B. LE VÉRITABLE ENJEU : LES « EXEMPTIONS D'ASSIETTE »

Le véritable enjeu est toutefois constitué par les « exemptions d'assiette » de cotisations sociales. Ainsi, selon la Cour des comptes, compte tenu du montant très élevé de ces exemptions, « le montant récupérable sur les exonérations et les niches sociales pourrait être de l'ordre de 10 Md€ et réalisé rapidement ».

Le montant très important du « gisement » des exonérations et exemptions sociales, selon la Cour des comptes

« Dans son rapport sur la sécurité sociale de 2007, la Cour a également examiné différentes mesures qui affectent négativement l'assiette des prélèvements sociaux et sont à l'origine d'une perte de ressources pour le régime général évaluée en 2005 entre 32 et 37 Md€.

« Les seuls dispositifs d'entreprise (association des salariés au résultat, protection sociale en entreprise, indemnités de départ à la retraite et de licenciement...) représentent à eux seuls entre 15 et 20 Md€ auxquels s'ajoute le coût des avantages fiscaux qui y sont liés la plupart du temps.

« Si quelques mesures ont déjà été prises, notamment concernant les stock options, la Cour a souligné qu'elles étaient « positives » mais également « timides ».

« Enfin, elle a constaté que les aides à la couverture complémentaire maladie sont coûteuses, en particulier les exonérations sociales et fiscales consenties aux contrats collectifs d'entreprise dont le coût est estimé à quelque 5 Md€ et qui se traduisent par des inégalités de traitement entre entreprises et donc entre salariés.

« Au total, ces éléments sur leur coût montrent que le montant récupérable sur les exonérations et les niches sociales pourrait être de l'ordre de 10 Md€ et réalisé rapidement. »

Source : Cour des comptes, Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2010

1. Les exemptions d'assiette des recettes des administrations de sécurité sociale : un coût de l'ordre de 40 milliards d'euros ?

Le coût des exemptions d'assiette n'est évalué que depuis peu et cette évaluation fait l'objet de divergences importantes.

La première estimation, réalisée par la Cour des comptes dans son rapport 2007 sur la Sécurité sociale, était de 32-37 milliards d'euros pour le seul régime général en prenant en compte les compensations partielles de l'Etat, et de plus de 40 milliards d'euros sans prendre en compte ces compensations. Depuis le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, l'annexe 5, relative aux « mesures d'exonérations de cotisations et contributions », comprend également une estimation des mesures d'exemption. L'estimation est nettement plus faible, puisque le coût n'est plus alors évalué, pour les régimes obligatoires de base (donc sur un périmètre légèrement plus étendu), qu'à 9,1 milliard d'euros.

Cette divergence provient d'un double phénomène :

- la Cour des comptes inclut dans son estimation le coût d'exemptions portant sur des revenus autres que ceux du travail (prestations sociales, revenus de capitaux mobiliers, revenus fonciers, cotisations des employeurs publics), qu'elle évalue à 20,4 milliards d'euros, alors que selon le Gouvernement ces pertes de recettes n'existent pas en réalité car selon lui ces bases n'ont par nature pas vocation à être incluses dans l'assiette ;

- la Cour des comptes suppose qu'en l'absence d'exemption d'assiette les bases concernées seraient imposées au taux de 37,88 % alors que le Gouvernement, considérant que les avantages concernés s'ajoutent aux rémunérations ordinaires, retient le taux au-delà du plafond, soit 22,93 % (à ces taux s'ajoutant la CSG pour 7,5 %).

La commission des finances estime que si le Gouvernement a raison de retenir le taux de 22,93 %, il n'y a pas de motif d'exclure a priori dans l'estimation du coût des exemptions celle des revenus autres que les revenus du travail.

Au total, selon les différentes estimations « retraitées » par la commission des finances, le coût « théorique » (hors modification du comportement des acteurs) pour l'ensemble des administrations de sécurité sociale (donc sur un champ plus vaste que celui des évaluations du Gouvernement et de la Cour des comptes) des exemptions de cotisations et contributions est de plus de 40 milliards d'euros, comme le montre le tableau ci-après.

Le coût des exemptions d'assiettes sociales pour les administrations publiques, selon la commission des finances

(en milliards d'euros)

PLFSS 2010

Cour des comptes, La sécurité sociale , septembre 2007

Estimations « retraitées » par la commission des finances

Champ

Régimes obligatoires de base, 2010

Régime général, année non précisée

Ensemble des administrations de sécurité sociale, 2010

I. Revenus du travail

Taux retenu pour la conversion de la perte de base en perte de recette

22,93 % de cotisations ROB*+7,5 % de CSG

37,88 % de cotisations ROB*+7,5 % de CSG

22,93 % cotisations ROB*+15 % cotisations autres régimes+7,5 % CSG

Perte d'assiette

Coût brut

Recettes

Coût net

Participation financière et actionnariat salarié

17,6

5,4

2,2

3,2

8,3

8,0

Protection sociale complémentaire en entreprise

17,4

5,3

2,2

3,1

5,1

7,9

Aides directes consenties aux salariés

5,9

1,8

0

1,8

2,7

2,7

Indemnités de rupture (licenciement, mises à la retraite)

3,8

1

0,1

0,9

4,1

1,7

Divers : droits à l'image des sportifs

0,1

0,031

0,004

0,027

0,0

TOTAL

44,8

13,6

4,5

9,1

20,2

20,4

II. Autres revenus (exemptions prises en compte par la seule Cour des comptes)**

Populations spécifiques

1,0

1,0***

Revenus de remplacement et de complément

12,0

12,0***

Revenus de capitaux mobiliers et fonciers

1,4

1,4***

Cotisations des employeurs publics

6,0

6,0***

TOTAL

20,4

20,4**

TOTAL GENERAL

40,6

40,8

* ROB : régimes obligatoires de base. ** Hors mesures emploi (prises en compte ci-avant). ***On reprend par convention les estimations de la Cour des comptes.

Sources mentionnées dans le tableau, calculs de la commission des finances

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