TROISIÈME PARTIE - ASSURER UN FINANCEMENT PÉRENNE DE FRANCE TÉLÉVISIONS

Comme les deux premières parties de ce rapport l'ont souligné, les effets de la réforme de France Télévisions et de la mise en place de l'entreprise unique ne se sont pas encore fait sentir dans les comptes du groupe. Ainsi que l'a indiqué M. Patrick de Carolis dans les réponses aux questionnaires que vos rapporteurs lui ont adressé, « le redressement des comptes 2009, aussi spectaculaire qu'il paraisse en première analyse, ne peut pas être interprété comme le signe d'un retour pérenne à l'équilibre structurel des comptes du groupe ».

Si l'effort en matière de synergies internes devra être poursuivi et amplifié pour tenir la trajectoire de charges, si le plan de départ volontaire à la retraite permettra de dégager des moyens supplémentaires pour France Télévisions et si la pression sur les coûts externes devra être maintenue, il n'est pas possible de faire l'économie d'une réflexion sur le niveau de financement de l'entreprise qui constitue le socle d'un retour pérenne à l'équilibre .

C'est cette réflexion que vos rapporteurs ont menée.

I. UN FINANCEMENT COMPLEXE ET CONTESTÉ

A. LA CONTRIBUTION À L'AUDIOVISUEL PUBLIC : LE PILIER DU FINANCEMENT DE FRANCE TÉLÉVISIONS

1. La longue histoire entremêlée de la redevance, de la publicité et du financement de l'audiovisuel public

Les articles 109 à 115 de la loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l'exercice 1933 ont établi pour la première fois une redevance pour droit d'usage assise sur les postes radio « en vue d'en consacrer le produit aux dépenses de la radiodiffusion ». Dès l'origine, l'idée est clairement de faire participer les usagers des médias radiophoniques à leur financement , par l'intermédiaire d'une redevance. Ce n'est donc pas le contribuable qui finance la radio publique mais bien celui qui dispose d'un outil lui permettant de la recevoir.

De même, dès l'apparition de la télévision et la constitution de la Radiodiffusion-télévision française (RTF), société nationale française en charge du service public de l'audiovisuel, et détenteur du monopole de diffusion et de production, est mise en place par la loi une « redevance pour droit d'usage des postes récepteurs de télévision » à hauteur de 3 000 anciens francs 68 ( * ) . Il ne s'agit cependant pas d'une recette affectée et les ressources de la RTF lui sont versées par le ministère de l'information dont elle dépend entièrement.

La publicité commerciale apparaît à la télévision française, sur l'antenne de la première chaîne de l'Office de radiodiffusion télévision française (ORTF) comme nouvelle source de financement, le 1 er octobre 1968, au moment où la télévision fait irruption dans le quotidien des Français : en effet, alors que seuls 13 % des ménages possèdent un poste en 1960, ils sont 65,5 % à en détenir un en 1968 et 77 % en 1970.

Jusqu'alors, des publicités sans marque ou « propagande collective d'intérêt national » permettaient aux pouvoirs publics, aux groupements de producteurs nationaux ou coopératives de diffuser des messages de promotion, dans le cadre des « publicités compensées ». Seules quatre ou cinq minutes des programmes quotidiens étaient alors dévolues à ces publicités collectives, autorisées à la RTF par une loi de 1951. En 1966, la publicité dite compensée représente ainsi 3,3 % du budget de l'ORTF.

La question de la légitimité du double financement de l'audiovisuel public se pose dès cette époque et les éléments de la problématique font déjà débat.

Ainsi, le 23 avril 1968, les députés de l'opposition ont déposé une motion de censure « contre l'introduction de la publicité de marques à l'ORTF », annoncée par le Gouvernement de M. Georges Pompidou. Le projet suscite en effet des réticences car il est perçu comme une triple menace. Il risquerait pour ses détracteurs :

- de livrer l'établissement public aux « puissances d'argent » en le plaçant, indirectement, sous contrôle financier privé ;

- de bouleverser l'équilibre des finances de la presse, en entraînant une baisse des recettes publicitaires qu'elle concentrait jusqu'alors ;

- et de défavoriser les petites et moyennes entreprises et le commerce local, seules les très grandes firmes ayant les moyens d'assurer leur publicité.

Enfin, l'impact de la publicité sur la liberté d'expression et la qualité des programmes est également redouté : le député Louis Escande, l'un des auteurs de la motion de censure, note en effet que « dans les pays où règne la publicité de marques, celle-ci n'a guère contribué à l'amélioration des programmes. Même quand elle est limitée dans le temps, comme en Italie, son style, nécessairement commercial, change le visage de la télévision ».

Néanmoins, la position du Premier ministre reste ferme :

- au nom d'un principe de réalité tout d'abord : « la publicité à la télévision, qu'on l'apprécie ou non, qu'on la souhaite ou non, est inéluctable. (...) Elle est d'ailleurs déjà présente (...) » ;

- par nécessité économique ensuite, parce que le développement de la publicité ne saurait passer à côté du « support le plus récent, le plus direct, le plus étendu » que constitue la télévision, mais aussi parce que « la publicité constitue un élément puissant de relance de la production », en donnant aux entreprises la possibilité de développer leur marché intérieur ;

- enfin, en raison de leur dynamisme, les ressources publicitaires sont alors perçues comme nécessaires pour accompagner le développement de la télévision, dans l'intérêt des téléspectateurs (augmentation des heures d'émission, multiplication des chaînes, hausse du nombre d'exemptions de la redevance en faveur des personnes économiquement défavorisées...).

Finalement actée, l'introduction de la publicité à la télévision est néanmoins strictement encadrée. A cette fin, la Régie française de publicité (RFP) est créée par décret le 8 janvier 1969 : cette société anonyme dont l'État, par l'intermédiaire de l'ORTF, détient la majorité du capital, est chargée de la commercialisation des écrans publicitaires et du contrôle a priori des messages destinés à la télévision, dans le respect des intérêts fondamentaux de l'économie nationale.

La publicité fait ainsi une apparition progressive sur les écrans : limitée à 2 minutes par jour en 1968, elle passe à 6 minutes en 1969 et 10 minutes en 1970. Elle est autorisée en janvier 1971 sur la deuxième chaîne, puis en 1983 sur la troisième chaîne.

Si un plafond de part de recettes provenant de la publicité commerciale est fixé à 25 % des ressources de l'Office par la loi du 3 juillet 1972, il est levé à partir de 1982. En effet, il apparaît vite obsolète face au recul des financements publics et à la stagnation du produit de la redevance.

Par ailleurs, la réflexion sur l'indépendance de la télévision s'approfondit et la loi n° 74-696 du 7 août 1974 relative à la radiodiffusion et à la télévision prévoit que la perception de la taxe et la répartition de son produit entre les sociétés nationales de programme sont soumises à autorisation parlementaire, ce qui leur garantit davantage d'autonomie.

L'équilibre autour du financement mixte qui s'est dessiné au cours des années 1960 à 1980 est cependant profondément remis en question par la libéralisation du secteur de la télévision menée en 1986 et la fin du monopole de l'audiovisuel public .

En effet :

- d'une part, les arguments des partisans de la publicité (nécessité économique pour les annonceurs, moyen de développer le nombre de chaînes) s'affaiblissent avec la multiplication des chaînes privées ;

- et, d'autre part, ceux relatifs à la qualité des programmes prennent du poids avec l'apparition d'un nouveau paysage audiovisuel au sein duquel les chaînes publiques devront chercher à marquer leurs spécificités.

En septembre 1999, avant la présentation devant le Parlement d'une nouvelle réforme de la loi de 1986, des auteurs, réalisateurs, universitaires ou journalistes, réunis au sein des « États généraux de la création audiovisuelle », demandent ainsi, dans une lettre ouverte adressée au Gouvernement et aux parlementaires « la suppression totale de la publicité sur France Télévision et donc l'abandon des recettes commerciales » ainsi que « la création, en contrepartie, d'une contribution culture et communication » (prélevée sur l'ensemble du marché de la publicité, modulée suivant les secteurs et spécifiquement destinée au financement de la télévision publique).

Le titre de cette lettre est éloquent : « Dis-moi qui te paie, je te dirai qui tu es ». Ses auteurs déplorent en effet que, sans réforme de fond quant à son mode de financement, « la télévision publique restera condamnée à une course éperdue avec les chaînes commerciales pour tenter d'engranger des recettes publicitaires. Il faut choisir : une télévision publique financée pour moitié par des recettes commerciales et pour le reste par l'argent de la redevance (ou du budget) est condamnée à maintenir l'ambiguïté des contenus et à perdre sur tous les tableaux : sans parvenir à enrayer la montée en puissance financière des chaînes privées, elle continuera à renoncer à ses vocations spécifiques (informer, éduquer, distraire) pour s'aligner sur les recettes des télévisions commerciales (tunnels de publicité, variétés interchangeables, séries stéréotypées etc.) ».

La loi n°2000-719 du 1 er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication contribue à relancer le débat sans aller jusqu'au bout de la logique.

Ce texte, présenté par Catherine Trautmann, alors ministre de la culture et de la communication, puis par notre collègue Catherine Tasca, qui lui avait succédé au moment de son examen en deuxième lecture, réduit de 12 à 8 minutes par heure la durée des messages publicitaires sur les chaînes publiques.

Le projet initial prévoyait de réduire cette durée à 5 minutes par heure glissante : mais à défaut de compensations financières suffisantes, le Gouvernement avait alors dû revoir ses ambitions à la baisse 69 ( * ) .

La réduction du temps de publicité était néanmoins présentée par la ministre comme une disposition « phare » pour « rendre au service public son âme » et lutter contre la « privatisation rampante » constatée depuis le début des années 1990. En défendant son projet de loi le 20 janvier 2000 devant le Sénat, Mme Catherine Trautmann qualifiait alors ce projet d'« engagement très fort » en faveur du service public de l'audiovisuel : « depuis quinze ans, tous les rapports, tous les experts, mais aussi beaucoup de téléspectateurs réclamaient la fin des « tunnels » publicitaires pour des raisons de confort d'écoute, bien sûr, mais aussi comme garantie de la qualité des programmes (...) c'est la conception d'un service public dégagé des contraintes de la rentabilité commerciale » .

Il s'agissait, de fait, de restaurer un meilleur équilibre entre ressources publiques et ressources publicitaires : comme le soulignait le rapporteur du projet de loi au nom de la commission des affaires culturelles 70 ( * ) , « les recettes de redevance de France 2 et France 3 ont progressé six fois moins vite que leurs recettes publicitaires entre 1992 et 1997 ; dans le même temps, la part du financement issu de la publicité est passée, pour France 2, de 42 % à 52 % ». Notons que le contexte actuel est différent de ce point de vue, le marché publicitaire n'étant plus dans une phase d'évolution dynamique : les recettes commerciales sont en recul, sur tous les médias et notamment à la télévision, depuis janvier 2008.

Plus récemment, la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 a ensuite réformé le régime de la redevance audiovisuelle afin, notamment, d'adosser son recouvrement à celui de la taxe d'habitation . Une augmentation importante de son produit en était attendue. Si le coût de la collecte a baissé, et la lutte contre la fraude ainsi que le service rendu à l'usager ont été améliorés, cette réforme n'a cependant pas totalement porté ses fruits en termes d'augmentation du produit de la redevance.

La réforme a en effet réduit l'assiette de l'imposition, en exemptant les foyers disposant d'une résidence secondaire du paiement d'une redevance additionnelle , et en dégrevant de redevance environ un million de foyers modestes qui y étaient jusque là assujettis, mais ne payaient pas la taxe d'habitation.

En outre, ni la question de la spécificité du service public de télévision ni celle de la pertinence de son financement, qui sont intrinsèquement liées, n'étaient réellement posées.

Si la suppression totale de la publicité des chaînes publiques a souvent été prônée, pour libérer le service public des contraintes commerciales et de la « tyrannie de l'audimat », le projet avait toujours achoppé sur la question du financement .

Mais chacun s'accorde en général pour reconnaître que la suppression de la publicité est un levier essentiel d'une réforme de fond de l'audiovisuel public, en vue de clarifier ses missions, de renouer avec sa vocation de service public et de renforcer sa qualité, son identité et sa différentiation.

Telle est l'ambition qu'a finalement portée la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de télévision, en écho au souhait, exprimé par le Président de la République le 8 janvier 2008, d'accomplir « une véritable révolution culturelle dans le service public de la télévision », en prévoyant la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques.

Rendu moins dépendant de recettes par nature aléatoires, a fortiori dans le contexte morose du marché publicitaire actuel, l'audiovisuel public était invité à renouer avec sa vocation d'une télévision de qualité au service de l'intérêt général.

Parallèlement, à l'instigation du Parlement, la redevance, devenue contribution à l'audiovisuel public (CAP), a été revalorisée afin d'assurer un financement pérenne à France Télévisions.

2. Les fondements théoriques très solides de la contribution à l'audiovisuel public

Les justifications théoriques du financement du service public audiovisuel par une redevance plutôt que par des dotations budgétaires annuelles sont multiples. Ce mode de financement :

- garantit l'indépendance éditoriale de son bénéficiaire ;

- offre au diffuseur une autonomie renforcée sur les plans administratif et technique, notamment parce que le produit de la redevance ne subit pas de régulation budgétaire ;

- est mieux protégé par le Parlement, qui a davantage de pouvoir sur le montant de la contribution à l'audiovisuel public que sur une dotation, dont la hausse doit être gagée, au sein d'une même mission budgétaire, par la baisse d'une autre ;

- et, enfin, est dynamique depuis que le Parlement a indexé son montant sur l'inflation (article 97 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008).

Ces spécificités de la contribution à l'audiovisuel public entraînent des exigences importantes : la très forte visibilité de cet impôt et le lien direct que le redevable établit entre son montant et le service qu'il finance impose, en effet, une rigueur toute particulière aux chaînes bénéficiaires de la contribution dans l'exercice de leur mission de service public.

À cet égard, le Sénat a considéré qu'il serait utile d'assurer que le point de vue des téléspectateurs soit davantage pris en compte, afin de renforcer la légitimité de la redevance. C'est la raison pour laquelle il a souhaité que le conseil consultatif des programmes, composé de téléspectateurs, et prévu par l'article 46 de la loi du 30 septembre 1986 soit enfin mis en place. Il a modifié à cet effet ledit article dans la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 précitée, en supprimant le renvoi à un décret qui n'avait jamais été pris, en raison des difficultés à fixer par des règles une juste représentativité du conseil.

C'est aussi l'une des raisons de la mise en place de la présente mission.

3. Les recettes issues de la contribution

La contribution à l'audiovisuel public est au coeur du financement des médias audiovisuels français du secteur public puisqu'elle représente 79 % de leur financement.

Le montant total des recettes prévues par la loi de finances pour 2010 s'élève ainsi à 3 122,8 millions d'euros TTC 71 ( * ) , contre 2 997,7 millions d'euros TTC en 2009, dont 2 561 millions d'euros au titre des encaissements nets de redevance (contre 2 451,7 millions d'euros en 2009) et 561,8 millions d'euros au titre de la prise en charge des dégrèvements (546 millions d'euros en 2009).

Le tableau ci-après récapitule le nombre de redevables particuliers en métropole et en outre-mer, les encaissements bruts de contribution à l'audiovisuel public, les frais d'assiette et de recouvrement, les coûts de trésorerie, les encaissements nets de redevance, la compensation pour dégrèvement et les dotations aux organismes publics de l'audiovisuel.

RECETTES ISSUES DE LA CONTRIBUTION À L'AUDIOVISUEL PUBLIC

(en millions d'euros)

Exécution 2008

LFI 2009

LFI 2010

Nombre de redevables particuliers

25 464 428

25 580 000

26 050 000

Dont métropole

24 903 473

-

-

Dont DOM

560 955

-

-

Encaissements bruts de redevance (M€)

2 419,1

2 496,7

2 608,0

Frais d'assiette et de recouvrement (M€)

26,5

26,5

27,0

Coûts de trésorerie (M€)

22,8

18,5

20,0

Encaissements nets de redevance (M€)

2 369,8

2 451,7

2 561,0

Compensation pour dégrèvement (M€)

520,9

546

561,8

Dotation aux organismes publics (M€)

2 890,7

2 997,7

3 122,8

Source : réponses au questionnaire budgétaire sur le PLF pour 2010

S'agissant des encaissements bruts de redevance, vos rapporteurs tiennent à souligner que leur montant élevé en 2010 est fortement lié à l'adoption par le Parlement de :

- l'article 97 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 qui a prévu, à compter du 1er janvier 2009, l'indexation du montant de la contribution à l'audiovisuel public (nouveau nom de la redevance audiovisuelle) sur l'indice des prix à la consommation hors tabac, tel qu'il est prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. Ce montant est arrondi à l'euro le plus proche, la fraction d'euro égale à 0,50 étant comptée pour un.

Cette indexation a ainsi porté pour 2009 le montant de la contribution à 118 euros en métropole (contre 116 euros en 2008) et à 75 euros dans les départements d'outre mer (contre 74 euros en 2008).

- et de l'article 31 de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 précitée qui a prévu, tout en maintenant l'indexation de la contribution à l'audiovisuel public, la revalorisation de 2 euros du montant de la contribution à partir duquel la règle d'indexation sera appliquée pour 2010.

Ainsi, l'application au montant « rehaussé » de 120 euros en métropole et 77 euros dans les départements d'outre-mer d'une hypothèse d'inflation de 1,2 %, pour la construction du projet de loi de finances 2010, a conduit à fixer le montant de contribution à l'audiovisuel public à 121 euros en métropole et 78 euros dans les départements d'outre-mer en 2010 .

Alors que l'absence d'évolution de la contribution à l'audiovisuel public de 1998 à 2009 avait fortement creusé l'écart entre le montant de la redevance française et celui de nombreux pays européens, notamment l'Allemagne et la Grande-Bretagne, la décision d'indexer son montant sur l'inflation a un impact net sur le dynamisme anticipé de la ressource affectée à l'audiovisuel public .

La hausse annuelle anticipée de 2 euros du montant de la contribution à l'audiovisuel public, liée à son indexation sur l'inflation, représentera en effet une hausse de recettes supplémentaires d'environ 50 millions par an .

4. La répartition des recettes de la contribution

Le produit de la contribution à l'audiovisuel public n'est pas affecté au seul groupe France Télévisions mais est réparti entre les différents organismes affectataires visés au I de l'article 1605 du code général des impôts, à savoir France Télévisions, Arte-France, Radio France, la holding Audiovisuel extérieur de la France et l'Institut national de l'audiovisuel.

Les recettes de la contribution sont retracées dans le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », qui comporte ainsi cinq programmes :

- le programme 841 « France Télévisions » qui vise à financer le groupe audiovisuel France Télévisions et ses chaînes de service public : France 2, France 3, France 4, France 5 et Réseau France Outre-mer (RFO) ;

- le programme 842 « ARTE France », qui retrace les dotations allouées au pôle français de la chaîne ARTE ;

- le programme 843 « Radio France » qui correspond au financement de la société Radio France qui produit et diffuse sept chaînes de radio généralistes, thématiques et de proximité : France Inter, France Info, France Culture, France Musique, France Bleu, Le Mouv' et FIP ;

- le programme 844 « Contribution au financement de l'action audiovisuelle extérieure » qui finance la société holding Audiovisuel extérieur de la France et ses filiales chargées de missions de service public ;

- et le programme 845 « Institut national de l'audiovisuel » qui constitue la dotation à l'INA dont la mission est d'assurer la conservation des archives audiovisuelles diffusées en France par les radios et les télévisions.

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC »

Le montant total des recettes prévues pour 2010 s'élève, comme on l'a vu plus haut, à 3 122,8 millions d'euros TTC, contre 2 997,7 millions d'euros TTC en 2009.

Cette somme, qui correspond à une augmentation de 4,2 % par rapport aux recettes encaissées en 2009 permet de garantir le respect des contrats d'objectifs et de moyens (COM) passés entre l'État et les organismes de l'audiovisuel public , qui déterminent de facto l'évolution du financement des organismes de l'audiovisuel public.

Le COM de France Télévisions, qui a fait l'objet d'un récent avenant, non encore publié, a ainsi prévu une hausse de financement de 2,4 % en 2010, 2,5 % en 2011 et 6,4 % en 2012.

5. Le remboursement des dégrèvements de contribution, variable d'ajustement du financement de l'audiovisuel public

Les mesures législatives prévoyant des dégrèvements de contribution à l'audiovisuel public sont les suivantes :

- l'article 12 de la loi n° 2008-1249 du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active (RSA) et réformant les politiques d'insertion a instauré à compter de 2010 un dégrèvement de contribution à l'audiovisuel public pour tous les foyers dont le revenu fiscal de référence est nul , sans distinction de statut (foyers ayant pour seules ressources les minima sociaux non imposables). Le même article instaure un régime de droits acquis en 2010 et 2011, sous conditions de ressources et de bénéfice du RSA, pour les foyers ayant bénéficié d'un dégrèvement de redevance audiovisuelle en tant que bénéficiaires du revenu minimum d'insertion. Le montant de ces dégrèvements s'est établi à 91,9 millions d'euros en 2009 ;

- l'article 196 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances initiale pour 2009 a prorogé, pour 2009, puis pour 2010, le dégrèvement de contribution à l'audiovisuel public dont bénéficiaient les personnes âgées de plus de 65 ans au 1 er janvier 2004, sous conditions de revenus et de cohabitation. Il s'agit du régime dit des « droits acquis » qui concerne des personnes âgées 72 ( * ) et des foyers dont l'un des membres est handicapé 73 ( * ) . Le montant des dégrèvements liés au régime des droits acquis est de 66,4 millions d'euros pour 2009. Le nombre de redevables exonérés a diminué entre 2007 et 2010 et continuera à baisser du fait de la décroissance naturelle de la population concernée par le régime des droits acquis (- 15 % en termes de montant par rapport à 2008).

Par ailleurs, sont dégrevées de contribution à l'audiovisuel public les personnes exonérées ou totalement dégrevées de taxe d'habitation qui remplissent certaines conditions de revenus et de cohabitation. Il s'agit :

- des titulaires de l'allocation supplémentaire versée par le Fonds spécial vieillesse ou invalidité ;

- des contribuables âgés de plus de 60 ans dont le revenu de référence de l'année précédente est inférieur à un certain plafond ;

- des personnes veuves dont le revenu de référence de l'année précédente est inférieur à un certain plafond ;

- et des contribuables atteints d'une infirmité ou d'une invalidité les empêchant de subvenir seuls aux nécessités de l'existence dont le revenu de référence de l'année précédente est inférieur à un certain plafond.

Le montant de ces dégrèvements a été de 391,1 millions d'euros en 2009, en hausse de plus de 5 %.

Au total, le montant total dégrevé sur rôle a été de 549,5 millions d'euros en 2009 .

L'augmentation régulière du montant de la contribution à l'audiovisuel public aura un effet inflationniste sur le montant que l'État devra compenser chaque année aux organismes de l'audiovisuel public.

L'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, introduit par l'article 15 de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000, pose en effet le principe de la prise en charge intégrale par l'État des exonérations de redevance audiovisuelle décidées pour des motifs sociaux.

Le montant des dégrèvements de redevance pris en charge par le budget général de l'État vient créditer le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel ». A l'occasion de la création du compte (par l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006), un plafond annuel a cependant été fixé afin de limiter le montant des dégrèvements de redevance pris en charge par le budget général (à 440 millions d'euros en loi de finances initiale (LFI) pour 2005, 440 millions d'euros en LFI 2006, 509 millions d'euros en LFI 2007, 546 millions d'euros en LFI 2008, 546 millions inscrits en LFI 2009 et 562 millions d'euros en LFI 2010).

En pratique, les sommes allouées en remboursements de dégrèvements ont parfois ainsi été inférieures à celles des dégrèvements effectivement intervenus. Les montants des dégrèvements de redevance ont par exemple dépassé les plafonds des dégrèvements inscrits en loi de finances de 10 millions d'euros, 29 millions d'euros et 65 millions d'euros en 2004, 2005 et 2006. Les réponses au questionnaire envoyé par le rapporteur pour avis du budget « Médias » de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication au Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009 font état d'une différence de 112,7 millions d'euros entre le montant des dégrèvements budgétés en loi de finances initiale pour 2007 (445,5 millions d'euros) et celui réellement dégrevé sur rôle (558,2 millions d'euros) cette année là.

L'absence de prise en charge intégrale par l'État des dégrèvements pour motifs sociaux a pour effet de partager le coût d'une politique sociale décidée par le législateur entre l'État et les organismes de l'audiovisuel public.

La direction du budget, a observé 74 ( * ) à ce propos que « la progression attendue des ressources publiques des organismes de l'audiovisuel public, en 2007 (+2,6 % par rapport à 2006, soit +68,4 millions d'euros), et leurs ressources propres (+5,4 % par rapport à 2006), ne justifie pas une compensation intégrale des dégrèvements ».

Ainsi le plafond de remboursement des dégrèvements joue-t-il un rôle de variable d'ajustement de l'ensemble des ressources publiques affectées à l'audiovisuel public aux besoins identifiés dans le contrat d'objectifs et de moyens . Ce qui détermine le financement de l'audiovisuel public, ce n'est donc pas le produit de la redevance, mais bien les contrats d'objectifs et de moyens (COM).

En contrepartie du plafonnement de la prise en charge par l'État des dégrèvements de redevance, l'article 55 de la loi de finances pour 2005 a cependant institué un mécanisme qui garantit la ressource publique des organismes du service public de l'audiovisuel : si les encaissements de redevance sont inférieurs au montant inscrit en loi de finances initiale, cette garantie-plancher prévoit que le budget général compense à due concurrence ce manque à gagner par une majoration du plafond des dégrèvements pris en charge par l'État. Là encore, les dégrèvements jouent un rôle de variable d'ajustement, mais cette fois-ci en faveur de l'audiovisuel public, qui se voit garantir un minimum de contribution à l'audiovisuel public, même si celle-ci est moins dynamique que prévu. Ce mécanisme, présenté en 2005 comme provisoire et destiné à protéger les ressources des aléas de la transition de l'ancien vers le nouveau régime, a été reconduit depuis 2006 et mis en oeuvre en 2005, 2006 et 2007, années au cours desquelles l'application de la garantie a provoqué des réévaluations du plafond.

Ce système, bien que complexe, apparaît aux yeux de vos rapporteurs comme un compromis équilibré dans un contexte budgétaire contraint . Selon les services de France Télévisions consultés sur ce point, l'éventuelle application de ces mécanismes se fait de manière très transparente avec l'État.

LES DÉGRÈVEMENTS DE REDEVANCE AUDIOVISUELLE EN 2008 ET 2009

(en euros)

Source : ministère de l'économie en réponse au questionnaire envoyé par vos rapporteurs.

6. Les faiblesses de la contribution à l'audiovisuel public
a) L'assiette de la contribution

L'article 1605 du code général des impôts dispose que la contribution à l'audiovisuel public est due par toutes les personnes physiques imposées à la taxe d'habitation au titre d'un local meublé affecté à l'habitation si le contribuable détient un appareil de télévision ou un dispositif assimilé au 1 er janvier de l'année pour l'usage privatif du foyer (1° du II de l'article 1605 du CGI).

Les modalités pratiques d'application de cet article prévoient que :

- l'assujettissement à la contribution à l'audiovisuel public est indépendant de l'usage effectif qui est fait du téléviseur. La redevance audiovisuelle n'est pas la contrepartie exacte d'un service rendu et le contribuable qui ne regarde pas les chaînes publiques ne peut prétendre s'exonérer du paiement de la taxe ;

- une seule contribution est due, quel que soit le nombre de postes détenus dans l'ensemble des locaux meublés affectés à l'habitation pour lesquels le redevable est assujetti à la taxe d'habitation.

Le fait que les détenteurs d'une télévision dans leur résidence secondaire ne soient plus assujettis à la contribution à l'audiovisuel public depuis 2006, outre qu'elle est une spécificité française, peut apparaître comme une lacune au vu des difficultés de financement de l'audiovisuel public (voir infra ).

- en outre selon les informations mises en ligne par la direction générale des médias et des industries culturelles, la notion « d'appareil de télévision ou assimilé » a toujours signifié « tout dispositif permettant la réception de la télévision ». N'importe quel dispositif technique de réception de la télévision est donc assujetti (CE, 25 juin 1975, Société " Le Grand Hôtel ", n° 91.050, Rec. p. 388), comme par exemple l'assemblage d'un moniteur vidéo et d'un "tuner".

Vos rapporteurs estiment à cet égard que la doctrine fiscale, qui considère que la détention d'un ordinateur, même muni d'un dispositif lui permettant de recevoir la télévision, n'est pas soumise à la contribution à l'audiovisuel public, est contraire à l'esprit de la loi .

Si l'on considère que l'élargissement de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public aux détenteurs d'un équipement électronique permettant de recevoir la télévision aurait entraîné une augmentation de son produit à hauteur d'une quinzaine de millions d'euros par an (en moyenne sur les dix dernières années), le fait de n'avoir pas profité de la réforme du recouvrement de la redevance pour appliquer cette règle a entrainé un manque à gagner proche des 200 millions d'euros cumulés sur l'ensemble de la période.

Par ailleurs, si le produit complémentaire peut paraître mineur, vos rapporteurs considèrent que le message envoyé aux propriétaires d'un terminal leur permettant de recevoir la télévision qui ne paient pas la contribution à l'audiovisuel public est néfaste.

b) Le niveau de la contribution

Comme l'ont déjà indiqué vos rapporteurs, le montant de la contribution à l'audiovisuel public s'élève à 121 euros en métropole en 2010 (77 euros outre-mer) et son produit à 3 122,8 millions d'euros.

En Allemagne , le montant de la redevance est de :

- 17,98 euros par mois ( 215,76 euros par an ) pour la télévision et pour le couple radio/téléviseur ;

- et 5,76 euros par mois pour la radio seulement ou les appareils de nouvelle génération comme les ordinateurs, qui permettent de réceptionner des flux via le web. Ainsi, un ménage n'ayant pas de télévision, mais un ordinateur ou un téléphone portable compatible internet paye une redevance audiovisuelle réduite 75 ( * ) . Les ministres-présidents des Länder envisagent néanmoins de relever le montant de la taxe à 17,98 € par mois.

Il existe une redevance spécifique pour les résidences secondaires .

Le produit annuel de la redevance est de 7 260,5 millions d'euros en 2008 pour un bouquet qui ressemble à celui de France Télévisions (les chaines régionales sont cependant beaucoup plus développées).

Au Royaume-Uni , le montant de la redevance est d'environ 174 euros et son produit annuel est de 4,2 milliards d'euros .

Le paiement de cet impôt est obligatoire pour tout possesseur d'un poste télé, d'un graveur de DVD, d'un magnétoscope, d'un matériel informatique de réception des programmes télévisés. Le possesseur d'un poste de télévision qui n'utilise ce dernier que comme moniteur (jeux vidéo, DVD) peut être exempté de taxe, après le passage d'un agent pour vérifier la validité de cette déclaration.

La redevance est due une seule fois par foyer, même s'il y a possession de plusieurs des appareils cités ci-dessus.

S'agissant des résidences secondaires, il existe une redevance distincte en plus de la résidence principale . Mais dans certains cas très restrictifs, la redevance de la résidence principale peut couvrir la résidence secondaire (tout appareil qui fonctionne uniquement avec sa propre batterie et n'est pas branché au secteur ; bateaux ; caravanes ; mobile home...).

Force est ainsi de constater que le montant de la redevance est fixé à un niveau bien supérieur à celui de la France dans des pays à l'offre comparable en matière d'audiovisuel public.

c) La nature des bénéficiaires

Les recettes issues de la redevance financent le groupe France Télévisions, ARTE-France, Radio France, la société en charge de l'audiovisuel extérieur, l'Institut national de l'audiovisuel et, depuis 2009, le groupement d'intérêt public France Télé numérique.

Selon vos rapporteurs, l'absorption de Radio France Internationale (RFI) par la société de l'audiovisuel extérieur remet en partie en question la pertinence du financement de la radio par la redevance. S'il était légitime que cette radio, accessible à tous, soit financée par le contribuable audiovisuel, il peut paraître étrange qu'une holding comprenant deux chaînes qui ne sont pas accessibles gratuitement aux contributeurs de la contribution à l'audiovisuel public (France 24 et TV5) dispose de recettes issues de cette dernière.

d) Un recouvrement qui présente encore des inconvénients

La réforme de la redevance en 2005 a consisté à l'asseoir sur la taxe d'habitation. Si son recouvrement a été amélioré, les contestations sur sa légitimité n'ont en revanche pas cessé.

Vos rapporteurs sont convaincus que la présentation de l'avis d'imposition commun à la taxe d'habitation et à la redevance est une source de confusion majeure. En effet, comme l'ont démontré les rapporteurs du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de télévision, tout laisse à penser que le montant de la redevance est plus élevé qu'il ne l'est en réalité.

Par ailleurs, le renforcement de la mensualisation de la taxe d'habitation/contribution à l'audiovisuel public serait d'un intérêt majeur en termes de psychologie de la contribution à l'audiovisuel public.

Il apparaît aujourd'hui qu'un tiers des foyers seulement seraient mensualisés pour le paiement de la taxe d'habitation contre deux tiers pour l'impôt sur le revenu.


* 68 2° de l'article 2 de la loi n° 49-1032 du 30 juillet 1949 portant répartition des abattements globaux opérés sur le budget annexe de la radiodiffusion française.

* 69 Rappelons que cette compensation, annoncée en cours d'examen du projet de loi, s'est fondée sur le principe du remboursement des exonérations de redevance consenties pour des motifs sociaux.

* 70 Rapport n° 154 (1999-2000) de M. Jean-Paul HUGOT, fait au nom de la commission des affaires culturelles.

* 71 Aux termes de l'article 257 du code général des impôts, la contribution à l'audiovisuel public est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée dont le taux est fixé à 2,1 % par l'article 281 nonies du même code.

* 72 Personnes de plus de 65 ans au 1 er janvier 2004, non imposables à l'impôt sur le revenu (IR) sur leurs revenus de 2002, non assujetties à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en 2002, qui satisfaisaient en 2004 à la condition de cohabitation prévue à l'article 1390 du code général des impôts (CGI) mais ayant un revenu fiscal de référence supérieur au seuil fixée par l'article 1417 I du CGI.

* 73 Ce dernier n'étant pas le redevable de la taxe d'habitation, sous réserve de répondre aux conditions de revenu fiscal de référence (revenus de 2003) inférieur à la limite prévue à l'article 1417 I du CGI, de non assujettissement à l'ISF en 2003 et d'occuper leur logement conformément à la condition de cohabitation prévue à l'article 1390 du CGI.

* 74 Réponses au questionnaire budgétaire adressé, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008, par le rapporteur pour avis en charge du budget des médias au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

* 75 Il semblerait cependant que les ministres-présidents des Länder envisagent d'aligner le montant de la redevance due pour la détention de ce type d'appareil sur celui de la redevance pour détention d'un poste de télévision.

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