II. LA DETTE SOCIALE : LE RISQUE DU RENONCEMENT

2009 marque une date importante dans l'histoire de la dette sociale. En 1996, en effet, lorsque le gouvernement d'Alain Juppé décida de mettre en oeuvre un plan ambitieux de sauvegarde de la sécurité sociale, l'ordonnance créant la Cades assigna à celle-ci la mission d'apurer les déficits cumulés par le régime général sur une période de treize ans et un mois qui devait s'achever en conséquence en 2009 au plus tard.

Treize ans plus tard, non seulement la Cades existe toujours, mais le montant de la dette qu'elle doit encore rembourser est beaucoup plus élevé que celui de la dette initiale reprise en 1996.

Dans le même temps, une nouvelle dette est en cours de constitution sous la forme de déficits massifs du régime général de la sécurité sociale.

Dans ces conditions, le risque est désormais grand de voir disparaître toute perspective d'extinction de la dette sociale, alors même que le système de gestion de cette dette avait été précisément conçu pour éviter cette pérennisation et le report de la dette sur les générations futures.

A. UN BREF RAPPEL : COMMENT EN EST-ON ARRIVÉ LÀ ?

1. L'accroissement continu de la dette

A l'origine, la mission de la Cades était d'apurer, d'ici à 2009, la dette cumulée du régime général de la sécurité sociale estimée à la fin 1996, soit 20,886 milliards d'euros.

Elle devait également verser 0,457 milliard d'euros à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles, la Canam, pour combler ses déficits de 1995 et 1996.

La Cades devait enfin verser une soulte de 1,906 milliard d'euros par an à l'Etat pendant douze ans, au titre du remboursement de la dette de 16,77 milliards d'euros, contractée par l'Acoss et reprise, fin 1993, par l'Etat dans la loi de finances pour 1994. A la suite de modifications à l'échéancier de versement de la soulte, le montant global remboursé par la Cades au titre de cette dette s'est élevé à 23,38 milliards d'euros. La dette initiale reprise par la Cades s'élevait donc au total, et compte tenu des ajustements réalisés ultérieurement, à 44,723 milliards d'euros.

Par la suite, divers textes sont venus élargir les missions de la Cades et accroître considérablement le montant de la dette qui lui était confiée. Le tableau suivant retrace les différentes étapes qui ont conduit à la constitution de la dette actuelle qu'elle porte.

Reprise de dette par la Cades depuis l'origine

(en milliards d'euros)

Année

Nature de la dette reprise

Montant

1996

Déficits cumulés des exercices 1994 et 1995 et déficit prévisionnel 1996 du régime général

20,886

Déficits 1995 et 1996 de la Canam

0,457

Emprunt Acoss, repris par l'Etat en 1994

23,380

1998

Déficits cumulés du régime général depuis 1996 (après déduction de la fraction déjà prise en charge en 1996) et déficit prévisionnel de 1998

13,263

2003

Dette du Forec 1 (première moitié régime général et autres régimes)

1,283

2004

Dette du Forec (deuxième moitié régime général)

1,097

Déficits cumulés de la branche maladie du régime général au 31 décembre 2003 et déficit prévisionnel 2014

35,000

2005

Déficit prévisionnel de la branche maladie en 2005

6,610

2006

Déficit prévisionnel de la branche maladie en 2006 et régularisation de la reprise de dette opérée en 2005 (- 0,3 milliard d'euros)

5,700

2007

Revalorisation de la reprise de dette opérée en 2006

- 0,065

2008

Premier versement pour la reprise des déficits cumulés à fin 2008 des branches maladie et vieillesse du régime général ainsi que du fonds de solidarité vieillesse (FSV)

10,000

2009

Versements complémentaires pour la reprise cumulée - dans la limite de 27 milliards d'euros - des déficits cumulés à fin 2008 des branches maladie et vieillesse du régime général ainsi que du fonds de solidarité vieillesse (FSV) 2

17,000

TOTAL

134,611

1 La Cades a été invitée à se substituer à l'Etat pour rembourser, en 2003 et 2004, la créance détenue depuis 2000 par les organismes de sécurité sociale sur le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (Forec), fonds centralisant les recettes destinées à compenser, pour le compte de l'Etat, les exonérations de cotisations sociales décidées dans le cadre de la mise en place des trente-cinq heures.

2 A ce jour, 16,9 milliards d'euros ont été repris par la Cades. L'ensemble des déficits cumulés ayant finalement atteint 27,02 milliards et la loi de financement pour 2009 ayant fixé à 27 milliards le montant repris par la Cades, un décret pris au cours de l'été permettra la reprise de 100 millions de dette supplémentaire par la Cades.

Ce montant total de la dette reprise par la Cades diffère légèrement de celui de la dette votée par le Parlement (137,4 milliards d'euros), dans la mesure où le Parlement a, à plusieurs reprises, voté la reprise par la Cades de déficits prévisionnels qui se sont révélés in fine légèrement inférieurs aux prévisions.

2. La situation actuelle de la Cades

a) L'amortissement de la dette reprise

L'estimation de la dette amortie par la Cades est, au 31 décembre 2008, de 37,541 milliards d'euros. A cette date, la dette restant à rembourser s'élevait à 80,070 milliards.

Au 31 décembre 2009, compte tenu des nouvelles reprises de dette intervenues ou à intervenir au titre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, le montant de la dette amortie cumulée devrait atteindre 41,564 milliards et le montant de la dette restant à rembourser 92,974 milliards.

Le tableau suivant récapitule les conditions d'amortissement de la dette reprise par la Cades depuis sa création.

Amortissement de la dette reprise par la Cades

Année de reprise de la dette

Dette reprise cumulée

Estimation amortissement de l'année

Estimation amortissement cumulé

Situation nette (dette restant à rembourser au

31/12 de l'année)

1996

23 249

2 184

2 184

21 065

1997

25 154

2 907

5 091

20 063

1998

40 323

2 444

7 535

32 788

1999

42 228

2 980

10 515

31 713

2000

44 134

3 226

13 741

30 393

2001

45 986

3 021

16 762

29 224

2002

48 986

3 227

19 989

28 997

2003

53 269

3 296

23 285

29 984

2004

92 366

3 345

26 630

65 736

2005

101 976

2 633

29 263

72 713

2006

107 676

2 815

32 078

75 598

2007

107 611

2 578

34 656

72 955

2008

117 611

2 885

37 541

80 070

2009 (p)

134 511 4 ( * )

4 023

41 564

92 947

Selon les informations fournies par la Cades à votre rapporteur, l'horizon de remboursement médian espéré est actuellement de douze ans (2021). Il existe 5 % de risques de ne pas avoir remboursé avant quatorze ans (2023) et 5 % de chances d'avoir terminé avant onze ans (2020).

Source : Cades

Répartition entre intérêts et dette amortie

en m€

Source : Cades

b) Les ressources de la Cades

Jusqu'à la fin de l'année 2008, l'essentiel des ressources de la Cades était constitué du produit de la CRDS, contribution au taux de 0,5 % assise sur les revenus d'activité, de remplacement, de placement et du patrimoine ainsi que sur les jeux et les objets précieux.

En 2008, le rendement de la CRDS a été de 5,98 milliards d'euros, en progression de 5,3 %. Le produit attendu en 2009 est estimé à 5,97 milliards, soit une diminution de 0,3 % par rapport à 2008.

A compter du 1 er janvier 2009, la Cades reçoit également une fraction de 0,2 point de CSG, dont le rendement prévisionnel, sur 2009, est de 2,3 milliards d'euros.

c) Le financement des reprises de dette par la Cades

Pour faire face à ses engagements, la Cades est habilitée à contracter des emprunts, selon une stratégie élaborée par son conseil d'administration et dont les principes fondamentaux sont :

- la minimisation du coût des financements ;

- la crédibilité de la signature : la Cades a eu dès l'origine la volonté d'émettre des emprunts de référence et, de fait, depuis sa mise en place en 1996, elle s'est positionnée comme un émetteur international de tout premier rang bénéficiant de la notation triple A par les principales agences de notation internationale ;

- l'utilisation d'une grande palette d'instruments financiers ;

- une diversification géographique des sources de financement (émissions obligataires en dollars américains, australiens, canadiens...), le risque de change étant cependant neutralisé.

Le statut comptable de la Cades contesté par la Cour des comptes

Comptablement, la Cades figure actuellement dans les immobilisations financières de l'Etat en tant qu'entité non contrôlée.

Dans son rapport sur la certification des comptes de l'Etat pour 2008, la Cour des comptes a formulé une réserve substantielle liée au statut comptable de la Cades, en estimant qu'elle remplit toutes les conditions pour être classée en participation contrôlée de l'Etat. Elle a souhaité une clarification des intentions du législateur.

La Cour a fait valoir que « deux options sont ouvertes : l'application stricte des normes comptables et l'intégration de la Cades dans les comptes de l'Etat en tant qu'entité contrôlée, ce qui aura des conséquences sur le bilan et la situation nette de l'Etat, ou le rattachement de la Cades aux comptes de la sécurité sociale, ce qui réduirait l'intérêt du mécanisme de défaisance mis en place en 1996 » 5 ( * ) .

* 4 La Cades doit encore reprendre 100 millions d'euros de dette au cours de l'été au titre de la reprise votée en loi de financement pour la sécurité sociale pour 2009.

* 5 Audition de Philippe Séguin par la commission des affaires sociales le 30 juin 2009, cf. p. 61.

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