B. L'UNION EUROPÉENNE EST-ELLE TROP FRILEUSE ENVERS L'UKRAINE ?

Les dirigeants de la « Révolution orange » n'ont pas déçu que leurs concitoyens. L'Union européenne est lasse des rivalités internes qui ont marqué la vie politique ukrainienne pendant cinq ans et qui ont fait perdre du temps au pays. Cette situation politique tendue, et ses implications en termes de dysfonctionnements de l'Etat et de retard dans la conduite des réformes, explique en grande partie la prudence, voire la frilosité qui caractérise le cadre que l'Union européenne a mis en place pour déterminer ses rapports avec l'Ukraine. Les relations conflictuelles entre ce pays et la Russie ont également pu conforter la retenue européenne.

Toutefois, fixer à l'Ukraine des exigences précises et réalistes lui permettrait de d'y voir plus clair sur son avenir européen et l'encouragerait dans la voie des réformes.

1. Des relations Union européenne/Ukraine récemment approfondies, mais qui demeurent encore prudentes

Les relations entre l'Union européenne et l'Ukraine sont régies par un accord de partenariat et de coopération , entré en vigueur en 1998, qui définit le cadre de la coopération dans les principaux domaines de réforme.

Des négociations ont été ouvertes en mars 2007 pour conclure un accord d'association , dont le cadre politique a été défini au Sommet de Paris du 9 septembre 2008 .

La Présidence française de l'Union européenne s'est en effet beaucoup impliquée dans la négociation de cet accord d'association, que l'Ukraine revendiquait depuis plusieurs années. Les dirigeants ukrainiens ont particulièrement apprécié cet engagement et l'ont fréquemment salué devant vos rapporteurs.

La Présidence française a dû trouver une position médiane entre les objectifs très ambitieux de l'Ukraine et les réserves, voire l'hostilité de certains États membres.

En effet, les États membres sont divisés sur la meilleure façon d'encourager les réformes en Ukraine, certains, comme les États baltes, la République tchèque, la Slovaquie, la Pologne ou la Suède, souhaitant lui offrir une perspective d'adhésion, d'autres, en particulier le Benelux, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie, préférant s'en tenir à la politique européenne de voisinage, d'autant plus que l'Ukraine est désormais incluse dans le Partenariat oriental. Au sommet de Paris, le second groupe d'États membres a refusé tout basculement de l'Ukraine de la politique européenne de voisinage vers une perspective européenne.

Au prix d'un consensus très difficile à dégager au Conseil , la Présidence française a réussi à faire valoir son objectif d'un « paquet politique » , comportant trois principaux éléments :

- la conclusion d'un accord d'association qui ne préjugerait pas de l'évolution des relations Union européenne/Ukraine ;

- le lancement d'un dialogue sur les visas en vue de leur suppression « à long terme » hors du cadre du futur accord (sans feuille de route comme pour les Balkans) ;

- l'affirmation du caractère européen de l'Ukraine, « pays européen », qui « partage avec les pays de l'Union européenne une histoire et des valeurs communes ».

Principaux extraits de la Déclaration conjointe sur l'accord d'association Union européenne-Ukraine adoptée lors du Sommet de Paris du 9 septembre 2008

La Déclaration conjointe prend acte de ce que « le partenariat entre l'Union européenne et l'Ukraine [a] avancé considérablement dans tous les domaines d'intérêt commun : coopération dans la politique étrangère et dans la gestion des crises, coopération économique et énergétique, coopération dans le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité y compris dans la politique des visas, et bien d'autres secteurs ».

Le texte indique que « les présidents [Iouchtchenko, Sarkozy et Barroso] , conscients de l'importance stratégique de la relation entre l'Union européenne et l'Ukraine, ont décidé, à l'occasion du sommet de Paris, de donner une impulsion décisive au développement de nos relations. Ils ont reconnu que l'Ukraine, pays européen, partage avec les pays de l'Union européenne une histoire et des valeurs communes. Ils se félicitent que le nouvel accord entre l'Union européenne et l'Ukraine sera un accord d'association, qui laissera la voie ouverte à des développements progressifs supplémentaires dans les relations UE-Ukraine. L'Union européenne prend acte des aspirations européennes de l'Ukraine et se félicite de son choix européen. [...] »

La Déclaration commune note aussi que « la mise en place d'une zone de libre-échange complète et approfondie, accompagnée d'une large convergence réglementaire de l'Ukraine vers les normes européennes, contribuera à une intégration graduelle de l'Ukraine au marché intérieur de l'UE ».

Par ailleurs, les présidents « ont également décidé de lancer un dialogue sur les visas, visant à développer les conditions pertinentes, dans la perspective de long terme d'établir un régime d'exemption de visas entre l'UE et l'Ukraine ».

Le sommet de Paris n'a pas offert de perspective d'adhésion à l'Ukraine, mais lui a donné l'occasion d'obtenir une avancée majeure, « qualitative » dit-on à Kiev, dans la reconnaissance de ses aspirations et les relations entre l'Union européenne et l'Ukraine.

Il n'en demeure pas moins qu'il est resté très en-deçà des ambitions ukrainiennes. L'Ukraine n'a pas obtenu de se voir reconnaître une « perspective européenne ». Il ne s'agissait pas pour elle de se voir accorder au Sommet une promesse d'adhésion, mais de se voir reconnaître un droit à se porter candidat, en tant qu'Etat européen fondé sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'Etat de droit.

L'accord d'association devrait rapprocher considérablement l'Ukraine de l'Union européenne, par le renforcement du dialogue politique, la coopération dans la gestion des crises, l'intégration économique via la convergence règlementaire et les coopérations sectorielles, dans le domaine énergétique par exemple.

L'accord d'association comprend un accord de libre-échange , pour lequel les négociations sont menées séparément. Celui-ci vise à supprimer les barrières douanières entre l'Union européenne et l'Ukraine et à favoriser la reprise de l'acquis communautaire par celle-ci, ce qui implique de sa part de nombreuses et importantes adaptations législatives pour se mettre aux normes européennes. Par cet accord, l'Ukraine démontre qu'elle envisage bel et bien son avenir économique en Europe.

Les négociations sur le contenu de l'accord d'association se sont poursuivies en 2009. Elles sont quasiment achevées sur le volet politique.

En revanche, peu de progrès ont été enregistrés sur l'accord de libre-échange , qui porte certes sur les sujets les plus délicats. La date envisagée pour conclure cet accord a été reportée à plusieurs reprises. Le contexte marqué par la campagne des élections présidentielles n'y était guère propice. En effet, l'ouverture du marché ukrainien et la mise en place des réformes requises pour converger vers les standards européens, qui conditionnent l'avancement des négociations, impliquent des mesures politiquement très coûteuses. Pourtant, l'accord de libre échange doit créer les conditions nécessaires au développement des investissements étrangers, européens en particulier, en Ukraine. Ce mouvement sera facilité par le recul, voire la suppression des barrières techniques, la réforme des aides publiques ou encore l'adaptation de normes.

Le sommet Union européenne/Ukraine suivant, qui s'est tenu à Kiev le 4 décembre 2009 , a été l'occasion de faire le bilan des négociations sur l'accord d'association, qui ont avancé, sauf sur les questions commerciales. Il s'est agi d'un sommet de transition , la relation Union européenne/Ukraine ne pouvant guère connaître d'inflexion majeure quelques semaines avant l'élection présidentielle. Le Conseil a surtout veillé à ne pas rouvrir le « paquet politique » adopté au Sommet de Paris.

Les attentes de l'Union européenne à l'occasion de ce sommet étaient les suivantes : l'organisation d'élections libres et honnêtes dont les résultats seraient acceptés par les candidats ; la réalisation de réels efforts pour appliquer le programme du FMI ; la non interruption du transit gazier. L'Union européenne a tenu un langage ferme à l'endroit de l'Ukraine et a cherché à ne pas se laisser enfermer dans une approche « politicienne » de sa relation avec ce pays.

Les autorités ukrainiennes ayant créé et entretenu des attentes peu réalistes, en particulier la signature de l'accord d'association avant la fin de l'année, la déception a été réelle. Ainsi, une fois encore, l'Ukraine s'est vu refuser la mention de son identité européenne dans le texte de la déclaration conjointe du sommet.

Un agenda d'association a néanmoins remplacé le plan d'action afin de préparer et faciliter l'entrée en vigueur du nouvel accord d'association. Il sert de feuille de route des relations entre l'Union et l'Ukraine et des réformes à mettre en oeuvre.

Le Président Ianoukovytch, lors de son déplacement à Bruxelles, le 1 er mars 2010, s'est fixé comme objectif de conclure dans un délai d'un an, soit au premier trimestre 2011, les négociations en cours en vue de l'accord d'association.

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