b) Garantir un financement pérenne

Bien que la situation budgétaire du fonds soit bonne, la mission doute de sa capacité à faire face aux opérations de rachat envisagées.

Le fonds a bénéficié d'une augmentation très forte de ses ressources, qui sont passées de 25 millions d'euros en 2002 à 130 millions d'euros en 2009 .

Le mécanisme de financement du fonds, qui repose depuis sa création sur un système à deux étages, doit être souligné : le fonds est en effet abondé par un reversement de 12 % des sommes collectées au titre du prélèvement de 12 % sur le produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles 79 ( * ) . Le taux de ce reversement a évolué ces dernières années, pour atteindre aujourd'hui 12 %, de même que, précédemment, le niveau des surprimes affectées au régime catnat, fixé également à 12% aujourd'hui, s'est considérablement accru entre les années 1980 et 1990 80 ( * ) .

Les tableaux ci-dessous permettent d'évaluer la capacité financière du fonds « Barnier », de ses dépenses par catégorie de mesure et, enfin, de ses dépenses par type de risque.

La situation budgétaire du FPRNM depuis 2002 (en millions d'euros)

Année

Recettes 1

Délégations 2

Reliquat 3

De 1995 à 2002

150,47

67,15

--

2002

25,15

11,1

94,2

2003

28,2

18,25

106,2

2004

27,29

6,41

127,1

2005

28,89

37,49

108,6

2006

30,6

85

55

2007

60,3

100,4

24,1

2008

68,03

66,8

25,33

2009

130

79,35

75

1 dont produits financiers ;

2 dont frais de gestion ;

3 à la date du comité de gestion, au premier trimestre de l'année suivante.

Dépenses du FPRNM en 2009 par type de mesure (en millions d'euros)

Type de mesure

Total 2009

Rappel des prévisions 2009

Rappel dépenses 2008

Rappel dépenses 2007

Rappel dépenses 2006

Expropriations

1,93

5,52

1,42

10,57

4,34

Cofinancement des PPRN et information préventive

10,25

10,45

10,71

9,54

15,76

Evacuations et relogement

0,14

0,50

0,16

0,25

0,10

Acquisitions amiables

24,42

30,91

18,77

22,98

31,56

Traitement des cavités souterraines

0,39

4,67

1,38

0,55

0,22

Etudes & travaux prescrits par un PPRN

0,59

0,48

0,25

0

0

Etudes & travaux CT

41,55

61,80

30,15

33,80

33

Séchilienne

0

0,03

1

0,75

0

Dépenses engagées par l'Etat

« Traitement de la dette »

0

0

0

21,91

0

TOTAUX

79,27

114,36

63,84

100,35

84,98

Dépenses du FPRNM en 2009 par type de risque (en millions d'euros)

Dépenses par type de risque

Total 2009

Total 2008

Inondation

45,87

45,54

Mouvement de terrain

21,48

5,695

Cavités Souterraines

0,60

1,845

Séismes

5,59

-

Avalanches

1,87

-

Incendies de forêts

0,07

-

Autres, dont multi-risque

3,79

10,76

TOTAUX

79,27

63,84

Source : Direction générale de la prévention des risques

En dépit de l'accroissement de ses capacités financières, il est peu probable qu'à droit constant, le fonds Barnier puisse absorber le coût des indemnisations envisagées, et ce même en étalant les rachats sur plusieurs années. Alors qu'il dispose d'un flux de trésorerie de l'ordre de 150 millions d'euros par an, il est contraint par un niveau de dépenses annuelles incompressibles de l'ordre de 75 millions d'euros 81 ( * ) .

Lors de son audition, M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, a estimé que l'acquisition de 1.515 habitations pourrait représenter un coût brut de l'ordre de 800 millions d'euros . Ce montant brut correspond à une évaluation globale sommaire. D'après les informations communiquées ultérieurement par France Domaine, une projection réalisée pour 1.367 habitations, sur la base des propositions de rachat qui ont été faites à la date du 7 juin 2010, indiquerait un coût net total pour le fonds Barnier qui pourrait être compris entre 400 et 500 millions d'euros.

Dans un contexte où son utilisation croissante pour le financement d'études limite ses marges de manoeuvre en matière d'acquisitions amiables, la perspective d'un versement d'avances par l'Etat ou d'une révision des règles d'abondement du fonds Barnier doit donc être examinée, d'autant plus que l'Etat envisage de financer le plan « digues » sur les ressources de ce fonds. De même, la question de la constitution de réserves obligatoires au sein du fonds doit être posée.

Lors de leur audition par votre mission, les auteurs du rapport de la mission interministérielle sur la tempête Xynthia ont invité à mettre à disposition du fonds Barnier des moyens financiers conséquents afin qu'il puisse faire face aux nouvelles dépenses qui vont résulter de la tempête Xynthia 82 ( * ) .

Le rythme de dégagement des ressources mobilisables du fonds Barnier est à ce stade insuffisant 83 ( * ) et nécessitera des arbitrages quant au montant et aux travaux sur les digues, d'une part, et quant au montant des dépenses hors Xynthia susceptibles d'être annulées ou différées au cours des cinq prochaines années, d'autre part. L'Etat devra vraisemblablement l'abonder par une dotation exceptionnelle. La dernière possibilité étant de dégager de nouvelles recettes pour le fonds Barnier.

La mission interministérielle a identifié trois possibilités :

- l' affectation au fonds Barnier d'une part significative (50 à 75 %) du produit d'une modulation des primes catnat , qui reste à créer. A titre d'hypothèse, si 10 % des assurés voyaient leur prime catnat - en moyenne de 20 euros par contrat - augmenter de 25 % par cette modulation, le produit pour le fonds serait de l'ordre de 15 à 20 millions d'euros ;

- le relèvement du taux des primes catnat elles-mêmes. Sachant que le taux en vigueur de 12 % engendre un produit annuel de 1,3 milliard d'euros, une augmentation de 1 % représenterait autour de 100 millions d'euros de ressources nouvelles, qu'il conviendrait d'affecter en totalité au fonds Barnier ;

- enfin, l' augmentation du taux des prélèvements sur les primes catnat au profit du fonds Barnier . Cette évolution serait plus délicate dans la mesure où ces prélèvements ont déjà fortement augmenté ces dernières années.

Par ailleurs, à moyen terme, une segmentation du fonds en deux enveloppes fixes pourrait être mise à l'étude : une part déterminée serait consacrée à des activités d'études et de prévention tandis que l'autre partie des crédits serait destinée à des indemnisations. Une certaine souplesse devrait cependant être maintenue s'agissant des flux entre les deux enveloppes.

En outre, sachant que le montant annuel des surprimes d'assurance « catastrophes naturelles » s'élève à 1,3 milliard d'euros et que la Caisse centrale de réassurance (CCR) dispose d'ores et déjà de 3 milliards d'euros de réserves pour couvrir le risque catnat, la piste d'un prélèvement exceptionnel pourrait être envisagée 84 ( * ) . Il pourrait s'agir d'abonder le fonds Barnier ou d'aménager le mode de financement des acquisitions amiables en tirant les conséquences de ces données financières.

Parmi l'ensemble de ces projets de révision des règles d'abondement et de fonctionnement du fonds « Barnier » , votre mission propose d' en mettre en oeuvre au moins une d'ici 2011 .

Proposition n° 84 de la mission :

Garantir une ressource pérenne pour faire face aux indemnisations et aux aménagements de protection en prévoyant un abondement exceptionnel du fonds « Barnier », soit par une dotation budgétaire, soit par un prélèvement sur les réserves de la caisse centrale de réassurance.


* 79 Ces surprimes sont prévues à l'article L.125-2 du code des assurances.

* 80 Pour les biens autres que les véhicules terrestres à moteur, la prime s'est tout d'abord établie à 5,5 % des primes ou cotisations afférentes aux contrats de base, de 1982 à 1983, puis à 9 % du 1er octobre 1983 au 31 août 1999, pour enfin atteindre, depuis le 1er septembre 1999, 12 % des primes ou cotisations afférentes aux contrats de base d'assurance « dommages » aux biens. En ce qui concerne les véhicules terrestres à moteur, la prime a été réduite en 1986 de 9 à 6 % des cotisations vol et incendie et de 0,8 % à 0,5 % pour la cotisation dommage, utilisée à défaut.

* 81 Cette estimation comprend notamment, comme l'a souligné, lors de son audition par la mission, M. Sébastien Raspiller, chef du bureau des marchés et des produits d'assurance à la direction générale du Trésor, la prise en charge du plan séisme aux Antilles et le financement des travaux de reconstruction des digues.

* 82 Outre le rachat des biens immobiliers pour un montant compris entre 400 et 700 millions d'euros, il s'agit de la réalisation des PPR littoraux et, surtout, dans le cadre du plan « digues », de la réfection des ouvrages de protection dont le coût global reste incertain. D'après M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, le montant des ressources mobilisables sur le FNPRM affectées à leur financement pourrait être de l'ordre de 470 millions d'euros sur six ans (lettre au Premier ministre en date du 10 mai 2010). Cette évaluation - qui ne repose pas sur un recensement précis des ouvrages - ainsi que cette durée n'ont pas encore été arbitrées au niveau interministériel.

* 83 Le produit annuel de 140 millions d'euros ne laisse comme il a été vu que 75 millions d'euros de recettes disponibles. Or le flux annuel qu'il serait nécessaire de mobiliser est plutôt de l'ordre de 100 millions d'euros au moins.

* 84 Lors de son audition par la mission, M. Michel Rouzeau, inspecteur général de l'administration, a indiqué que ce montant n'a pas été précisément chiffré mais qu'il ne devra affecter significativement, en tout état de cause, ni les montants des réserves de la CCR ni le produit de ses résultats annuels. Ces derniers sont en effet fluctuants: ils ont ainsi représenté 262 millions d'euros en 2005 et 711 millions d'euros en 2008.

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