b) Des données pas toujours simples à interpréter
(1) Une large majorité d'auto-entreprises dormantes

Les auto-entrepreneurs ayant réalisé un chiffre d'affaires sont tenus de le déclarer aux URSSAF, mensuellement ou trimestriellement. C'est sur cette base que se fait le paiement des cotisations sociales mais aussi, si cette option a été choisie par l'auto-entrepreneur, de l'impôt sur le revenu.

Les URSSAF ne disposaient pas, à la fin du troisième trimestre 2009, du relevé de situation complet des 263 0000 auto-entrepreneurs déclarés à cette date, mais seulement de celui des 147 000 auto-entrepreneurs inscrits au premier semestre disposant d'un compte validé auprès des URSSAF.

Parmi eux, un peu moins d'un tiers ont déclaré un chiffre d'affaires témoignant d'une activité réelle, soit environ 47 500 .

Globalement, le chiffre d'affaires s'établit à 383 millions d'euros au cours des trois premiers trimestres : 52 millions d'euros au titre du 1 er trimestre, 144 millions d'euros au titre du 2 ème et 187 millions d'euros au titre du 3 ème . Le chiffre d'affaires moyen par déclaration pour chacun des trimestres est de 3 990 euros.

Votre rapporteur note qu'il serait souhaitable, compte tenu de la grande diversité des auto-entreprises, de ne pas disposer seulement d'informations sur le chiffre d'affaires moyen mais aussi par catégories d'auto-entreprises, en distinguant en particulier le CA réalisé par les auto-entrepreneurs qui sont en même temps salariés, fonctionnaires et retraités et celui réalisé par les auto-entrepreneurs exclusifs. Il serait utile également de distinguer le CA des auto-entreprises vraiment nouvelles de celui des entreprises individuelles préexistantes qui ont « basculé » vers le nouveau régime. Enfin, il serait souhaitable d'avoir des données sur le chiffre d'affaires selon le secteur d'activité.

Source : Secrétariat d'Etat en charge des PME

La proportion d'auto-entreprises dormantes apparaît, pour l'instant, considérable (68 %).

Pour l'expliquer, le ministère de l'économie souligne qu'une entreprise nouvelle ne réalise pas toujours immédiatement du chiffre d'affaires compte tenu des délais de lancement et de prospection des clients, ainsi que des délais de paiement par les clients 74 ( * ) , de sorte qu'il faudra attendre encore quelques mois pour tirer un bilan véritable.

Il y a sans doute du vrai dans cet argument, mais il est difficile d'en apprécier tout à fait la pertinence dans la mesure où l'on ne dispose pas de point de comparaison. En effet, en dehors du cas nouveau des auto-entreprises, qui sont tenues de déclarer mensuellement ou trimestriellement leur chiffre d'affaires, on ne connaît pas, statistiquement, le rythme de montée en puissance des nouvelles entreprises. Il est donc impossible de dire avec certitude si le développement des auto-entreprises est « normal » ou, au contraire, trop lent.

Simplement peut-on relever que les domaines d'activités choisis par les auto-entreprises (services aux particuliers, petit commerce notamment) devraient, a priori, être ceux où les délais entre la création de l'entreprise et le début de l'activité devraient être les plus courts. Le fait que plus des deux tiers des auto-entreprises créées avant le 30 juin n'aient toujours réalisé aucune opération quatre mois plus tard laisse donc perplexe quant aux chances de développement de ces entreprises. On peut douter en effet qu'un coiffeur à domicile, un laveur de carreaux ou un réparateur informatique qui, après un ou deux trimestres, n'a toujours réalisé aucune vente finisse un jour par développer une activité significative. On peut donc craindre que le nombre d'auto-entreprises dormantes (aucune vente) ou léthargiques (quasiment aucune vente) demeure élevé. L'avenir le dira cependant très vite.

(2) Le maquis des statistiques sur l'auto-entreprise

L'analyse des données relatives à la création d'auto-entreprises s'avère complexe. La principale interrogation concerne l'écart important qu'on observe entre le nombre d'auto-entreprises déclarées et le nombre d'auto-entreprises disposant d'un compte validé auprès des URSSAF.

Ainsi, selon les données publiées par l'INSEE, on comptait, au 31 octobre 2009, 263 400 auto-entreprises nouvelles déclarées. Ces déclarations sont celles qui se font via le site officiel l' « autoentrepreneur.fr », soit via les centres de formalité des entreprises (CFE). Ces déclarations donnent lieu à l'attribution d'un numéro SIREN. C'est sur cette base que se fait l'annonce officielle des chiffres sur la création d'entreprises.

On comptait par ailleurs, à la même date, selon les données publiées par l'ACOSS 75 ( * ) , 177 411 auto-entrepreneurs dont le compte URSSAF a été validé. Cette validation résulte d'un double tri : le premier, formel, est réalisé par l'ACOSS ; le second est réalisé sur le fond par le RSI ou la CIPAV et vise à vérifier que le candidat à l'auto-entreprise est bien éligible à ce régime.

L'écart entre le nombre de créations d'entreprises résultant de l'immatriculation au répertoire SIRENE effectué par l'INSEE et le nombre d'entreprises disposant d'un compte-auto-entrepreneur validé s'établit donc à 85 989 unités au 31 octobre. Il doit peut-être même être majoré d'environ 17 000 unités supplémentaires (soit un total de 102 000) si l'on tient compte que, parmi les comptes URSSAF validés, figurent des entreprises créées avant 2009 qui ont choisi d'opter avant le 31 mars de cette année pour le régime de l'auto-entreprise. Ce dernier point n'a cependant pas pu être éclairci, les indications fournies par les différents acteurs étant contradictoires.

Pour expliquer cet écart non négligeable deux phénomènes entrent en jeu.

Le premier est celui du délai d'ajustement des données entre les divers organismes impliqués dans l'enregistrement des auto-entreprises. L'immatriculation SIREN est en effet quasi immédiate, alors que la validation des comptes URSSAF suppose tout un cheminement administratif. Une partie de l'écart constaté ne fait donc que refléter ces délais d'ajustement et, au fur et à mesure du traitement des dossiers sur le fond, le nombre des comptes URSSAF validés devrait se rapprocher du nombre d'auto-entreprises déclarées.

S'en rapprocher, mais pas l'atteindre, car l'écart s'explique aussi par des invalidations de déclarations d'auto-entreprises. Les personnes relevant de la mutualité sociale agricole ou de diverses professions réglementées n'ont en effet pas le droit d'être auto-entrepreneurs, ce qui entraîne finalement le rejet de leur affiliation. Il existe ainsi des auto-entreprises, dont la création a pourtant été annoncée, qui ne voient en réalité jamais le jour, puisqu'elles se sont pas éligibles au régime .

Le groupe de travail n'a pu recueillir de données fiables 76 ( * ) sur ce taux d'invalidation . L'enjeu concerne la fiabilité des données sur la création d'entreprises en 2009. Une correction de ces données sera sans doute nécessaire sans qu'on sache pour l'instant si elle sera marginale ou plus significative. En effet, quand une déclaration d'auto-entreprise est invalidée, l'entreprise en question bascule vers un autre régime d'entreprise individuelle, le plus souvent, sans doute, vers le régime micro-social de base. Il s'en suit que ces entrepreneurs reçoivent un appel à cotisations des URSSAF, ce qui peut avoir deux effets : soit l'entrepreneur considère qu'il peut développer son activité dans ce cadre et l'entreprise perdure sous cette nouvelle forme, soit il demande sa radiation. On peut donc s'attendre, dans les mois à venir, à une correction à la baisse du nombre des auto-entreprises, à une révision à la hausse du nombre d'entreprises individuelles ne relevant pas du régime de l'auto-entreprise et à un ajustement à la baisse du nombre total des créations d'entreprises. Comme on l'a indiqué, l'ampleur de ces ajustements n'est pas encore estimable. Un rapprochement des fichiers de l'ACOSS et de l'INSEE permettrait de réduire les incertitudes statistiques relevées.

(3) Un effet de substitution de l'auto-entreprise à l'entreprise individuelle classique

Le boom de l'auto-entreprise s'est accompagné de la forte baisse du nombre des entreprises individuelles classiques (- 37 %) au cours des dix premiers mois de 2009. Ce recul est beaucoup trop marqué pour s'expliquer seulement par l'impact de la crise économique. On remarque d'ailleurs que le nombre des sociétés n'a, lui, baissé que de 10 %. De toute évidence donc, ce recul de 37 % résulte de deux effets : un effet crise économique et un effet de substitution de l'auto-entreprise à l'entreprise individuelle classique.

Pour apprécier l'impact intrinsèque du régime de l'auto-entrepreneur sur la création d'entreprise, il faudrait pouvoir distinguer, parmi les auto-entrepreneurs, ceux qui n'auraient pas franchi le pas de la création d'entreprise si le régime de l'auto-entreprise n'avait pas existé et ceux qui auraient de toute manière créé leur entreprise, quoique sous une autre forme, très vraisemblablement sous un statut d'entreprise individuelle classique.

Les informations manquent pour établir un tel redressement statistique en toute rigueur. À partir de septembre 2010, l'enquête SINE 77 ( * ) de suivi longitudinal des nouvelles entreprises que réalise l'INSEE intègrera un échantillon de 80 000 auto-entreprises et des questions permettant de résoudre ce problème, de sorte qu'on disposera de données précises.

Le groupe de travail s'est cependant, à titre purement indicatif, livré à une estimation de l'effet de substitution de l'auto-entreprise à l'entreprise individuelle classique. D'après un sondage réalisé par l'IFOP auprès des auto-entrepreneurs, 68 % d'entre eux semblent avoir choisi le régime de l'auto-entreprise afin de tester leur projet ; 51 % d'entre eux précisent par ailleurs qu'ils n'auraient pas franchi le pas de la création d'entreprise en l'absence de ce régime simplifié. Autrement dit, 17 % des auto-entrepreneurs auraient été prêts, le cas échéant, à lancer leur projet même dans un autre cadre juridique . Sur les quelque 263 000 auto-entrepreneurs déclarés depuis le début de l'année, cela représente donc un flux d'environ 45 000 créateurs d'entreprises qui, à défaut d'un régime microsocial simplifié, auraient opté pour un statut d'entreprise individuelle classique 78 ( * ) Cela mesure de façon approximative l'effet de substitution.

Ainsi, en l'absence du régime de l'auto-entreprise, le nombre de créations d'entreprises individuelles se serait établi à 137 585 au lieu de 92 812, ce qui, par rapport à la même période de 2008, aurait représenté une baisse de 7 %. On a là un chiffre plus plausible que la baisse de 37 % effectivement constatée.

Le solde des 263 000 auto-entreprises, soit 218 601 unités, représente l'effet « net » du régime de l'auto-entreprise sur la création d'entreprise : autrement dit, cela mesure le nombre d'entreprises qui n'auraient pas été créées si le régime de l'auto-entreprise n'avait pas existé.

Les créations d'entreprises en 2009 du 1 er janvier au 31 octobre 2009

Données constatées et redressées

Cumul sur les 10 premiers mois données observées

Progression constatée

Données redressées

de 2009

de 2008

Sociétés

124 543

138 898

-10 %

Entreprises individuelles

356 186

148 093

+ 141 %

Entreprises individuelles "classiques"

92 812

148 093

-37 %

137 585

(- 7 %)

Auto-entreprises

263 374

#

#

Total

480 729

286 898

+ 68 %

+ 68 %

Un des enjeux de la connaissance de cet effet de substitution est l'évaluation de son impact sur les comptes sociaux. La question est de savoir si cette substitution (à laquelle on peut ajouter le basculement de 17 000 entreprises individuelles vers le régime de l'auto-entreprise) s'est accompagnée, toutes choses égales par ailleurs, d'une perte de recettes pour les organismes sociaux.

Un autre enjeu est d'évaluer l'impact sur les chambres des métiers et de l'artisanat. Par rapport à 2008, celles-ci auraient enregistré une baisse des immatriculations au répertoire des métiers de 33 %, entraînant par la même une perte de recettes. Les chambres soulignent également un manque à gagner au niveau de la redevance pour les stages de préparation à l'installation, pour un coût total de plusieurs millions d'euros.

Au total, les chiffres record sur la création d'auto-entreprises doivent être salués mais aussi triplement relativisés :

- une large majorité des auto-entreprises créées demeurent inactives ;

- le nombre des créations d'auto-entreprises est actuellement surestimé, dans une proportion inconnue, du fait des incertitudes induites par le circuit administratif des dossiers de création ;

- une partie des auto-entreprises n'a fait que se substituer à des créations d'entreprises individuelles qui auraient de toute façon eu lieu, mais sous un autre régime.

* 74 Le chiffre d'affaires est déclaré par les auto-entrepreneurs quand la prestation est effectivement payée. Leur compatibilité est une comptabilité de caisse.

* 75 Agence centrale des organismes de Sécurité sociale.

* 76 Les chiffres évoqués par les différents interlocuteurs varient de 3 à 20 %.

* 77 SINE : système d'information sur les nouvelles entreprises.

* 78 (263 374 x 0,17 = 44 773).

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