C. L'IRAN : UN ACTEUR À MIEUX INTÉGRER DANS LE DIALOGUE RÉGIONAL

L'histoire tout comme la position géographique de l'Iran, qui partage plus de 2 000 km de frontière avec l'Afghanistan et le Pakistan, expliquent le caractère indispensable de la participation de ce pays à la résolution de la crise.

L'Iran a soutenu financièrement et militairement la résistance afghane contre l'occupant soviétique, en particulier ceux qui partageaient la même vision iranienne de la révolution islamique, puis contre le régime taliban qui opprimait durement la minorité chiite Hazara. L'Iran a soutenu l'alliance du Nord jusqu'à la chute du régime taliban. En dehors du contentieux sur le partage des eaux de la rivière Helmand, les relations entre les deux pays sont bonnes.

Les relations économiques se sont considérablement développées. L'Iran est le quatrième investisseur en Afghanistan et exporte chaque année plus de 800 millions de dollars de produits divers. Il participe activement à l'entreprise de reconstruction et de développement, notamment en matière d'infrastructures.

Avec le Pakistan, l'Iran accueille encore un grand nombre de réfugiés afghans (environ 2 millions) dont il souhaite le retour progressif dans leurs pays. Les relations économiques et politiques entre le Pakistan et l'Iran se sont développées. La frontière constituée par la province du Baloutchistan dont la capitale, Quetta, est le siège de la Choura talibane dirigée par le mollah Omar.

Les relations entre les trois pays sont naturellement actives et, en mai 2009 34 ( * ) , les présidents iranien, afghan et pakistanais se sont réunis à Téhéran pour un sommet consacré en priorité à la sécurité dans la région et à coordonner leur coopération pour lutter contre l'insécurité. Lors du sommet, le président iranien a exprimé la volonté des trois pays de lutter contre l'extrémisme et le trafic de drogue. Ce sommet intervient alors que le président des États-Unis Barack Obama, qui a fait de la lutte contre les taliban une priorité, avait proposé, en mars dernier, la création d'un groupe de contact sur l'Afghanistan et le Pakistan qui inclurait d'autres pays de la région comme l'Inde et l'Iran.

Par ailleurs, les trois pays ont décidé de se réunir régulièrement. Le prochain sommet devrait se tenir à Islamabad.

Ces rencontres marquent indiscutablement une attitude plus constructive de l'Iran. Elles révèlent la très profonde inquiétude de l'Iran fasse à la dégradation de la situation en Afghanistan. Le ministre des affaires étrangères, M. Manouchehr Mottaki, a déclaré que, s'agissant de l'Afghanistan, « la solution doit être régionale et non militaire ».

Les différents interlocuteurs de la mission ont souligné le rôle important de l'Iran dans la résolution du conflit. Le vice-président de l'Inde, M. Ansari, ancien ambassadeur à Téhéran et auteur d'un ouvrage « Today, twenty years after the islamic revolution » (2005) a notamment souligné les bonnes relations de son pays avec l'Iran : « Toute solution suppose qu'on intègre l'Iran dans la négociation. »

Selon M. Shaukat, secrétaire général adjoint pour l'Afghanistan au ministère pakistanais des affaires étrangères , la paix en Afghanistan nécessite une approche régionale. Il a rappelé les sommets tripartites Afghanistan + Pakistan + Inde, avec les États-Unis, la Russie, la Turquie, l'Iran et le Tadjikistan. Un nouveau sommet se tiendra prochainement à Islamabad avec le Président Ahmadinejad. Le Pakistan propose une conférence régionale des voisins dont l'objectif serait de garantir l'indépendance de l'Afghanistan, de poser un principe de non-ingérence dans les affaires intérieures et de respecter les frontières. Le processus doit être « afghan-owned » et respecter les traditions tribales afghanes (Jirga ou autres mais sans prescriptions extérieures). L'important est d'encourager, non d'imposer, la réconciliation nationale.

La diplomatie française partage ces approches, et a toujours invité l'Iran à participer aux conférences internationales sur l'Afghanistan. Il est évident que l'amélioration des relations entre la communauté internationale et l'Iran, en particulier sur la question de la prolifération, ne manquera pas d'avoir un impact positif sur la résolution de la question afghane.

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Au-delà de ces quatre pays qui jouent un rôle central, existe un second cercle composé en particulier du Tadjikistan, de l'Ouzbékistan et du Turkménistan qui sont de plus en plus concernés par les routes de la drogue et le financement qu'elle peut apporter à des mouvements extrémistes islamistes. La Russie, avec ses républiques islamistes du Caucase, est également directement concernée.

En dehors du Pakistan, aucun des pays concernés par l'indispensable régionalisation n'entend intervenir militairement en Afghanistan au sein de la coalition internationale.

Leur intervention politique est néanmoins fondamentale pour faire diminuer les tensions régionales (Inde-Pakistan ; Chine-Inde en particulier), apaisement qui serait susceptible de permettre au Pakistan de se consacrer à la lutte contre le terrorisme et à son développement avec l'appui résolu de la communauté internationale.

L'engagement politique des pays de la région doit également conduire à une « désoccidentalisation » de l'implication de la communauté internationale.

En effet, comme nous l'ont fait remarquer certains de nos interlocuteurs au Pakistan, une stratégie de contre-insurrection a d'autant plus de chances de réussir qu'elle est effectuée par une armée nationale sur un territoire national (c'est le cas de l'armée pakistanaise dans la vallée de Swat et au Baloutchistan) et que cette force militaire partage les mêmes valeurs culturelles et religieuses que la population.

Militairement parlant, il est peu probable que la coalition puisse s'élargir de manière sensible, et surtout efficace, à d'autres pays, notamment musulmans. En dehors de la Turquie, dont l'intervention reste limitée en raison de caveats, il existe peu de pays musulmans disposant de forces armées susceptibles de renforcer, voire de remplacer le noyau dur des troupes de la coalition otanienne. Au moment où le Canada a annoncé le retrait de ses troupes en 2010 et sera sans doute suivi de l'Allemagne confrontée à une opinion publique de plus en plus hostile à sa participation, l'essentiel de l'effort reposera pour longtemps sur les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Cette identification de la force internationale à l'Occident est naturellement négative est préoccupante. Elle s'accompagne d'un sentiment grandissant d'anti-américanisme et d'anti-occidentalisme.

L'implication politique des pays de la région doit notamment se traduire, comme le propose du reste le Pakistan, par un accord garantissant l'indépendance de l'Afghanistan, posant le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures, et le respect des frontières existantes.

* 33 L'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) est une organisation intergouvernementale régionale asiatique qui regroupe la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan. Elle a été créée à Shanghai les 14 et 15 juin 2001 par les présidents de ces six pays eurasiatiques, ainsi que, comme observateurs, la Mongolie, le Pakistan, l'Iran et l'Inde

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