c) La mobilisation en faveur de l'emploi des seniors

A la fin des années quatre-vingt-dix, les pouvoirs publics ont pris progressivement conscience que cette politique malthusienne, outre ses effets désastreux sur le taux d'emploi des seniors, menaçait la pérennité du système de protection sociale, dans un contexte de profondes mutations démographiques.

Afin de rectifier le tir, plusieurs trains de mesures en faveur de l'emploi des seniors ont été adoptés au cours des dernières années, dans le prolongement de l'accord interprofessionnel d'octobre 2005 et du Plan national d'action concerté pour l'emploi des seniors, adopté en 2006 sous l'impulsion de Gérard Larcher alors ministre du travail.

Les principales mesures dans le cadre des différents projets de loi de financement de la sécurité sociale sont les suivantes :

- des campagnes de communication valorisant l'image des seniors auprès du grand public et des employeurs ont été lancées ;

- la surcote a été augmentée en plusieurs étapes : elle est maintenant de 5 % par année supplémentaire cotisée après soixante ans au-delà de la durée requise pour le taux plein ;

- le cumul emploi-retraite a été libéralisé pour les assurés ayant atteint la durée requise pour une retraite à taux plein ;

- l'âge à partir duquel l'employeur peut mettre ses salariés à la retraite d'office a été reculé à soixante-dix ans ;

- la taxation des préretraites d'entreprises et des indemnités de mise à la retraite ou de départ volontaire ont été augmentée, et le financement public de préretraites a été interrompu ;

- les préretraites progressives ont été supprimées, de même que la contribution Delalande ;

- la dispense de recherche d'emploi a été mise en extinction par le recul progressif de l'âge ;

- le temps partiel en fin de carrière par le biais de la retraite progressive a été encouragé ;

- enfin, les entreprises ont été contraintes de conclure, avant le 1 er janvier 2010 76 ( * ) , un accord ou adopter un plan d'action en faveur de l'emploi des seniors , sous peine d'une pénalité égale à 1 % de leur masse salariale.

Même si le recul manque encore aujourd'hui pour dresser un bilan exhaustif de l'application de ces mesures - certaines n'étant effectives que depuis le début de l'année 2009, voire de 2010 -, les premiers résultats sont plutôt encourageants :

- la revalorisation de la surcote a permis de faire progresser la proportion de nouveaux bénéficiaires : au régime général, celle-ci est passée de 9,6 % en 2008 à 12,2 % au premier trimestre 2009 ;

- la libéralisation du cumul emploi-retraite commence à produire des effets incitatifs sur les retraités 77 ( * ) ;

- à ce jour, 98 branches sur 160 environ négocient ou ont négocié un accord sur l'emploi des seniors, et 79 de ces négociations ont été validées par l'administration, ce qui correspond à neuf millions de salariés. En y ajoutant les 30 000 accords d'entreprises ou plans d'action qui ont été engagés, ce sont treize millions de salariés qui sont couverts par un accord de branche ou un accord d'entreprise 78 ( * ) .

Des évaluations approfondies sont toutefois nécessaires pour apprécier ce qui relève de changements de comportements durables. En attendant les résultats de ces évaluations, dont certaines sont en cours, il semble prudent de s'en tenir à l'évolution observée du taux d'emploi des seniors.


La mobilisation pour l'emploi des seniors dans les PME

A partir de 2010, toutes les entreprises de cinquante salariés et plus, non couvertes par un accord de branche, doivent avoir conclu un accord ou mis en place un plan d'action pour leurs salariés seniors . Cet accord ou ce plan doit comporter un objectif chiffré global de recrutement ou de maintien dans l'emploi , et des objectifs plus ciblés et choisis concernant : le recrutement, l'évolution des carrières, les conditions de travail, le développement des compétences, l'aménagement des fins de carrière et la transmission des savoirs.

Afin de sensibiliser et mobiliser les PME sur ces enjeux, le secrétariat d'Etat à l'emploi a lancé l'opération « Bonnes pratiques PME », qui s'inscrit dans le cadre des mesures prises pour le maintien dans l'emploi des seniors, issues de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

En collaboration avec trois chambres régionales de commerce et d'industrie et à partir d'un échantillon de trente-quatre entreprises issues de secteurs d'activité différents, le cabinet Vigeo 1 a réalisé une étude sur les pratiques mises en oeuvre dans les PME en matière d'emploi des seniors .

Il ressort de cette étude :

- des constats prometteurs en termes de recrutement et de maintien dans l'emploi (recrutements dans toutes les tranches d'âge, démarches de transmission des savoirs, systèmes de formations accessibles aux salariés, gestion dynamique des carrières, initiatives pour réduire la pénibilité) ;

- des carences en termes de gestion des âges : nécessité de professionnaliser les processus de recrutement, de développer la gestion anticipée des emplois et des compétences, de promouvoir les dispositifs d'aménagement de fin de carrière, de faire de l'emploi des seniors une priorité de la gestion des ressources humaines ;

- un potentiel d'innovation sociale des PME insuffisamment exploité faute de moyens : les PME ont développé des solutions, parfois plus innovantes que celles des très grandes entreprises, notamment en matière de recrutement, de valorisation de l'expérience et de réduction de la pénibilité. Toutefois, la question se pose des moyens humains - en particulier des effectifs en charge des ressources humaines - dont disposent les PME pour transformer leur potentiel d'innovation en action durable en faveur des seniors.

________________

1 Créé en 2002 à l'initiative de Nicole Notat, Vigeo est une agence de notation sociale dont la mission est d'analyser les performances et le niveau de maîtrise des risques de responsabilité sociale des entreprises et des organisations. Plus précisément, elle mesure le degré auquel les entreprises ou les collectivités publiques prennent en compte, dans la définition et le déploiement de leur stratégie ou de leur politique, des objectifs environnementaux, sociaux, sociétaux et de gouvernance, qui constituent pour elles des facteurs de risque.

Depuis 2003, le taux d'emploi des cinquante-cinq / soixante-quatre ans a légèrement progressé , d'un peu plus d'un point (37 % en 2003 et 38,2 % en 2008) 79 ( * ) . Cette tendance, bien que modeste, va dans le bon sens. Même si les expériences étrangères (notamment celle de la Finlande) montrent que le taux d'emploi des seniors peut augmenter rapidement, il reste que, pour atteindre l'objectif fixé au niveau européen d'un taux d'emploi des seniors de 50 % en 2010, le nombre d'emplois occupés par des seniors devrait s'accroître d'environ un million.

Taux d'emploi des seniors

2003

2004

2005

2006

2007

2008

50 - 54 ans

78,0 %

76,8 %

78,2 %

78,9 %

79,9 %

80,5 %

55 - 59 ans

54,5 %

54,9 %

55,2 %

54,6 %

55,3 %

56,3 %

60 - 64 ans

13,3 %

13,5 %

13,8 %

14,4 %

15,6 %

16,3 %

Source : Dares (tableau de bord trimestriel, activité des seniors et politiques d'emploi, juin 2009 et première synthèse de septembre 2009) et Eurostat.

* 76 Ce délai a été prolongé de trois mois pour les entreprises de cinquante à trois cents salariés non couvertes par un accord de branche.

* 77 Pour commencer à apprécier les effets de la libéralisation du cumul emploi-retraite en vigueur depuis janvier 2009, la Cnav a mené une enquête en juillet-août sur un échantillon de 5 700 nouveaux retraités portant sur les possibilités de cumuler un salaire et une pension de retraite. Les données recueillies montrent que : le dispositif semble bien connu des personnes interrogées  (67 % des personnes n'ayant jamais cumulé un emploi et une retraite déclarent néanmoins le connaître) ; le bénéfice du cumul concerne principalement certaines catégories socioprofessionnelles telles que les cadres et les employés : 16 % des cadres et 12 % des employés déclarent cumuler, contre 5 % des ouvriers.

* 78 Ces chiffres ont été transmis par Laurent Wauquiez, secrétaire d'État à l'emploi, lors de son audition du 6 avril 2010.

* 79 Cette évolution globale du taux d'emploi des seniors peut toutefois être trompeuse, car elle peut être liée à des effets de structure : si la proportion de personnes de plus de soixante ans, qui ont des taux d'emploi beaucoup plus faibles, augmente au sein des cinquante-cinq-soixante-quatre ans, le taux d'emploi des seniors peut baisser alors même que le taux d'emploi à chaque âge augmente. C'est ce qui s'observe sur les dernières années : le taux d'emploi des cinquante-cinq-soixante-quatre ans est quasiment stable depuis 2006, alors que le taux d'emploi des cinquante-cinq-soixante-neuf ans a augmenté de 1,7 point et que celui des soixante-soixante-quatre ans a également augmenté de presque deux points. Cette contradiction apparente s'explique par le fait que l'arrivée à l'âge de soixante ans des premières générations nombreuses du baby-boom en 2006 conduit à une augmentation du poids des plus de soixante ans au sein des cinquante-cinq-soixante-quatre ans, dont le taux d'emploi moyen est biaisé à la baisse par cet effet de composition.

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