crédits au titre de la politique régionale variait sensiblement entre les différents départements français d'outre-mer et selon les fonds concernés, allant en moyenne de 50 à 70 %.

M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a confirmé à M. Serge Larcher, président , que La Réunion connaissait le taux le plus élevé de consommation des crédits et la Martinique le plus bas .

M. Georges Patient a exprimé le souhait que la mission étudie plus attentivement cette question.

M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a indiqué que, malgré les derniers élargissements de l'Union européenne, les quatre départements français d'outre-mer connaissaient encore un PIB par habitant inférieur à 75 % de la moyenne communautaire, contrairement d'ailleurs aux autres régions ultrapériphériques espagnoles et portugaises, et qu'ils restaient donc éligibles à l'objectif 1, mais que la Martinique, avec un PIB par habitant de l'ordre de 74 % de la moyenne communautaire, risquait de ne plus être éligible à cet objectif dans le cadre des prochaines perspectives financières.

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