2. Le souhait de donner un nouvel élan à la mutualisation

a) L'objectif initial du Gouvernement : faciliter la mutualisation, dans le cadre intercommunal

Le projet de loi adopté par le Sénat a repris, avec quelques aménagements, les deux dispositions rédigées par le Gouvernement pour faciliter la mutualisation dans le cadre intercommunal :

- l'article 33 du projet prévoit une mutualisation « ascendante » de droit des services communaux affectés à l'exercice d'une compétence transférée à un EPCI et qu'une commune a malgré tout dû conserver au nom de la bonne organisation des services : ces services ainsi conservés « sont en tout ou partie mis à disposition de l'établissement public de coopération intercommunale auquel la commune adhère pour l'exercice des compétences de celui-ci ». Si cette disposition était également adoptée par l'Assemblée nationale, la mutualisation serait formellement érigée en alternative obligatoire au transfert de moyens pur et simple : en cas de transfert d'une compétence, il y aurait impérativement soit transfert de moyens, soit au minimum mutualisation. Les cas de doublons entre les personnels de l'EPCI et ceux des communes membres seraient donc a priori exclus ;

- l'article 34 de projet de loi permet à un EPCI et ses communes de créer des services communs et de partager des biens, y compris pour l'exercice de compétences qui n'ont pas été transférées à l'EPCI . Cette disposition viendrait rompre le lien mentionné ci-dessus entre mutualisation et transfert de compétences. En pratique, puisque ce lien entrave de fait les services fonctionnels, c'est la mutualisation de ces derniers qui devrait être concernée (ce que confirme d'ailleurs l'étude d'impact annexée au projet de loi). L'article 34 impose en outre la consultation des comités techniques paritaires compétents en amont de la conclusion de la convention précisant les effets de la création d'un service commun.

b) L'élargissement, par le Sénat, du débat à toutes les formes de mutualisation entre collectivités publiques locales

A la suite d'une initiative du Président Alain Lambert, notre collègue Jean-Patrick Courtois, rapporteur du projet de loi, a convaincu le Sénat de voter un article 34 bis A insérant dans le CGCT un chapitre intitulé « Mutualisation ».

Ce chapitre nouveau autorise, d'une manière générale, les collectivités publiques locales à prendre des initiatives de mutualisation sans recours à la création d'un organisme ad hoc . En effet, son unique article est rédigé comme suit : « Les communes, départements, régions, établissements publics intercommunaux, syndicats mixtes et les établissements publics qui en dépendent peuvent conclure entre eux des conventions de gestion de services publics communs ainsi que de leurs équipements lorsqu'une bonne organisation et la rationalisation de l'action publique le nécessitent. À ce titre, des conventions de mise à disposition d'un ou plusieurs services peuvent être conclues (...) ».

Lors de la discussion en séance publique, le Gouvernement, par la voie de M. Michel Mercier, a accueilli avec bienveillance, sur le principe, l'amendement du rapporteur. Toutefois, s'interrogeant sur sa conformité au droit communautaire, il n'est pas allé jusqu'à émettre un avis favorable, s'en remettant à la « sagesse » du Sénat.

Les services de la Commission européenne ont émis de vives réserves sur la validité juridique de ce dispositif, lors de leurs entretiens avec les sénateurs de votre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation qui se sont rendus à Bruxelles, le 5 mai dernier. Ils ont tout particulièrement mis l'accent sur son champ d'application, estimé beaucoup trop large. Est-ce à dire qu'un champ plus circonscrit échapperait aux foudres de la Commission ? Les interlocuteurs des sénateurs n'y ont pas répondu formellement. Ces derniers ont cependant trouvé des éléments de réponse tangibles, tout particulièrement dans les trois conditions mentionnées par les services de la Commission pour qu'une mutualisation purement conventionnelle échappe, à coup sûr, au droit communautaire de la commande publique :

- l'exigence que cette mutualisation intervienne entre des personnes publiques : toutes les entités énumérées par l'article 34 bis A répondent à cette condition ;

- l'exigence que cette mutualisation soit destinée à accomplir des missions d'intérêt général : visant expressément les « services publics », l'article 34 bis A semble bien satisfaire à cette deuxième condition ;

- l'exigence que cette mutualisation donne lieu à une véritable collaboration ou coopération entre les collectivités concernées. Faute de savoir exactement ce qu'il convient d'entendre par coopération en ce domaine, il est difficile de savoir jusqu'à quel point les collectivités doivent collaborer pour se conformer au droit communautaire. Une simple convention, comme le demande l'article 34 bis A, suffit-elle ? Les services de la Commission européenne (qui reconnaissent que les deux premières conditions semblent en effet remplies par le dispositif du Sénat) répondent clairement par la négative. Néanmoins, comme le souligne le rapport de M. Alain Lambert, la question se pose dans des termes particuliers lorsqu'on envisage l'application de l'article 34 bis dans le cadre des relations entre un EPCI et ses communes membres : une intercommunalité étant, par essence, un mode d'organisation d'une coopération entre personnes publiques, ne peut-on considérer que la troisième condition exigée par le Commission européenne est forcément remplie dans ce cadre ? A tout le moins, ne peut-on partir du principe que, opérée dans le cadre intercommunal, une mutualisation doit être présumée réalisée en coopération jusqu'à démonstration du contraire ?

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