2. L'article 88-4 de la Constitution

a) Les résolutions européennes

Dans la logique du renforcement des délégations opéré par la loi du 10 mai 1990, la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 introduisit dans la Constitution l'article 88-4, permettant à chaque assemblée de voter des résolutions en rapport avec les projets de textes européens entrant dans le domaine de la loi.

Il s'agissait d'une innovation importante, car jusque là, la Constitution de 1958, telle qu'interprétée par le Conseil constitutionnel, interdisait aux assemblées d'adopter des résolutions sur des sujets politiques.

Le Règlement du Sénat a confié en 1995 à la délégation pour l'Union européenne un rôle pivot pour la mise en oeuvre de cette disposition. Elle a été chargée d'examiner systématiquement les textes soumis au Sénat dans le cadre de l'article 88-4, avec la faculté de conclure au dépôt d'une proposition de résolution ; cette faculté s'ajoutait à celle dont disposait , depuis la révision de 1992, tout sénateur.

b) La réserve d'examen parlementaire

Afin de garantir la possibilité de prendre en compte les résolutions des assemblées, une circulaire du Premier ministre a mis en place une « réserve d'examen parlementaire » inspirée du modèle britannique de la « scrutiny reserve » . Ce mécanisme assure au Sénat, comme à l'Assemblée nationale, un délai d'un mois pour manifester sa volonté de se prononcer sur un projet de texte européen relevant de l'article 88-4. Lorsqu'une telle volonté s'est clairement manifestée, le Gouvernement doit, dans la mesure du possible, s'opposer à ce qu'une décision définitive soit prise à l'échelon européen, avant l'adoption de la résolution envisagée.

c) La procédure d'adoption des résolutions

Avant la révision du Règlement qui vient d'intervenir, la procédure d'adoption des résolutions n'était enfermée dans aucune limite de durée. Les propositions de résolution étaient transmises à la commission compétente ; lorsque celle-ci avait statué, la proposition de résolution qu'elle avait adoptée devenait résolution du Sénat au terme d'un délai de dix jours, sauf si, dans ce délai, le président du Sénat, le président d'un groupe ou d'une commission, le président de la délégation pour l'Union européenne ou le Gouvernement demandait un examen en séance plénière ; si, dans les quinze jours suivant cette demande, l'inscription à l'ordre du jour n'avait pas été décidée, la proposition de résolution de la commission compétente devenait résolution du Sénat.

Cette procédure présentait certaines insuffisances.

Tout d'abord, pour avoir une influence, les résolutions européennes doivent intervenir suffisamment tôt dans le processus de négociation. Dès la présentation officielle d'un texte par la Commission européenne, les groupes de travail du Conseil se mettent en place ; puis, leurs premiers résultats alimentent les « trilogues » informels entre Conseil, Commission et Parlement qui préfigurent très souvent l'issue des négociations. Même si la procédure d'adoption des textes européens peut être longue, parce que tel ou tel point particulier suscite un blocage, la « fenêtre d'opportunité » pour une intervention utile est donc relativement brève. Or, en l'absence de règles concernant les délais d'adoption des résolutions, celles-ci intervenaient souvent trop tardivement ; ainsi, les résolutions européennes adoptées par le Sénat en 2008 l'ont été six mois en moyenne après la transmission du texte européen sur lequel elles portaient.

Par ailleurs, l'influence des résolutions européennes suppose que le Sénat exerce un contrôle sur les suites données aux résolutions. Le nécessaire dialogue régulier avec le Gouvernement sur ce sujet s'était cependant avéré difficile à organiser.

Enfin, les affaires européennes sont étroitement imbriquées dans les affaires nationales. Elles doivent donc être traitées de manière à impliquer le maximum possible de sénateurs, et non être l'apanage d'une partie d'entre eux. Or, l'adoption des résolutions européennes en séance publique est une faculté qui a été peu utilisée jusqu'à présent, notamment parce que les conditions de fixation de l'ordre du jour laissaient peu de place à l'initiative et au contrôle parlementaires.

Comme on le verra, la révision constitutionnelle et la réforme du Règlement ont créé les conditions pour que ces insuffisances soient corrigées.

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