2. Une programmation encore largement fictive des dépenses sociales
a) La programmation pluriannuelle instaurée en 2005, un exercice à ce jour peu concluant

Conformément à la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, tous les projets de loi de financement présentent des projections pluriannuelles .

Chaque année, la loi de financement laisse ainsi entrevoir une réduction des déficits, voire un retour à l'équilibre, des régimes obligatoires de base. Mais, cet exercice s'avère en réalité très formel puisque d'année en année, ces horizons sont repoussés .

Le cas de la branche maladie du régime général est, de ce point de vue, le plus remarquable. Alors que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 évoquait un retour à l'équilibre financier de la branche en 2007 grâce à la loi du 13 août 2004 portant réforme de l'assurance maladie, celui-ci a ensuite été ensuite systématiquement reporté :

- à 2009, en loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 ;

- à 2010, dans l'hypothèse macroéconomique haute proposée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 et à 2012 dans le scénario économique bas ;

- à 2012, dans l'hypothèse macroéconomique haute proposée par loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 ;

- à 2012, dans les projections initiales proposées par le PLFSS pour 2009. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, après la révision des hypothèses macroéconomiques apportée par le Gouvernement au cours de l'examen du texte par le Parlement, a finalement fait apparaître un déficit prévisionnel de la branche de 2 milliards d'euros en 2012.

La loi de financement pour 2010 prévoit un déficit de la branche maladie de 11,6 milliards d'euros à l'horizon 2013. Pour la première fois, tout retour à l'équilibre est durablement perdu de vue .

b) L'ONDAM, un objectif une seule fois respecté depuis sa création

Depuis 1997, le Parlement est amené à voter, chaque année, en loi de financement de la sécurité sociale, un objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM). Or, à l'exception de 1997, première année d'application du cadre organique défini en 1996, l'ONDAM n'a jamais été respecté ( cf. graphique).

Deux principaux éléments expliquent cette tendance : d'une part, l'évaluation peu réaliste des mesures d'économies qui sous-tendent la construction de l'ONDAM et donc son respect et, d'autre part, les phénomènes dits de « rebasage » qui contribuent à consolider les dépassements au lieu d'appeler un effort de maîtrise supplémentaire des dépenses.

Réalisation et dépassements de l'ONDAM depuis 1997

(en milliards d'euros)

Source : direction de la sécurité sociale, graphique cité dans le rapport du groupe de travail, présidé par Raoul Briet, sur le pilotage des dépenses d'assurance maladie, avril 2010

Note de lecture : en abscisses figure le niveau de dépenses constaté et en ordonnées le taux d'évolution associé ; la taille des bulles représente l'ampleur du dépassement ou de la sous-consommation. Ainsi, en 2007, les dépenses dans le champ de l'ONDAM ont atteint 147,7 milliards d'euros compte tenu d'un dépassement de 2,8 milliards d'euros, soit un taux d'évolution à périmètre constant de 4,2 %.

Sur ce dernier point, le processus de détermination de l'ONDAM consiste chaque année à appliquer à une base, après prise en compte du ou des changements de périmètre de l'ONDAM, un taux d'évolution prévisionnel qui synthétise les effets contraires de l'évolution tendancielle des dépenses et des économies attendues.

Or une difficulté permanente pour la fixation de l'ONDAM réside dans la détermination des bases auxquelles sont appliqués les taux d'évolution . Ces bases sont définies en fonction :

- d'une part, des réalisations prévues pour l'année en cours, puisqu'elles ne peuvent pas être connues exactement au moment du vote de la loi de financement. Les prévisions utilisées s'avèrent donc plus ou moins éloignées de la réalité constatée ensuite dans les comptes ;

- d'autre part, du choix des pouvoirs publics de prendre en compte en tout ou partie le dépassement prévu de l'ONDAM de l'année qui se termine.

Cette « technique du rebasage » fausse donc l'appréciation de l'évolution des dépenses d'assurance maladie d'une année sur l'autre et peut ainsi conduire à neutraliser les dépassements en les incluant dans la base de l'ONDAM de l'année suivante, créant un effet cliquet par rapport aux dépenses constatées.

Le dépassement de l'ONDAM 2007 - 2,8 milliards d'euros - s'explique ainsi en partie par cet effet « base » : dès la fin mars 2007, la direction de la sécurité sociale évaluait à 700 millions d'euros l'effet de base ce qui rendait impossible, dès cette date, le respect de l'objectif de dépenses fixé pour 2007.

Les effets de base perturbent également l'appréciation du respect ou non des taux des différents sous-objectifs de l'ONDAM . Ainsi, par exemple, le dépassement de l'ONDAM hospitalier 2008, à hauteur de 150 millions d'euros, était-il « sous-estimé ». En effet, ce dépassement a été constaté en dépit d'une surévaluation de la base retenue pour la construction de l'ONDAM 2008 de 200 millions d'euros et d'un gel de crédits destinés au fonds de modernisation des établissements publics et privés (FMESPP) de 100 millions d'euros. Ces deux éléments n'auraient dû rendre que plus aisé le respect du sous-objectif relatif aux établissements de santé.

Concrètement, les dépenses de l'assurance maladie augmentent chaque année dans une proportion plus importante que la programmation votée par le Parlement, non seulement en raison de l'évolution des dépenses réelles, plus élevée que la prévision , mais aussi en raison de la variation annuelle des bases de l'ONDAM. Cela conduit à consolider les dérapages et à ne jamais les remettre en cause.

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