2. Réduire ou supprimer les exemptions d'assiette qui ne réduisent pas le coût du travail

Si elles concernent le coût du travail, les exemptions d'assiette obéissent à la même logique économique que les niches : leur réduction ou suppression se traduirait par des destructions d'emplois beaucoup plus importantes et durables que dans le cas d'une augmentation analogue des autres prélèvements obligatoires. Comme le Gouvernement prévoit déjà d'annualiser le calcul des allégements généraux (+ 2 milliards d'euros de recettes), et que votre commission des finances préconise d'abaisser d'ici 2013 le point de sortie du dispositif (+ 2,5 milliards d'euros de recettes à cet horizon), il ne paraît pas concevable de réduire ou supprimer dans le même temps des exemptions réduisant le coût du travail. Cela serait d'ailleurs contraire à la logique de l'engagement de la commission des finances en faveur de la TVA sociale.

a) Un « gisement » de recettes de l'ordre de 20 milliards d'euros  ?

En revanche, selon les estimations de la commission des finances, sur les 37 milliards d'euros d'exemptions, environ 20 milliards n'ont pas d'impact sur le coût du travail (hors cadres dirigeants).

Il s'agit essentiellement des exemptions concernant :

- dans le cas de la participation financière et de l'actionnariat salarié, les stock-options et actions gratuites (3 milliards d'euros selon la Cour des comptes dans son rapport de 2007, montant qui paraît surestimé pour les raisons indiquées ci-après) ;

- les indemnités de départ, en particulier en cas de licenciement (4,1 milliard d'euros selon la Cour des comptes mais 0,9 milliard d'euros selon le Gouvernement) ;

- les prestations sociales (12 milliards d'euros selon la Cour des comptes, dont 5,9 milliards d'euros pour les pensions de retraite et d'invalidité), qui ne sauraient toutefois être remises en cause ;

- les livrets d'épargne réglementés (0,6 milliard d'euros) ;

- les plus-values immobilières (1,4 milliard d'euros).

Les exemptions de cotisations des employeurs publics, de 6 milliards d'euros, n'ont en revanche pas d'impact évident sur le solde public. En effet, si l'on suppose que la fixation du taux de ces cotisations n'a pas d'impact indirect sur les rémunérations nettes des fonctionnaires, l'enjeu se résume à un transfert de ressources entre catégories d'administrations publiques.

Les principales exemptions sociales n'ayant pas d'impact sur le coût du travail du secteur privé (hors cadres dirigeants) : comparaison des estimations de la Cour des comptes et du Gouvernement

(en millions d'euros)

Cour des comptes, rapport sur la sécurité sociale de 2007

PLFSS 2010

Année

Non précisée

2010

Cotisations

Contributions

Total

Stock-options et actions gratuites

3,0*

3,0*

Indemnités de départ

3,4

0,7

4,1

0,9

Dont retraite

0,4

0,1

0,5

Dont licenciement

3,0

0,6

3,6

Prestations sociales

12,0

12,0

Dont pensions de retraite et d'invalidité,

5,9

5,9

Dont allocations de chômage

1,5

1,5

Dont IJ et rentes AT/MP

0,5

0,5

Dont allocations logement

1,1

1,1

Dont prestations familiales

2,5

2,5

Dont RMI

0,5

0,5

Revenus de capitaux mobiliers**

0,6

0,6

0,6

Livrets réglementés

0,6

Plus-values immobilières

1,4

Résidences principales

0,9

Autres logements détenus depuis plus de 15 ans

0,5

Revenus fonciers

0,8

0,8

0,1

Dont soutien investissement locatif

0,3

0,3

Dont grosses réparations

0,5

0,5

Impôts affectés à la sécurité sociale

Contribution sociale sur les bénéfices

0,3

C3S :

- Assiette du secteur bancaire

0,1

- Taux réduit pour certaines professions

0,1

Total hors cotisations des employeurs publics

6,4

14,2

20,6

Cotisations des employeurs publics

6,0

6,0

Dont Etat

3,8

3,8

Dont collectivités territoriales

0,7

0,7

Dont établissements publics hospitaliers

1,2

1,2

Total général

12,4

14,2

26,6

-

* Ce montant pourrait être très surestimé (cf. ci-après).

** Les exemptions concernant les plus-values de cession de valeurs mobilières (0,11 milliard d'euros) et l'assurance-vie multisupports (0,27 milliard d'euros) ont été supprimées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

Source : commission des finances, d'après les sources indiquées

b) Les réductions d'exemptions prévues dans le cadre de la réforme des retraites

Le Gouvernement prévoit d'ores et déjà de réduire deux exemptions d'assiette dans le cadre de la réforme des retraites, relatives aux retraites-chapeaux et aux stock-options.

Les mesures de réductions d'exemptions d'assiette sociale prévues dans le cadre de la réforme des retraites

(en milliards d'euros)

Total des mesures

Rendement 2011

Rendement 2020 (en € constants 2010)

Retraites-chapeaux : suppression de l'abattement de 1 000 € pour l'imposition des rentes et instauration d'une contribution salariale spécifique de 14%

110

140

Stock-options : passage de la contribution patronale spécifique sur la valeur des options de 10% à 14% et de la contribution salariale sur le gain de levée d'option de 2,5% à 8%

70

200

Total

180

340

Rappel : total des augmentations de prélèvements obligatoires prévues dans le cadre de la réforme des retraites

3 700

4 620

Source : d'après le ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique (dossier de presse relatif à la réforme des retraites, 16 juin 2010)

(1) Les retraites-chapeaux

Les retraites-chapeaux sont les rentes versées au titre de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale.

On rappelle qu'à l'initiative de la commission des finances du Sénat, a été inséré l'actuel article 15 de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010, qui instaure une contribution additionnelle de 30 %, à la charge de l'employeur, sur les rentes excédant huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit 274 646 euros.

(2) Les stock-options

Dans son rapport sur la Sécurité sociale de 2007, la Cour des comptes préconise en particulier de « réexaminer ou plafonner les exonérations de cotisations sociales appliquées à la plus-value d'acquisition des stock-options (...) ».

L'estimation du coût de l'exemption par la Cour des comptes dans son rapport de 2007 ( 3 milliards d'euros ) pourrait être très surestimée. La méthodologie de la Cour des comptes a consisté à prendre en compte les stock-options distribuées en 2005, à calculer la perte d'assiette (8,6 milliard d'euros) et, par l'application d'un taux de 37,88 % (cotisation des régimes obligatoires de base), à en déduire un coût de 3 milliards d'euros. Cependant, l'annexe 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 estime la perte de base à 2,1 milliards d'euros. En appliquant à ce montant ce même taux de 37,88 %, on obtient une perte de « seulement » 0,8 milliard d'euros.

Par ailleurs, depuis le rapport de 2007 de la Cour des comptes, à l'initiative de notre collègue député Yves Bur, rapporteur au nom de la commission des affaires sociales, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a instauré une contribution patronale et une contribution salariale, dont le montant a alors été évalué à respectivement 0,25 et 0,15 milliard d'euros.

c) Les autres dispositifs

Dans son rapport sur la Sécurité sociale de 2007, la Cour des comptes préconise en particulier de « réexaminer ou plafonner les exonérations de cotisations sociales appliquées (...) aux avantages de départ en retraite et de licenciement ».

On rappelle que selon la Cour des comptes, les sommes en jeu sont de l'ordre de 4 milliards d'euros.

S'agissant des livrets réglementés, il convient de noter que la commission des finances a déjà fait part de ses réserves sur la légitimité de cette niche dans son rapport relatif au débat d'orientation budgétaire pour 2008 : « (...), on peut être plus circonspect sur l'intérêt des niches sociales en faveur des encours liquides. Les exonérations fiscales et sociales attachées à certaines catégories d'épargne liquide comme le livret A ou le livret de développement durable contribuent à l'attachement des Français pour une épargne de court terme, peu risquée certes, mais aussi désormais peu rémunératrice et utile certes sur le plan économique mais sans doute moins que d'autres canaux de financement ».

Dans le cas de l'exemption dont bénéficient les plus-values immobilières (1,4 milliard d'euros, concernant en quasi-totalité la CSG), votre rapporteur général estime qu'il n'est pas souhaitable d'inclure dans l'assiette les plus-values immobilières concernant la résidence principale (0,9 milliard d'euros). Seules seraient donc concernées celles relatives aux autres logements détenus depuis plus de quinze ans (0,5 milliard d'euros).

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