II. LES MODES DE SCRUTIN ENVISAGEABLES

Selon le rapport consacré aux « systèmes électoraux » élaboré dans le cadre du Conseil de l'Europe 4 ( * ) , il n'existe pas de classification prédéfinie et uniforme des modes de scrutin. Généralement, ces derniers sont divisés en trois grands types : les modes de scrutin majoritaires, proportionnels ou mixtes. Or, à l'intérieur de ces grandes catégories, il est possible d'élaborer un nombre pratiquement illimité de modes de scrutin. Rien que pour les scrutins majoritaires, plus de 80 combinaisons peuvent être recensées en ne tenant compte que des critères généraux (nombre de tours, types de recensement des votes et de circonscriptions).

Face à cette multiplicité de combinaisons votre rapporteur a fait le choix du pragmatisme. Aussi, l'analyse figurant dans le présent rapport est volontairement limitée aux six modes de scrutin évoqués lors de la réunion de votre délégation le 16 février 2010 .

Pour des raisons pratiques, ces modes de scrutin ont été regroupés en deux catégories, les scrutins mixtes et les scrutins alternatifs. Cette partition n'a pas vocation à reprendre les catégories utilisées par la science politique mais bien de faciliter la présentation des effets des modes de scrutin.

Il convient également de préciser que la présentation des différents modes de scrutin ne repose sur aucune hiérarchisation préalable, l'ordre retenu n'a donc pas pour objet de guider le lecteur vers une solution implicite.

Il a par contre été jugé nécessaire de débuter cette analyse par le mode de scrutin proposé par le Gouvernement, ce afin de faciliter d'éventuelles comparaisons.

A. L'ANALYSE DES MODES DE SCRUTIN MIXTE

Les trois premiers modes de scrutin regroupés dans la catégorie des scrutins mixtes mêlent des mécanismes électoraux distincts dans l'objectif de cumuler les avantages prêtés à chacune des composantes.

Il s'agit du mode de scrutin proposé par le Gouvernement, du mode de scrutin utilisé en République Fédérale d'Allemagne et du mode de scrutin combinant le scrutin uninominal majoritaire dans les zones rurales et le scrutin de liste dans les zones urbaines.

1. L'analyse du mode de scrutin proposé par le projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux

Le dispositif proposé

Le projet de loi relatif l'élection des conseillers territoriaux retient un mode de scrutin mixte, non géographique, alliant le scrutin uninominal majoritaire à la représentation proportionnelle.

Un vote unique (avec un seul bulletin) dans des circonscriptions infradépartementales (des cantons remodelés et pour la plupart élargis) permet de désigner deux catégories de conseillers territoriaux : des conseillers territoriaux cantonaux, élus au scrutin majoritaire (80 % de l'effectif), des conseillers territoriaux départementaux élus au scrutin proportionnel au plus fort reste (20 % de l'effectif). Candidats sur des listes départementales, ceux-ci sont élus sur la base des voix obtenues par les conseillers territoriaux cantonaux eux-mêmes non élus au scrutin majoritaire et rattachés à la liste.

Un seul tour de scrutin est organisé.

La composition des listes respecte le principe de parité.

Un candidat dans un canton peut se rattacher à une liste départementale et à une seule.

Pour pouvoir être admis à la répartition proportionnelle, les listes doivent avoir reçu au moins 5 % des voix ou, plus exactement, les candidats rattachés non élus dans les cantons doivent avoir réuni sur leur nom au moins 5 % des voix. De plus, la liste doit faire l'objet d'un rattachement régional regroupant des listes présentes dans tous les départements de la région et auxquelles se seront rattachés des candidats présents dans au moins 50 % des cantons.

Autrement dit, les voix obtenues par des candidats non rattachés à une liste, les voix obtenues dans le département par les candidats non élus rattachés à une liste mais n'ayant pas fait un score de 5 %, ne sont pas prises en compte pour la répartition à la proportionnelle.

Un candidat dans un canton ne peut l'être sur une liste.

Selon le Gouvernement, ce dispositif est censé conjuguer les avantages respectifs des scrutins proportionnel et majoritaire : favoriser la constitution de majorités stables grâce à un scrutin majoritaire prédominant et assurer la représentation des sensibilités politiques grâce à sa part de proportionnelle. « L'instillation » de cette dose de proportionnelle doit corriger la « brutalité » du scrutin majoritaire à un tour.

Il permettrait aussi d'assurer la représentation des territoires, de par le maintien du canton comme circonscription électorale, donnant ainsi aux conseillers territoriaux un meilleur ancrage local et une plus grande visibilité qu'actuellement.

Ces objectifs sont ambitieux ; il importe maintenant de savoir si ce mode de scrutin répond effectivement aux critères fixés par votre rapporteur, en procédant à l'analyse de ses mécanismes.

a) L'analyse du mode de scrutin au regard des règles constitutionnelles

La présentation de ce mode de scrutin a suscité de nombreux débats chez les universitaires spécialistes de droit constitutionnel , aucun des aspects du projet de loi n'a échappé à leur analyse, recueillant des critiques nombreuses.

Cette énumération des motifs d'inconstitutionnalité supposés est très longue et votre rapporteur ne saurait en dresser une liste exhaustive. Aussi, pour la clarté du débat, a-t-il choisi de se concentrer sur le rappel des principaux arguments échangés.

(1) Le scrutin à deux tours constitue-t-il un principe fondamental reconnu par les lois de la République ?

Lors de son audition, M. Guy Carcassonne a développé l'analyse selon laquelle tout scrutin uninominal à un tour (c'est le cas pour le mode de scrutin proposé par le Gouvernement pour l'élection des conseillers territoriaux) serait inconstitutionnel. Cette inconstitutionnalité serait fondée sur le fait que le recours à deux tours de scrutin constituerait un principe fondamental reconnu par les lois de la république (PFLR) c'est-à-dire un principe de portée générale, défini par un texte républicain, dont l'application est générale, continue et non contingente. Ces PFLR ont valeur constitutionnelle depuis 1971.

Il serait selon lui aisé de démontrer que les critères déterminés par la jurisprudence constitutionnelle pour reconnaître un PFLR sont réunis. En effet, depuis l'avènement de la III e République le scrutin uninominal a toujours comporté deux tours ; il y a eu des éclipses, l'adoption passagère de modes de scrutin proportionnel mais jamais un scrutin uninominal à un tour ne vit le jour.

Le choix de recourir à deux tours relevait d'une volonté clairement exprimée par le législateur, ainsi que le révèlent les travaux parlementaires de l'époque. Chaque fois qu'ils ont débattu du scrutin majoritaire sous la III e République, soit à deux reprises, les parlementaires se sont montrés hostiles à un mode de scrutin qui autorise des élections minoritaires, autrement dit qui peut aboutir à l'élection d'un candidat qui n'aurait recueilli qu'une proportion minoritaire des suffrages. Il est significatif que pour les républicains de la troisième République, le scrutin à un tour soit dit « élection minoritaire ». Le scrutin à deux tours a d'ailleurs été, au départ, une simplification du scrutin à trois tours.

L'existence de ce PFLR s'opposerait donc, selon M. Carcassonne, à l'instauration d'un mode de scrutin à un tour pour l'élection des conseillers territoriaux (qui, il faut le remarquer, serait alors la seule élection au scrutin majoritaire uninominal ne comptant qu'un seul tour de scrutin).

Cette analyse n'est cependant pas partagée par l'ensemble de la communauté universitaire . Plusieurs constitutionnalistes s'interrogent sur le fait de savoir si l'absence de recours au mode de scrutin à un tour dans l'histoire de la République suffit pour caractériser l'existence d'un principe fondamental.

Lors de son audition par votre délégation, M. Jean-Claude Colliard avait ainsi estimé que le risque d'inconstitutionnalité pesant sur le conseiller territorial ne résidait pas dans le choix d'un scrutin à un tour, le Conseil constitutionnel pouvant juger que ce principe n'est pas suffisamment important pour être érigé en principe fondamental reconnu par les lois de la République. Dans une décision de 2008 (2008-573), le Conseil constitutionnel a d'ailleurs indiqué « que la tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu'un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution » .

Il convient également de rappeler que le scrutin majoritaire à un tour est pratiqué, ou a été pratiqué, sous certaines conditions, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, sans que le Conseil constitutionnel n'ait formulé de réserve.

(2) Peut-on être élu sans qu'une voix ne se soit portée sur son nom ?

Pour sa part, M. Jean-Claude Colliard, tant devant votre délégation aux collectivités territoriales que devant notre délégation aux droits des femmes, a évoqué la possible existence d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel nul ne peut être élu sans avoir recueilli des voix sur son nom, soit seul, soit sur les listes où il figure. Le fait est que la logique de la représentation politique, et donc de l'élection, semble imposer que le citoyen sache, au moment où il exprime son choix, qui est in fine susceptible de bénéficier de sa voix et donc d'être son représentant.

(3) Les autres motifs d'inconstitutionnalité

Deux autres débats ont également retenu l'attention de votre rapporteur 5 ( * ) .

Le premier est relatif à l'objectif de parité et à l'interprétation de l'article 1 er de la Constitution qui dispose que la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux. Les échanges ont porté sur le fait de savoir si la régression de la parité découlant de l'introduction d'un nouveau mode de scrutin pour l'élection des conseillers territoriaux était susceptible d'entraîner une censure du Conseil constitutionnel. Au vu des opinions émises par les constitutionnalistes, votre rapporteur considère que la réponse semble négative.

Le second débat est relatif au principe d'égalité devant le suffrage qui constitue le fondement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de découpage électoral. L'application de ce principe constitue un changement brutal par rapport à la situation existante puisque deux départements limitrophes pouvaient disposer d'un nombre d'élus identique avec des populations différentes. Il s'agit d'une contrainte forte qui pèsera sur les opérations de découpage électoral, des doutes subsistant sur les écarts de population susceptibles d'être tolérés par le Conseil constitutionnel afin d'assurer la représentation des territoires.

A l'issue de ce rapide panorama des débats ayant eu lieu à propos de la constitutionnalité du mode de scrutin retenu par le Gouvernement, votre rapporteur souhaite également rappeler cette mise en garde de M. Jean-Claude Colliard selon lequel le risque d'inconstitutionnalité du mode de scrutin proposé par le Gouvernement ne réside pas dans un élément particulier, aucun ne serait déterminant à lui seul pour qu'une censure soit prononcée, mais plutôt dans l'accumulation de plusieurs obstacles, qui in fine pourrait entraîner une réaction du Conseil constitutionnel.

b) L'analyse du mode de scrutin au regard de l'objectif de représentation des territoires

Pour le Gouvernement, l'élection de l'essentiel des conseillers territoriaux sur une base cantonale offre la garantie d'un ancrage territorial . Cette garantie est supérieure, c'est une réalité, à celle des actuels conseillers régionaux. L'abandon du scrutin de liste actuellement en usage pour l'élection de ces derniers aurait pour effet de favoriser l'ancrage local des conseillers territoriaux. Cette affirmation n'est que la reconnaissance de la capacité du scrutin uninominal à créer un lien entre l'élu et son territoire .

Toutefois , la taille des cantons dans lesquels seront élus les conseillers territoriaux constitue un sujet de préoccupation central . Cette préoccupation justifiera notre analyse selon laquelle le mode de scrutin proposé par le Gouvernement se traduit par une dégradation de la représentativité des territoires par rapport à la situation actuelle .

Pour cela, il faut apprécier la réforme dans son intégralité et rappeler qu'elle s'accompagnera d'une forte réduction des effectifs des assemblées locales, puisque le Gouvernement prévoit de fixer à 3 000 l'effectif des conseillers territoriaux, dont 20 % seraient dans ce cas élus à la proportionnelle. Il n'y aurait donc que 2 400 cantons, au lieu d'un peu plus de 4 000 aujourd'hui.

La réforme pourrait donc se traduire en chiffres bruts par la suppression de 1 600 cantons, soit une réduction de 40 % du nombre de cantons existants.

Il ne s'agit là que d'une appréciation très approximative des effets de la réforme puisque le redécoupage électoral devra tenir compte de la représentation démographique des départements. En conséquence, certains conseils généraux pourraient perdre près de la moitié de leurs cantons, tandis que d'autres, dans les départements les plus peuplés, devraient conserver un nombre de sièges proche de leur effectif actuel.

Ainsi, les conseillers territoriaux seraient élus dans des circonscriptions électorales beaucoup plus vastes géographiquement que les cantons actuels, pouvant dans certains cas regrouper une cinquantaine de communes, voire davantage.

Cette situation altérerait inévitablement les conditions d'exercice du mandat des conseillers territoriaux, et entraînerait une atténuation du lien de proximité.

c) L'analyse du mode de scrutin au regard du pluralisme

En proposant un mode de scrutin mixte comportant une part de proportionnelle, l'objectif du Gouvernement est, officiellement, de favoriser la représentation des sensibilités politiques.

Le recours au scrutin mixte est souvent considéré comme permettant de bénéficier des avantages des deux modes de scrutin auxquels il est fait recours : le scrutin majoritaire à un tour pour la formation d'une majorité, le scrutin proportionnel pour la représentation des courants politiques.

Or, in fine , ce mode de scrutin proposé par le Gouvernement avantage plutôt les grandes formations politiques.

Cette primauté accordée aux formations politiques les plus importantes sera renforcée par le recours à un seul tour de scrutin . En effet, dans le cadre cantonal, c'est bien le candidat arrivé en tête à l'issue du premier tour qui sera élu, même s'il n'a pas obtenu la majorité des suffrages exprimés.

Elle sera encore accentuée par un autre mécanisme prévu à l'article 1 er du projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux, l'articulation entre candidatures au scrutin majoritaire uninominal et scrutin de liste . Ce mécanisme fait obligation de présenter des listes dans tous les départements de la région, et d'avoir des candidats au scrutin uninominal dans la moitié des circonscriptions. Il favorisera les formations politiques les plus importantes, seules à même de sélectionner les candidats et de financer les campagnes sur l'ensemble d'une région.

L'effet correctif attendu du recours à la proportionnelle ne serait réel que si le nombre de sièges à répartir était suffisant pour que les listes minoritaires puissent espérer disposer d'élus.

Dans le cas présent, le nombre de sièges soumis au scrutin proportionnel ne représente que 20 % des conseillers territoriaux élus dans un département. Non seulement le nombre de sièges proposé au scrutin de liste ne représente qu'une part réduite du nombre de conseillers territoriaux, mais cette proposition s'inscrit de plus dans une démarche de réduction du nombre d'élus au sein de chaque département. Ce ne sont ainsi que 3 sièges qui seraient proposés au scrutin de liste dans un département qui élirait 15 conseillers territoriaux, l'effectif minimum annoncé par le Gouvernement, et entre 6 et 7 sièges dans la majorité des départements.

Les experts des systèmes électoraux ont démontré que sur un petit nombre de sièges, la proportionnelle pouvait avoir les mêmes effets que le scrutin majoritaire. C'est le cas dans le système proposé par le Gouvernement où l e scrutin de liste favorise les formations politiques les plus importantes, ainsi que le montrent les simulations publiées dans l'étude d'impact jointe au projet de loi .

La représentation de la diversité politique est donc insuffisamment prise en compte par ce mode de scrutin qui peut donc constituer une véritable « machine à broyer » les sensibilités politiques afin de faire émerger un bipartisme strict.

d) L'analyse du mode de scrutin au regard de l'objectif de parité

Comme pour la représentation du pluralisme politique, l'objectif de parité est plus aisément atteint avec le recours au scrutin de liste. Le faible nombre de conseillers territoriaux élus à la proportionnelle constitue donc un obstacle à la poursuite de l'objectif de parité.

La représentation des femmes qui est fortement liée aux exigences de constitution des listes serait ainsi amoindrie par la seule réduction du nombre d'élus par scrutin de liste. Si 20 % des 3 000 conseillers territoriaux étaient élus au scrutin de liste, cela représenterait 600 sièges, contre 1 882 pour les conseillers régionaux aujourd'hui.

Ce phénomène pourrait encore être aggravé par le prolongement des comportements constatés lors des élections régionales favorisant la présence d'hommes en tête de liste.

Des mécanismes pourraient être institués pour limiter cet effet indésirable. Le système le plus souvent évoqué consisterait à imposer le choix d'un suppléant de sexe opposé pour toute candidature au scrutin uninominal. Des pénalités pourraient également être prononcées à l'encontre des formations politiques qui ne présenteraient pas suffisamment de candidates au scrutin uninominal. Ces mesures ne constituent que des solutions insatisfaisantes car peu efficaces pour assurer la présence des femmes au sein des assemblées délibérantes.

Pour atténuer la perception de ce phénomène, le Gouvernement a souhaité présenter l'objectif de recherche de parité dans une perspective plus large. L'appréciation des effets ne devrait plus porter uniquement sur la seule élection des conseillers territoriaux mais sur l'ensemble des élections locales. Le recours au scrutin de liste dans les communes de 500 habitants et plus, prévu par le projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, permettrait ainsi de porter une appréciation plus positive sur l'évolution globale de la parité dans les assemblées locales. Cette comparaison comporte des limites en raison de la nature différente des mandats électifs au niveau communal, départemental ou régional.

Si intéressantes soient-elles, ces pistes ne doivent pas masquer le recul de la parité que constituerait l'adoption de ce mode de scrutin, par rapport à la situation actuelle.

e) L'analyse du mode de scrutin au regard de l'objectif de gouvernance

Selon le Gouvernement, la place essentielle accordée au scrutin majoritaire aura pour conséquence directe de faciliter l'émergence de majorités stables dans les conseils généraux et régionaux.

Cette qualité est traditionnellement reconnue au mode de scrutin majoritaire, bien qu'aucun mécanisme spécifique, à l'instar de la prime majoritaire prévue dans le scrutin municipal, n'assure l'automaticité de l'émergence de cette majorité. Il n'existe d'ailleurs que de rares exemples de conseils généraux dans lesquels aucune majorité claire ne s'est dégagée.

A supposer que le mode de scrutin majoritaire garantisse cette majorité, l'introduction d'une dose de proportionnelle pourrait limiter la possibilité de voir émerger une majorité, voire inverser le résultat électoral .

Ce risque de fragilisation de la majorité est d'ailleurs mis en exergue dans les simulations présentées dans l'étude d'impact 6 ( * ) .

Il existe toutefois dans le mode de scrutin proposé par le Gouvernement un mécanisme susceptible de préparer la constitution de majorités tant au niveau départemental que régional.

En effet, l'article 1 er du projet de loi prévoit qu'il n'est possible de présenter des candidats au scrutin de liste que dans le respect de deux conditions susceptibles de favoriser l'émergence d'une majorité. La première de ces conditions est la présence d'une liste ayant le même rattachement dans tous les départements de la région, la seconde est la nécessité de rattacher à ces listes des candidats à un siège de conseiller territorial à pourvoir au scrutin uninominal dans au moins la moitié des cantons que compte la région.

Ce mécanisme prévoit bien, au niveau des candidatures, le rassemblement des forces politiques en présence au niveau régional, et permet d'identifier le rattachement des candidats au scrutin uninominal à un courant politique régional. Son effet en terme électoral est bien difficile à appréhender mais cela peut être considéré comme un pas fait vers l'émergence d'une majorité politique.

Conclusion

Le mode de scrutin proposé par le Gouvernement se caractérise, d'abord et avant tout, par sa complexité , notamment au regard de l'articulation des modes de scrutin majoritaires et proportionnels, et particulièrement des mécanismes d'attribution des voix, ce que l'exposé des motifs du projet de loi appelle les suffrages « recyclés ».

Ce mode de scrutin est pour partie étranger à notre tradition républicaine, bien que cette dernière n'ait pas constitué un obstacle à l'expérimentation de nombreux mécanismes électoraux. Il est en effet incontestable que le recours à un scrutin uninominal majoritaire à un tour n'appartient pas à la tradition politique française.

Au-delà de cette appréciation subjective, l'analyse des effets de ce mode de scrutin ne permet pas d'atteindre les objectifs annoncés.

En proposant le recours à un scrutin mixte, le Gouvernement pensait additionner les vertus du mode de scrutin majoritaire et du mode de scrutin proportionnel. Or, ce mariage est contre nature, ainsi que l'a souligné M. Jean-Claude Colliard, puisque d'un côté le scrutin majoritaire à un tour favorise le bipartisme tandis que de l'autre, le scrutin de liste favorise le pluralisme.

Ces vertus ne se retrouvent ni dans la représentation des territoires, ni dans celle du pluralisme politique. La formation de majorité de gestion est fragilisée par l'instillation d'une dose de proportionnelle, enfin la parité connaît un recul considérable.

Ce mode de scrutin ne concilie donc pas les avantages du scrutin majoritaire et du scrutin proportionnel. Il semble plutôt en conjuguer les effets indésirables, si bien qu'une large majorité semble se prononcer en faveur d'autres modes de scrutin.

Ce constat est sévère, mais le Gouvernement lui-même a en quelque sorte reconnu les carences de ce mode de scrutin lorsque le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales a déclaré devant l'Assemblée nationale que « le Gouvernement sera ouvert à toute amélioration du dispositif qu'il a proposé 7 ( * ) ». Cette position a été depuis confirmée par le Premier ministre lui-même qui a sollicité les représentants des partis politiques siégeant à l'Assemblée nationale et au Sénat afin de connaître leurs propositions alternatives.

* 4 Étude n° 250/2003 adoptée par la Commission de Venise les 12 et 13 septembre 2003.

* 5 Ces points ont été développés plus longuement p. 22 et 27.

* 6 Cf. annexe p. 147 et suivantes.

* 7 Première séance du mardi 23 mars 2010.

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