2. La menace de la charge de la dette

a) L'hypothèque de l'accroissement de la charge de la dette de l'Etat

La part de la charge de la dette dans les dépenses nettes du budget général oscille entre 13 % et 17 % depuis plusieurs années :

Evolution de la part de la charge de la dette dans les dépenses du budget général

(en milliards d'euros et en %)

Source : Agence France Trésor

Le caractère indolore de l'endettement public actuel s'explique principalement par le niveau historiquement faible des taux d'intérêt, qui permet à « l'effet taux » de compenser en tout ou partie, selon les années, « l'effet volume ».

Il convient cependant de garder à l'esprit que l'effet d'une remontée des taux d'intérêt sur la charge de la dette serait immédiat et massif . Dans le programme de performance pour 2010 de la mission « Engagements financiers de l'Etat », l'Agence France Trésor simule les effets sur la charge de la dette d'un accroissement de 1 % du niveau des taux d'intérêt sur toutes les maturités, toutes les catégories de titres et toutes les émissions entre 2010 et 2018. Il en résulte que la charge de la dette s'en trouverait majorée de 2,5 milliards d'euros en 2010 et de 14,5 milliards d'euros en 2018.

Pour donner un ordre de grandeur, le montant des dépenses supplémentaires autorisées en 2010 par rapport à 2009 en application de la règle du « zéro volume » (stabilisation des dépenses en volume) s'établit à 4,3 milliards d'euros. Si les taux augmentaient uniformément de 1 %, selon l'hypothèse retenue pour la simulation ci-dessous, ce sont en 2010 2,5 milliards d'euros sur ces 4,3 milliards, soit plus de la moitié, qui seraient « préemptés » par la charge de la dette. En 2018 le respect de la norme « zéro volume » obligerait à réduire les dépenses hors charge de la dette d'une dizaine de milliards d'euros. Pour le Gouvernement qui a fait de cet outil le « point d'ancrage indispensable dans le pilotage des finances publiques », la pression sur la norme de dépense serait alors très forte .

Impact d'une hausse générale des taux de 1 % sur la charge de la dette négociable (OAT, BTAN, BTF)

(en milliards d'euros)

Source : projet annuel de performance de la mission « Engagements financiers de l'Etat », projet de loi de finances pour 2010

b) La reprise inéluctable de la dette sociale
(1) L'accumulation de nouveaux déficits sociaux en 2009 et 2010

Selon la Cour des comptes, la dette consolidée issue des régimes obligatoires de base avait atteint 109,1 milliards d'euros à la fin de l'année 2008, soit une progression de 14 % depuis la fin 2006 : 74 % de cette dette était supportée par la CADES, 16 % par l'ACOSS et 10 % par l'Etat au titre de la reprise de la dette du régime agricole. En outre, la charge de cette dette représente un coût important puisque qu'il serait désormais « nécessaire de consacrer plus de quatre milliards de prélèvements sociaux et fiscaux au paiement des intérêts de la dette du régime général et du régime agricole ».

Selon les estimations actuellement disponibles, les « déficits cumulés » du régime général en 2009 et 2010 atteindraient 56,3 milliards d'euros (hors mesures proposées par le PLFSS pour 2010). La crise, via notamment la diminution sensible des recettes issues des cotisations, est l'explication prépondérante de cette nouvelle accumulation de déficits sociaux. Si en 2007, le déficit du régime général est quasi intégralement structurel, la composante conjoncturelle expliquerait 17 % de ce déficit en 2008, 64 % en 2009, et 66 % en 2010.

(2) La crise actuelle rend certes difficile toute hausse des prélèvements obligatoires

Devant la commission des comptes de la sécurité sociale, le ministre du budget, des comptes publiques et de la réforme de l'Etat a confirmé la volonté du gouvernement de ne procéder à aucune augmentation des prélèvements, ce qui de facto écarte toute hypothèse de reprise de dette supplémentaire par la CADES en 2010 : « Pour faciliter le retour de la croissance, le gouvernement écarte toute hausse massive des prélèvements. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons exclu durant cette crise une reprise de dette du régime général par la CADES . Un transfert de dette aurait en effet nécessité une hausse de la CRDS qui aurait pesé sur le pouvoir d'achat et la croissance. En 2010, l'ACOSS continuera donc à porter le déficit de la sécurité sociale. Quand la situation économique sera complètement rétablie, nous nous poserons sereinement la question du traitement de la dette et des déficits. ».

(3) Cependant, elle ne doit pas être le prétexte pour différer le débat sur le financement de la nouvelle dette sociale

Si votre rapporteur général reconnaît que la gestion de la sortie de crise nécessite de ne pas accroître à court terme les prélèvements obligatoires, il souligne qu'une reprise de la dette sociale de l'ACOSS est inéluctable .

Selon les informations communiquées lors de la réunion du comité de surveillance de la CADES le 10 juin 2009, le « tarif » des futures reprises de dette par la caisse seraient les suivants :

- pour reprendre 10 milliards de dette le 4 janvier 2010, il faudrait augmenter le taux de CRDS de 0,077 point;

- pour reprendre 10 milliards de dette le 3 janvier 2011, il faudrait augmenter le taux de CRDS de 0,085 point ;

- pour reprendre 10 milliards de dette le 2 janvier 2012, il faudrait augmenter le taux de CRDS de 0,095 point.

Ainsi, par exemple, la reprise de 50 milliards d'euros de dette par la CADES impliquerait d'augmenter la CRDS de 0,425 point en 2011 et 0,475 en 2012, ce qui représenterait pratiquement un doublement de son taux, actuellement fixé à 0,5 %. Autant dire que les transferts de dette deviendront impossibles d'ici quatre ou cinq ans.

Votre rapporteur général considère qu'en cette matière, compte tenu du contexte économique global et de la nécessité de ne pas freiner le retour de la croissance, il convient de privilégier la solution la plus pragmatique et la plus efficace possible.

Cette situation amène à s'interroger sur notre capacité collective à respecter l'esprit de l'article 20 de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS), qui manifestait le refus de reporter sur les générations futures la charge de la dette sociale. Une reprise de la dette sociale par l'Etat ou un transfert à une caisse de crise reviendrait en effet à le contourner. Deux solutions alors se présentent, et peuvent être combinées :

- réaliser dans les années à venir des économies importantes ;

- accepter un redéploiement des prélèvements obligatoires au profit de la sécurité sociale afin d'éviter que des déficits supplémentaires ne se forment.

Votre rapporteur général juge toutefois impensable , dans le contexte économique actuel, de parvenir à un équilibre des comptes sociaux à brève échéance. Dans ces conditions, s'il l'on entend maîtriser l'évolution des prélèvements obligatoires, votre rapporteur général estime qu' il faudra à la fois augmenter les recettes de la CADES et allonger à nouveau la durée d'amortissement de sa dette , afin d'éviter un effet « boule de neige » des prélèvements qui lui sont affectés. Une telle option nécessite cependant une modification législative de nature organique.

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