b) Donner de nouvelles responsabilités aux autorités d'instruction, de délivrance et de contrôle des autorisations d'urbanisme

Il convient, de même, de donner de nouvelles responsabilités aux acteurs impliqués dans la délivrance et le contrôle des autorisations d'urbanisme , afin de garantir une prise en compte des risques naturels à chaque étape du processus.

Le renforcement des critères d'instruction des demandes de permis de construire est naturellement impliqué par le nouveau statut donné aux PPR, qui imposera aux services instructeurs , quels qu'ils soient, d'effectuer un véritable contrôle de conformité.

En ce qui concerne la délivrance des autorisations d'urbanisme, votre mission estime qu'il est choquant que des permis « tacites » puissent être délivrés dans des zones à risque (c'est-à-dire, notamment, dans des zones couvertes par un PPR ou en passe de l'être). Elle estime donc que l'article R. 424-2 du code de l'urbanisme, qui liste les cas dans lesquels le défaut de notification d'une décision expresse vaut décision implicite de rejet de la demande de permis de construire, devrait être complété, pour qu'y soit inclus le cas dans lequel le territoire concerné est couvert par un PPR. Il s'agit donc de forcer les services instructeurs à se prononcer explicitement, au cas par cas et par une décision motivée sur les autorisations d'urbanisme délivrées dans les zones exposées à des risques.

Proposition n° 35 de la mission :

Interdire la délivrance d'autorisations d'urbanisme tacites dans les zones couvertes par un PPRN ou dans lesquelles un PPRN est en cours d'élaboration.

Votre mission souligne d'ailleurs qu' une telle procédure est déjà prévue dans de nombreux cas qui, pour la plupart, n'ont pas de lien avec l'objectif de protection des vies humaines : son extension n'aurait donc rien d'excessif.

Enfin, concernant le contrôle de légalité sur les actes d'urbanisme assuré par les préfectures, votre mission constate que non seulement le taux d'actes d'urbanisme déférés au juge administratif est particulièrement faible (0,024 % en 2008, selon la DGCL), mais aussi que le taux d'actes prioritaires effectivement contrôlés par les préfectures -parmi lesquels se trouvent les actes d'urbanisme- a reculé entre 2008 et 2009 40 ( * ) .

De nombreux axes d'amélioration peuvent donc être dégagés :

- tout d'abord, un contrôle de légalité systématique des actes d'urbanisme pourrait être instauré dans les zones couvertes par un PPR (ou dans lesquelles un PPR est en cours d'élaboration) . Devant votre mission, M. Daniel Canepa, président de l'association des membres du corps préfectoral, s'est déclaré favorable à cette proposition , et a été jusqu'à estimer que, dès lors qu'il s'agissait d'assurer la sécurité publique, la charge de la preuve -qui pèse actuellement sur les préfectures- devait être renversée : ainsi, il a affirmé que « si le préfet a constaté qu'un projet est en contradiction avec le PPRI, cela doit suffire à annuler le permis de construire, et ce doit être au demandeur d'apporter la preuve du contraire » ;

- par ailleurs, votre mission a constaté que les préfets faisaient un usage insuffisant de la procédure de référé sur déféré (les déférés préfectoraux sur le fond de l'acte contesté sont rarement assortis d'une demande de référé-suspension) 41 ( * ) . Pourtant, une telle demande de référé formée par le préfet dans un délai de dix jours à compter de la réception de l'acte permet la suspension immédiate de ce dernier, pendant un délai maximal d'un mois. Votre mission estime donc nécessaire d'appeler les préfets, par voie de circulaire, à assortir tous leurs déférés devant le juge administratif d'une demande de référé-suspension dès lors que l'acte contesté a un impact potentiel sur la sécurité des populations.

Propositions n° 36 et 37 de la mission :

- Mettre en place un contrôle de légalité systématique des actes d'urbanisme dans les zones couvertes par un PPRN ou dans lesquelles un PPRN est en cours d'élaboration.

- Appeler les préfets, par voie de circulaire, à assortir tous leurs déférés en matière d'urbanisme d'une demande de référé-suspension dès lors que l'acte contesté a un impact potentiel sur la sécurité des populations.

Votre mission a surtout été frappée de constater que, pour la plupart des préfets, le recours à un déféré préfectoral s'assimilait à un échec du dialogue avec les élus.

M. Daniel Canepa a ainsi souligné que, actuellement, les préfets « usaient du contrôle de légalité comme on se sert de l'arme nucléaire », c'est-à-dire essentiellement comme d'un outil de dissuasion ayant vocation à n'être utilisé que dans les cas les plus extrêmes.

Votre mission souligne bien entendu l'importance d'un dialogue constructif entre les préfets et les collectivités territoriales. Pour autant, elle considère que, face à l'enjeu de la protection des populations contre les risques naturels, le déféré préfectoral ne doit pas être résumé à un conflit ou à un constat d'échec. Il est, au contraire, au coeur de la mission des préfets, qui sont chargés de faire respecter la légalité et d'assurer une application homogène de la loi partout sur le territoire national. Certes, on ne peut qu'espérer que les voies de recours précontentieuses (dialogue informel avec les élus, lettres d'observation, etc.) s'avéreront fructueuses -c'est d'ailleurs le cas en règle générale-, et qu'elles permettront une résolution consensuelle des désaccords. Toutefois, si tel n'est pas le cas, il est de la responsabilité du préfet d'en tirer les conséquences en soumettant les actes litigieux au juge administratif ; il s'agit non pas d'un choix, mais d'un devoir que le représentant de l'État doit assumer.

Il s'agit donc d'une question de volonté politique, plutôt que de normes juridiques . Votre mission appelle donc le Gouvernement à donner des directives claires aux préfets afin que les actes d'urbanisme soient, dès que cela est nécessaire, déférés au juge administratif.


* 40 Selon le rapport annuel de performance de 2009 pour la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », ce taux est passé de 94 % en 2008 à 93 % en 2009, ce qui reflète probablement l'impact des baisses d'effectifs consécutives à la mise en application de la révision générale des politiques publiques (RGPP) dans les préfectures.

* 41 Voir supra : on compte 49 déférés préfectoraux en Vendée et en Charente-Maritime entre 2001 et 2009, dont seulement 9 ont été assortis d'une demande de référé.

Page mise à jour le

Partager cette page