C. L'HÉTÉROGÉNÉITÉ DU PARC IMMOBILIER ET DU NIVEAU DE PRESTATIONS OFFERT AUX FEMMES

Selon le diagnostic établi par l'enquête de la Cour des comptes précitée, les centres de rétention administrative sont « des lieux de droit indéniablement, qui se sont beaucoup améliorés. S'il fallait faire un bilan, du côté des CRA, on pourrait se montrer légitimement rassurés et satisfaits, alors que sans doute, du côté des lieux de rétention administrative, il y a encore quelques progrès à faire. » En dépit des progrès accomplis, les magistrats soulignent « le lancinant et douloureux problème des mineurs, de la place des femmes dans ces centres de rétention, comment à la fois les protéger, pouvoir les retenir, mais dans des conditions qui soient conformes à la dignité humaine. »

S'agissant des lieux de rétention administrative la Cour des comptes relève que la situation est plus contrastée en faisant observer que dans beaucoup de ces lieux, notamment ceux qui sont situés dans des commissariats de police ou dans des lieux policiers en général, la frontière matérielle, concrète et humaine entre la rétention et la détention n'est pas toujours clairement tracée, en raison de la promiscuité des locaux et aussi parce que les agents de l'administration, qui sont chargés de surveiller les retenus, sont aussi chargés de garder les détenus. Par ailleurs, beaucoup de LRA apparaissent comme un provisoire qui perdure.

Lors de son audition devant la délégation, M. Géraud Guibert, rapporteur de l'enquête de la Cour sur la gestion des centres de rétention administrative a noté que le régime juridique de création tant des centres que des lieux de rétention ne contenait pas de dispositions spécifiques aux femmes . Il a cité le décret de 2005 qui, s'il prévoit des conditions spécifiques d'accueil des familles, n'organise rien pour les femmes. Il a souligné que la seule disposition qui les concerne est l' interdiction de la mixité dans les chambres .

Puis, il a estimé que, du fait sans doute de leur nombre plus réduit, les femmes en rétention avaient tendance à être considérées par l'administration comme une catégorie peu prioritaire . Il a relevé qu'il n'existait aucune statistique officielle accessible au public, ni sur le nombre de femmes, ni sur le nombre d'enfants en détention. Il a indiqué que, d'après certaines évaluations, on compterait 1 000 à 2 700 femmes retenues chaque année, soit 5 à 9 % de la population totale . Il a également noté que les nationalités les plus représentées n'étaient pas les mêmes que pour les hommes.

1. Les centres de rétention administrative

D'après l'enquête de la Cour des comptes, les récentes constructions qui ont été faites marquent un progrès très sensible, d'autant que les centres qui avaient défrayé la chronique et que l'opinion, en tout cas les observateurs indépendants, avaient stigmatisé, ont été fermés pour certains d'entre eux, que des efforts et une réflexion ont été menés sur la technique de construction.

Concernant le taux d'occupation de ces centres, le directeur central à la police des frontières a indiqué que les locaux réservés aux hommes étaient occupées à 64 %, tandis que ceux réservés aux femmes l'étaient à 32 % et ceux réservés aux familles à 9 % . Il a ainsi considéré que les conditions de vie, même sommaires, des personnes placées en rétention administrative, n'étaient pas aggravées par un phénomène de surpopulation.

a) 26 centres de rétention administrative peuvent accueillir 1 659 personnes

On recense 22 CRA en France métropolitaine pour un total de 1 515 places et 4 CRA opérationnels en outre-mer pour une capacité de 144 places : au total, 26 CRA peuvent accueillir 1 659 personnes. La taille des CRA est variable : 24 places à Bordeaux et 140 au Mesnil-Amelot. Les taux d'occupation varient également de 33 % à Nîmes à 91 % à Vincennes, pour une moyenne qui s'établit à 68 % en 2008. Le parc immobilier est hétérogène : anciennes casernes, ancien hôtel, bâtiments neufs, palais de justice, hôtels de police, locaux ad hoc .

Si presque tous les centres accueillent à la fois des hommes et des femmes , seuls certains centres peuvent accueillir des enfants accompagnant leurs parents : il s'agit des centres de Coquelles, de Lille 2, de Lyon Saint-Exupéry, de Marseille-Canet, de Plaisir, de Rouen-Oissel et de Toulouse Cornebarieu.

La seule exigence posée dans ce domaine par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est l'existence de chambres non mixtes (article R.553-3). Comme le précise l'enquête de la Cour des comptes, la problématique de l'accueil des femmes est, dans les faits, complexe et varie selon les centres.

LISTE DES CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE DE MÉTROPOLE

CENTRE DE RÉTENTION

Service gestionnaire

Capacité

Taux d'occupation réelle en 2008

Durée moyenne de rétention en 2008

Présence de femmes

Présence
de familles

Création

BOBIGNY (93)

PAF

55

83%

8,19

NON

NON

2003

BORDEAUX (33)

PAF

24

71%

10,9

NON

NON

2003

COQUELLES (62)

PAF

75

85%

9,75

OUI

OUI

2003

GEISPOLSHEIM (67)

Gendarmerie

36

79%

13,47

OUI

NON

1991

LE MESNIL AMELOT (77)

Gendarmerie

140

90%

10,79

NON

NON

1995

LILLE LESQUIN 1 (59)

PAF

40

14%

10,17

NON

NON

1985

LILLE LESQUIN 2 (59)

PAF

96

69%

7,95

OUI

OUI

1996

LYON SAINT EXUPERY (69)

PAF

120

76%

9,96

OUI

OUI

1995

MARSEILLE CANET (13)

PAF

136

69%

11,46

OUI

OUI

2006

METZ (55)

Gendarmerie

30

71%

16,46

OUI

OUI

2007

NANTES (44)

PAF

8

84%

8,68

OUI

NON

1995

NICE AUVARE (06)

PAF

40

88%

8,01

OUI

NON

1986

NIMES (30)

PAF

126

33%

7,81

OUI

OUI

2007

PALAISEAU (91)

PAF

40

71%

9,84

OUI

NON

2005

PARIS VINCENNES 1 (75)

Préfecture de Police

140

93%

14,86

NON

NON

PARIS VINCENNES 2 (75)

Préfecture de Police

140

92%

15,96

NON

NON

2006

PARIS DÉPÔT (75)

Préfecture de Police

40

61%

8,04

Exclusivement

NON

1981

PERPIGNAN (66)

Gendarmerie

50

66%

7,90

NON

NON

2007

PLAISIR (91)

PAF

32

67%

10,68

OUI

OUI

2006

RENNES (35)

Gendarmerie

60

52%

11,58

OUI

OUI

2007

ROUEN OISSEL (76)

PAF

72

58%

9,35

OUI

OUI

2004

SÈTE (34)

PAF

28

42%

8,76

OUI

NON

1993

TOULOUSE 1 (31)
Centre actuellement inutilisé

PAF

37

OUI

OUI

TOULOUSE CORNEBARRIEU (31)

PAF

126

46%

11,77

OUI

OUI

2006

b) Les progrès constatés

Les rapports parlementaires précités rendent compte d'un réel effort en faveur des Centres de rétention administrative depuis 2002. Ainsi, dès janvier 2005, un programme d'urgence a été mis en oeuvre. Doté d'un budget de 2 millions d'euros, il a permis d'améliorer l'état des locaux existants et de les munir d'un certain nombre d'équipements élémentaires nécessitant un renouvellement ou faisant défaut jusqu'alors. Au-delà de ce programme, plus de 4,8 millions d'euros d'investissement ont été affectés aux travaux d'entretien et de réhabilitation des centres existants (Marseille Arenc, Paris dépôt, Nantes, Nice, Bordeaux et Bobigny) sur la période 2004-2005. Les centres de Nanterre et de Versailles qui ne répondaient pas aux normes ont été fermés et des travaux d'aménagement dans plusieurs centres ont permis une amélioration des conditions de rétention. Début 2005, la totalité des centres existants en métropole disposaient d'une cour de détente extérieure, d'une séparation hommes/femmes et de locaux de visites. Ainsi, sans même attendre la livraison des nouveaux CRA répondant à l'ensemble des normes du décret de 2005, des crédits importants ont été consacrés à l'amélioration des centres existants, y compris ceux destinés à être fermé, comme celui de Marseille-Arenc. De même, c'est également en 2006 que la partie « hommes » du CRA de Paris-Dépôt a été fermée : cette fermeture, liée à l'ouverture du deuxième centre de Vincennes, a permis d'agrandir et de moderniser la partie réservée aux femmes de ce CRA.

La responsabilité administrative de la totalité des CRA est progressivement transférée, depuis 2008 et jusqu'en 2010, à la police aux frontières (PAF). Toutefois, les CRA de Paris-dépôt et de Vincennes restent sous la gestion de la préfecture de police de Paris, ce qui semble discutable au regard des objectifs d'optimisation des moyens, des procédures et des formations qui seraient souhaitables.

c) Les lacunes dans l'équipement des CRA

En matière de mise aux normes des équipements, une nette amélioration de la situation a été relevée par l'enquête de la Cour des comptes présentée à la délégation, mais quelques cas demeurent problématiques, d'autant plus que la durée de rétention est longue :

- l'état général des centres de Marseille et de Palaiseau n'est pas satisfaisant ;

- dans certains centres (Bobigny par exemple), le local réservé aux échanges avec les avocats ne permet pas la confidentialité théoriquement prévue par la loi ;

- des équipements de puériculture sont absents dans certains centres censés pouvoir accueillir des familles, comme celui de Plaisir ;

- il en est de même d'équipements pour laver le linge, ce qui oblige les retenus à les laver dans les toilettes et à les faire sécher dans leurs chambres (Bobigny notamment).

Par ailleurs, les graves incendies intervenus dans les CRA de Vincennes (début 2007 et Noël 2007) et de Bordeaux (janvier 2009) s'expliquent en partie par un grand laxisme en matière de prévention contre les incendies et notamment par l'absence totale d'exercices d'évacuation.

La taille des CRA est limitée à 140 places mais les centres les plus grands posent d'importants problèmes de tensions sociales lorsque cette capacité est proche d'être atteinte. La question de la réduction de la taille maximale des CRA se pose donc , notamment au regard des projets actuels d'extension de certains d'entre eux (Coquelles, Cayenne, Mesnil-Amelot).

L' accès aux soins est lacunaire dans certains centres où la visite médicale théoriquement systématique à l'entrée du retenu ne l'est pas en pratique.

L' exercice effectif des droits des retenus en matière de demande d'asile semble parfois compromis du fait de l'absence d'assistance gratuite d'un traducteur, qui ne permet pas la rédaction d'une demande rédigée obligatoirement en langue française.

Enfin, il demeure un problème de disparités des pratiques en matière de mises en chambres d'isolement et de suivi de ces pratiques. Cette question mériterait un traitement homogène sur le territoire dans l'ensemble des CRA.

d) Le cas des mineurs

M. Frédéric Perrin, directeur central à la police des frontières, a évoqué, à la demande de la délégation la situation particulière des mineurs, expliquant que ces derniers ne pouvaient pas faire l'objet d'une procédure de reconduite à la frontière et qu'ils n'étaient donc pas en principe placés dans des centres de rétention administrative. Sur ce sujet, il a toutefois expliqué qu'il appartenait aux parents de choisir que leur enfant soit placé dans un foyer d'hébergement ou qu'il soit placé en rétention administrative avec eux. Il a indiqué aux membres de la délégation que cette situation constituait un exemple de conflit de normes, entre l'interdiction de placer des mineurs en rétention administrative et l'interdiction de séparer les familles .

Il a précisé que les mineurs isolés étaient en revanche systématiquement placés en foyer de protection de l'enfance .

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