INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Aux termes de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, un contrat d'objectifs et de moyens (COM) d'une durée comprise entre trois et cinq années civiles doit être conclu entre l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et l'État. Avant sa signature, tout projet de COM doit être transmis aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat qui disposent d'un délai de six semaines pour formuler un avis.

Le 8 avril 2010, l'INA et l'État, représenté par les ministères du budget et de la culture, ont annoncé qu'ils s'étaient entendus sur un troisième COM pour la période 2010-2014. Ce projet de COM a, ensuite, été transmis à la commission de la culture du Sénat le 3 juin 2010. Il met en avant trois grands objectifs stratégiques pour l'Institut, qui s'inscrivent dans la continuité des deux précédents COM :

- la sauvegarde et l'enrichissement de son fonds d'archives ;

- la valorisation et la commercialisation de ses collections ;

- le développement de l'enseignement à l'image et aux médias.

Chaque objectif est, ainsi, assorti d'une batterie d'indicateurs de résultats qui feront l'objet d'un suivi annuel par le biais d'un audit réalisé par un organisme extérieur.

La signature de ce document stratégique revêt une importance particulière pour l'avenir de l'INA, à un double titre :

- d'une part, ce COM s'inscrit dans le prolongement du succès des deux précédents qui ont accompagné l'Institut dans le redressement urgent et indispensable que la Cour des comptes appelait de ses voeux depuis son contrôle de 2000 1 ( * ) . Le rééquilibrage de ses comptes a été brillamment mis en oeuvre sous l'égide de l'ancien président-directeur général de l'INA, M. Emmanuel Hoog 2 ( * ) ;

- d'autre part, ce troisième COM vient poser les conditions d'une gestion ambitieuse et responsable qui doit servir de base à la renégociation de la convention collective de l'établissement qui était censée intervenir, initialement, avant le 10 juillet 2010. La dissolution de l'Association des employeurs du service public de l'audiovisuel (AESPA) 3 ( * ) , consécutive à l'absorption par France Télévisions de France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO, a conduit à la remise en cause de la convention collective de l'audiovisuel public. Dans le cas de l'INA, la Cour d'appel de Paris a repoussé le délai de négociation du futur accord d'entreprise au mois d'octobre 2012, seuls les accords annexes cessant de produire leurs effets en octobre 2010.

À la suite du constat alarmant formulé par la Cour des comptes en 2000 sur l'état de ses finances, l'INA est parvenu à regagner la confiance de ses clients au moyen d'un vaste plan de sauvegarde et de numérisation de son fonds d'archives et d'une politique commerciale mieux adaptée et plus réactive aux besoins du marché. L'établissement s'est, ainsi, imposé comme la première banque d'archives numérisées en Europe et demeure une référence mondiale en matière de préservation du patrimoine audiovisuel.

Toutefois, le rapport public annuel de la Cour des comptes de 2008 met en garde contre le rétrécissement du périmètre des droits commercialisables de l'INA et les conséquences que celui-ci pourrait avoir sur l'évolution des recettes commerciales d'un établissement public à caractère industriel et commercial dont le financement est, encore aujourd'hui, assuré à plus des deux tiers par des ressources publiques. À ce défi, s'ajoute celui du vieillissement de son parc immobilier et d'une inadéquation de plus en plus flagrante entre son développement technologique et la sécurité de ses locaux.

I. UNE STRATÉGIE AMBITIEUSE POUR DEMEURER LA PREMIÈRE BANQUE D'ARCHIVES NUMÉRISÉES EN EUROPE

L'INA a été le premier établissement à conclure un contrat d'objectifs et de moyens avec l'État en 2000, avant même que la loi n° 2000-719 du 1 er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication en fasse une obligation pour toutes les sociétés audiovisuelles publiques. C'est dans le cadre des deux précédents COM couvrant les périodes 2000-2003 et 2005-2009 que l'INA est parvenu à rééquilibrer ses comptes de façon spectaculaire et à s'imposer comme une référence mondiale en matière de préservation et de numérisation du patrimoine audiovisuel.

A. LA NÉCESSITÉ DE PRÉSERVER LA LONGUEUR D'AVANCE DE L'INA EN MATIÈRE DE NUMÉRISATION

Aux termes de l'article 49 de la loi du 30 septembre 1986, une des missions fondamentales de l'INA consiste à conserver, enrichir et mettre en valeur son fonds d'archives de radio et de télévision. Ce fonds s'est considérablement enrichi des programmes collectés au titre du dépôt légal de la radio et de la télévision, créé par la loi n° 92-546 du 20 juin 1992 relative au dépôt légal. Toutefois, ce fonds est exposé au risque de dégradation physico-chimique des supports analogiques et d'obsolescence de certains équipements de lecture.

En conséquence, afin de sauvegarder l'intégralité de son patrimoine audiovisuel et radiophonique, l'INA s'est engagé, en 1999, dans la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde et de numérisation (PSN) des fonds menacés de dégradation physico-chimique. À la fin de l'année 2009, l'INA a sauvegardé et numérisé 483 171 heures de programmes de télévision et de radio, pour un investissement total de 105,6 millions d'euros. Sur les 800 000 heures de programmes initialement identifiées comme menacées par l'audit VERITAS en 2003, plus de 60 % auront donc été sauvegardées en numérique à la fin de l'année 2009.

Le projet de COM pour 2010-2014 entérine la poursuite de cet effort : il prévoit la numérisation de 191 594 heures de programmes supplémentaires, pour un montant de 51,6 millions d'euros. Toutefois, le projet de COM n'épuise pas le PSN dans son périmètre initial, dans la mesure où près de 100 000 heures resteront à numériser, pour un montant de 22 millions d'euros .

En outre, les travaux d'inventaires massifs effectués depuis 2003 et le développement des outils informatiques ont permis à la fois de réévaluer le volume des fonds restant à sauvegarder dans le cadre du périmètre initialement défini et d'identifier des risques de dégradation apparus postérieurement à l'expertise menée en 2003 et qui devraient concerner un grand nombre de documents de valeur tels que les programmes diffusés par RFO en outre-mer, les fonds radiophoniques régionaux, etc. Or, les moyens prévus dans le projet de COM ne couvrent pas les besoins nécessaires à une telle extension du périmètre du PSN, qui sont évalués à près de 30 millions d'euros .

C'est pourquoi l'INA a élaboré un projet visant à accélérer la mise en oeuvre du plan mais aussi à étendre son périmètre aux autres fonds nouvellement menacés. Ce projet pourrait être financé à hauteur de 51,4 millions d'euros dans le cadre du grand emprunt national.

Votre commission est convaincue que les recettes commerciales de l'INA ne continueront d'augmenter qu'à la condition que l'Institut maintienne son avantage compétitif dans le domaine de la numérisation, en consolidant et en développant le savoir-faire qu'elle a accumulé en la matière. La poursuite et l'extension du plan de numérisation constituent des objectifs prioritaires et d'intérêt public, compte tenu de l'impact positif du projet en termes scientifiques, éducatifs, culturels et économiques.

Recommandation n° 1 : Votre commission soutient pleinement le projet d'accélération et d'extension du plan de sauvegarde et de numérisation de l'INA et souhaite qu'il soit rapidement validé dans le cadre du grand emprunt national.

Votre commission relève que le processus de numérisation engagé par l'INA lui a notamment permis de réduire de façon significative le délai moyen de livraison aux clients sur les huit dernières années. De trois semaines au début des années 2000, il est passé à quelques heures ou même dans certains cas à quelques minutes, et aujourd'hui, plus de 99 % des programmes sont livrés par l'intermédiaire d'un robot à partir de fichiers numérisés. Afin de consolider ses performances en termes de livraison, l'INA doit également s'appuyer sur :

- des nouvelles technologies de livraison des fichiers vidéo par les réseaux informatiques (protocole de transferts par fichiers - FTP 4 ( * ) ) ;

- la mise en place d'une chaîne de gestion des commandes intégrée ( work-flow ) depuis la demande du client jusqu'à la livraison finale.

Par ailleurs, le projet de COM prévoit de mettre en place un plan de reprise d'activité (PRA) pour garantir la sécurité et la pérennité des données numériques archivées en cas d'incident grave du système d'information. Il consistera notamment en la création d'un site informatique de secours et d'un protocole de « gestion du désastre ».

Les investissements en faveur du PRA, sur la période 2010-2014, devraient s'étaler de la façon suivante :

Libellé

Nature

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Réalisé

Réalisé

COM

COM

COM

COM

COM

Logiciels

Investissement

101

1 091

2 300

Progiciels

Investissement

383

Matériel informatique

Investissement

1 004

Agencement Aménagement et construction

Investissement

81

84

42

Matériel technique

Investissement

6

Loyer

Fonctionnement

256

425

450

450

450

450

450

Coût total

1 831

1 600

2 792

450

450

450

450

Source : Institut national de l'audiovisuel

Afin de tenir compte de l'évolution constante et rapide des technologies numériques, le projet de COM prévoit également la mise en place d'un programme systématique de mise à niveau des supports, des formats et des équipements de stockage et de lecture.


* 1 Cour des comptes, Rapport public annuel de 2000 , La Documentation française, Paris, 2000.

* 2 Désigné président-directeur général de l'Agence France-Presse par le conseil d'administration de cette dernière en avril dernier, M. Emmanuel Hoog a été remplacé à la tête de l'INA par M. Mathieu Gallet en mai 2010.

* 3 Chambre patronale créée en 1974 qui regroupait l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public.

* 4 File transfer protocol.

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