B. COMMENT LES MOYENS FINANCIERS SE RÉPARTISSENT-ILS ?

Afin d'y voir plus clair, on peut tenter de ventiler les moyens de la politique du livre entre grandes fonctions. On arrive alors aux ordres de grandeur ci-après.

Une tentative de ventilation des moyens de la politique du livre entre grandes fonctions : quelques ordres de grandeur (pour l'année 2009)

(en millions d'euros)

Mission « Culture »

+CNL

Ensemble du budget de l'Etat

Part de l'ensemble Mission « Culture »+CNL

Bibliothèques

264

705

37%

dont

BNF (hors numérique)

206

206

100%

BPI

6,8

6,8

100%

Bibliothèques municipales

9,1*

~90**

10%

Bibliothèques universitaires

-

360

0%

Europeana***

8

8

100%

Autres

34

34

100%

Chaîne du livre

52

560

9%

dont

Editeurs

27

39

69%

Libraires

11

12

92%

Auteurs

9

9

100%

Autres

5

500****

1%

Total

316

1264

25%

* Auxquels il faut ajouter une part significative (non ventilable) des crédits de l'action 3 du programme 131.

** Correspondant en quasi-totalité à la part « bibliothèques » de la dotation générale de décentralisation. On ne prend donc pas ici en compte les crédits fondus dans la DGF pour compenser le transfert en 1983 aux départements des bibliothèques départementales de prêt (environ 90 millions d'euros par an).

*** Ce qui correspond en quasi-totalité à Gallica.

**** Taux réduit de TVA pour le livre papier.

Source : calculs de la commission des finances du Sénat, d'après les informations transmises par le Gouvernement

1. Une politique qui bénéficie surtout aux bibliothèques, tout particulièrement au sein de la mission « Culture »

On observe :

- qu'au niveau de la mission « Culture » et du CNL, le budget de la politique du livre, légèrement supérieur à 300 millions d'euros, correspond pour environ 250 millions d'euros à celle des bibliothèques, l'aide à la chaîne du livre bénéficiant de seulement quelques dizaines de millions d'euros ;

- qu'au niveau de l'ensemble du budget de l'Etat, le coût de la politique du livre, de l'ordre de 1,3 milliard d'euros, est davantage équilibré entre ses deux volets (grâce essentiellement à la TVA au taux réduit, qui coûte environ 500 millions d'euros par an à l'Etat), bien que les crédits en faveur des bibliothèques demeurent majoritaires.

L'ensemble mission « Culture »+CNL ne représente que 37 % des moyens consacrés aux bibliothèques, et 9 % de ceux consacrés à la chaîne du livre (qui correspondent en quasi-totalité à la TVA au taux réduit).

2. Des bibliothèques majoritairement financées par le ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur

Dans le cas des bibliothèques, le coût annuel d'environ 700 millions d'euros est constitué pour plus de la moitié par les bibliothèques universitaires, qui coûtent environ 360 millions d'euros par an.

Par ailleurs, en ce qui concerne la mission « Culture », la quasi-totalité des moyens alloués aux bibliothèques le sont à la BnF (pour l'année 2009, 206 millions d'euros selon le tableau ci-avant, mais 186 millions d'euros selon le PAP 2010).

Le compte de résultat prévisionnel de la BnF en 2009

(en euros)

Source : projet de loi de finances pour 2010

3. Des aides à la chaîne du livre essentiellement destinées aux éditeurs, malgré une récente réorientation des moyens en faveur des libraires

Le soutien à la chaîne du livre concerne essentiellement les éditeurs (plus de 25 millions d'euros, contre seulement 11 pour les libraires).

Il est à noter que ce chiffre de 11 millions d'euros pour les libraires (dont 3 millions d'euros en provenance du CNL) représente un net progrès par rapport à la situation antérieure. Ainsi, le rapport précité de M. Antoine Gallimard préconisait un « doublement des aides du CNL en faveur de la librairie, passant de 1,3 à 2,5 millions d'euros dès 2008 ».

Certes, même si les aides étaient davantage orientées vers les libraires, ce sont vraisemblablement essentiellement les éditeurs qui, d'un point de vue économique, en bénéficieraient. En effet, dans la mesure où leur pouvoir de marché et le prix unique du livre leur permettent de fixer le prix de vente, respectivement, aux libraires et aux lecteurs, ils tendent à le faire aux niveaux les plus favorables pour eux compatibles avec la survie des libraires (ce qui explique que ces derniers constituent le segment le plus fragile de la chaîne du livre), de sorte qu'ils tendent à « capter » économiquement les subventions attribuées à la chaîne du livre.

Si toute aide générale en faveur des libraires semble donc devoir être modérément efficace, des aides ciblées peuvent en revanche être utiles. Lors de son audition, M. Alain Cordier, inspecteur général des finances, co-auteur du rapport IGF/IGAAC sur la chaîne du livre (juillet 2007), a estimé à 10 ou 15 millions d'euros les sommes nécessaires pour préserver un tissu de l'ordre de 150 ou 200 librairies indépendantes.

On peut par ailleurs d'interroger sur l'intérêt d'attribuer, comme c'est actuellement le cas, des subventions destinées à aider tel ou tel grand éditeur à publier un ouvrage à faible tirage, sans commune mesure avec les bénéfices considérables que lui procurent par ailleurs ses bestsellers. L'incitation n'est peut-être pas toujours aussi grande qu'on pourrait le croire.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page