2. Un report de traitement particulièrement risqué

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ne prévoit aucune mesure de traitement de la dette en cours d'accumulation sous l'effet du déficit réalisé en 2009 et des déficits prévus pour les années à venir.

Cette situation est particulièrement préoccupante, dans la mesure où le report des décisions sur ce sujet risque de rendre le traitement de cette dette plus douloureux et présente de sérieuses incertitudes.

a) Le coût de la gestion de la dette et le risque de taux

Comme l'a relevé la Cour des comptes dans son dernier rapport « indépendamment de tout amortissement, il est désormais nécessaire de consacrer plus de 4 milliards d'euros de prélèvements sociaux et fiscaux au paiement des intérêts de la dette du régime général et du régime agricole ».

Evolution des amortissements et des charges d'intérêt sur la période 2006-2008

En millions d'euros

2006

2007

2008

Intérêts (charge nette)

Acoss*

271

648

834

Ffipsa

86

186

283

Cades

2 661

3 101

3 093

TOTAL

3 018

3 935

4 230

Amortissement de la dette Cades

2 815

2 578

2 885

Amortissements + intérêts

5 833

6 513

7 095

* y compris la partie de trésorerie gérée pour des tiers

Source : Cour des comptes

Certes, le très bas niveau des taux d'intérêt en 2009 - à court terme notamment -, a permis de réduire très sensiblement le montant des charges financières assumées par l'Acoss dans la gestion de la trésorerie de la sécurité sociale, tandis que la Cades a pu consacrer davantage de recettes à l'amortissement proprement dit de la dette qu'elle porte.

Cependant, rien ne garantit que cette situation perdurera et une augmentation des taux courts aurait un impact immédiat et important sur les comptes sociaux.

Surtout, comme l'a souligné la Cour des comptes dans le rapport précité, « la séparation entre la gestion de la trésorerie contractée par l'Acoss, qui ne peut s'effectuer sur un horizon supérieur à un an, et la dette transférée à la Cades, qui peut faire l'objet d'un refinancement à moyen et long terme, interdit aux gestionnaires de saisir toutes les opportunités d'arbitrage offertes par l'évolution des taux d'intérêts ».

Par ailleurs, la croissance exponentielle des fonds que doit mobiliser l'Acoss pour lui permettre de s'acquitter de ses obligations vont la contraindre à diversifier ses sources de financement dans des conditions encore imprécises.

Ainsi, lors de son audition du 14 octobre 2009 par la commission des affaires sociales sur le PLFSS pour 2010, Pierre Burban, président de l'Acoss, a indiqué que, « pour faire face à son besoin de financement de près de 62 milliards en 2010, l'Acoss recourra, en complément de ses instruments classiques que sont les avances de trésorerie de la Caisse des dépôts et consignations et l'émission de billets de trésorerie, à des émissions complémentaires sur les marchés assurées, d'un point de vue technique, par l'agence France Trésor (AFT) agissant comme prestataire de services de l'Acoss. Ainsi, la couverture des besoins de trésorerie serait assurée par plusieurs instruments :

« - des avances de la CDC à hauteur de 25 milliards dans le cadre de l'avenant à la convention signée en 2006 et dont le montant global pourrait être fixé à 31 milliards à l'occasion de la signature de la nouvelle convention prévue en 2010 ;

« - des opérations de mutualisation des trésoreries positives d'organismes sociaux en application de l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. A ce titre, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pourrait apporter une contribution d'un milliard d'euros en 2010 ;

« - des émissions accrues de billets de trésorerie auprès des investisseurs privés et publics, le montant de ces émissions pouvant passer de 3 à 10 milliards ;

« - enfin, des émissions de titres nouveaux au nom de l'Acoss, assurées techniquement par l'AFT. »

Comme l'a lui-même souligné le président de l'Acoss, une telle situation ne pourra persister au-delà de l'année 2010. Rappelons que la vocation de l'Acoss n'est pas d'assurer le financement de déficits cumulés considérables mais de trouver les ressources de trésorerie nécessaires pour faire face aux décalages entre perception des recettes et versements des prestations de la sécurité sociale.

b) Des décisions qui risquent d'être plus douloureuses

Enfin, il est essentiel de prendre conscience que les transferts de dette à la Cades deviendront de plus en plus coûteux à l'approche de la date prévue pour la disparition de la caisse. En effet, conformément aux dispositions de la loi organique du 2 août 2005, tout transfert de dette doit s'accompagner des ressources nécessaires pour y faire face sans repousser la date d'extinction de la dette portée.

En juin dernier, la Cades a calculé les « tarifs » des reprises de dette éventuelles au cours des années à venir :

- pour reprendre 10 milliards de dette le 4 janvier 2010, il faudrait augmenter le taux de CRDS de 0,077 point ;

- pour reprendre 10 milliards de dette le 3 janvier 2011, il faudrait augmenter le taux de CRDS de 0,085 point ;

- pour reprendre 10 milliards de dette le 2 janvier 2012, il faudrait augmenter le taux de CRDS de 0,095 point.

Dès lors qu'aucune reprise de dette n'est prévue par le PLFSS pour 2010, une éventuelle reprise ne pourra intervenir qu'à la fin de l'année 2010 ou au début de l'année 2011. A cette date, les déficits cumulés portés par l'Acoss et ceux du FSV devraient, selon les prévisions figurant dans le PLFSS, atteindre 63,7 milliards d'euros. Le transfert à la Cades de cette somme impliquerait une augmentation de la CRDS de 0,54 point. Son taux, actuellement fixé à 0,5 % passerait alors à 1,04 %.

Si l'on attendait une année supplémentaire, la dette à transférer pourrait atteindre 99,1 milliards d'euros à la fin de l'année 2011. Compte tenu des calculs de la Cades, il faudrait alors porter le taux de la CRDS de 0,5 % à 1,44 %.

Ces chiffres démontrent la nécessité d'envisager dès à présent le traitement de la dette sociale en cours d'accumulation. Sans doute faudra-t-il recourir à des solutions diverses. Peut-être devra-t-on envisager de modifier la loi organique de 2005 pour allonger quelque peu la durée de vie de la Cades, mais une telle évolution n'est concevable que si elle s'accompagne, simultanément, d'une augmentation crédible des recettes de la caisse , démontrant clairement que les pouvoirs publics refusent de reporter la dette d'aujourd'hui sur les générations futures.

Une solution consisterait à faire en sorte que chaque tranche de dette nouvelle transférée à la Cades soit remboursée dans un délai limité préfixé et que les recettes de la caisse soient augmentées en conséquence.

Quoi qu'il en soit, le remboursement de la dette sociale impliquera nécessairement une augmentation de la CRDS, qui sera d'autant plus importante qu'elle sera réalisée tardivement.

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