B. LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES A PERMIS DE LANCER LE CHANTIER DE LA RÉFORME

1. 2007 : une réforme reportée en raison de l'élection présidentielle

Pour répondre à l'ensemble des difficultés rencontrées, une première réforme de l'administration centrale de l'outre-mer avait été élaborée dès la fin de l'année 2006, avec en particulier un projet de décret portant réorganisation de l'administration centrale du ministère de l'outre-mer et un projet d'arrêté ministériel de mars 2007.

Ce projet de réorganisation a toutefois avorté « en raison de la proximité de l'élection présidentielle de mai 2007 » 5 ( * ) .

En effet, outre la période de campagne et d'élection présidentielle, peu propice à une réorganisation administrative de grande ampleur, le changement de Gouvernement a entraîné une modification des attributions du ministre de l'Intérieur. Ainsi, a succédé à Hervé Mariton, ministre de l'outre-mer du 26 mars 2007 au 15 mai 2007, un secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, Christian Estrosi, rattaché au ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, Michèle Alliot-Marie.

Cette nouvelle configuration ministérielle s'est accompagnée du rattachement des deux directions d'administration centrale de l'ancien ministère de l'outre-mer, la Dapaf et la Daesc, au ministère de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Or, le projet de réforme élaboré dans le courant de l'année 2006 ne prenait pas appui sur une telle organisation. Il en est résulté la nécessité de prévoir une autre réforme, dans le cadre de cette nouvelle organisation administrative .

2. Un projet de réorganisation repris dans le cadre de la RGPP

Sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, Président de la République nouvellement élu, François Fillon, Premier ministre, a lancé dès le mois de juin 2007, un vaste programme de réforme de l'Etat qui vise notamment à modifier l'organisation administrative française.

Le cadre de cette réforme est appelé Révision générale de politiques publiques (RGPP) et ses six principaux axes sont ainsi énoncés par le Gouvernement :

« - Améliorer les services pour les citoyens et les entreprises ;

- Moderniser et simplifier l'Etat dans son organisation et ses processus ;

- Adapter les missions de l'Etat aux défis du XXI e siècle ;

- Valoriser le travail et le parcours des agents ;

- Responsabiliser par la culture du résultat ;

- Rétablir l'équilibre des comptes publics et garantir le bon usage de chaque euro » 6 ( * ) .

C'est donc logiquement dans le cadre de la RGPP que la réorganisation des directions d'administration centrale chargées de l'outre-mer a été relancée .

Ses objectifs sont restés inchangés par rapport à ceux poursuivis en 2006 : mettre en place une unité de fonctionnement, renforcer la fonction juridique transversale, établir une capacité d'évaluation des politiques publiques conduites outre-mer, améliorer le pilotage de la dépense de l'Etat et affirmer le caractère interministériel de l'administration centrale.

3. Les objectifs de la RGPP étaient à la fois quantitatifs et qualitatifs

Le deuxième Comité de modernisation des politiques publiques (CMPP), chargé du suivi et de la mise en oeuvre pratique de la RGPP, a acté le 4 avril 2008 la réforme de l'administration centrale de l'outre-mer. Votre rapporteur spécial a pu s'entretenir des préconisations de la RGPP avec Anne Bolliet, inspectrice générale des finances, rapporteur national des Etats généraux de l'outre-mer et responsable, avec Ramiro Riera, inspecteur général de l'administration, de la RGPP outre-mer.

a) Faire de l'administration centrale de l'outre-mer une « administration de mission »

Afin de permettre à l'administration centrale de l'outre-mer de se recentrer sur ses fonctions essentielles de coordination de l'action gouvernementale et d'évaluation des politiques publiques, la RGPP préconisait la transformation de cette administration en « administration de mission » .

Pour parvenir à ce recentrage, le relevé des décisions du CMPP du 4 avril 2008 indique que « l'architecture de l'administration centrale de l'outre-mer sera revue. Une administration de mission prenant la forme d'une délégation interministérielle ou d'une délégation générale à l'outre-mer se substituera aux deux directions actuelles ». Cette fusion des deux directions centrales avait également pour objectif de remédier aux effets pervers identifiés par la Cour des comptes.

En pratique, le recentrage de l'administration centrale de l'outre-mer devait se traduire par un transfert aux ministères techniques de la gestion d'une partie des crédits d'intervention en outre-mer . Ainsi, le relevé des décisions du CMPP du 4 avril 2008 indique que « les activités actuelles de gestion de crédits ou de procédures des services du ministère chargé de l'outre-mer seront pour partie transférées aux ministères sectoriels qui auront vocation, en lien étroit avec la nouvelle délégation, à davantage intervenir dans le champ de l'outre-mer. La délégation conservera toutefois des crédits d'intervention, notamment pour les contrats de projet ou de développement signés avec les collectivités d'outre-mer ». Lors de son audition par votre rapporteur spécial, Anne Bolliet a ainsi pointé le fait que l'activité de la Daesc, en particulier, était excessivement consacrée à la gestion des crédits de certains dispositifs, au détriment d'une réflexion de fond sur les problèmes de l'outre-mer.

Le champ des crédits à transférer aux ministères gestionnaires n'était toutefois pas clairement défini, ni les critères devant permettre de décider de quels crédits l'administration centrale de l'outre-mer se verrait dépossédée. Le ministère chargé de l'outre-mer précise toutefois que parmi les crédits et procédures « sans spécificités fortes » figuraient les dispositifs d'exonération de charge sociale, pour un montant proche d'un milliard d'euros, et les crédits de la ligne budgétaire unique finançant le logement en outre-mer, pour 250 millions d'euros. Anne Bolliet souhaitait également que l'ensemble des crédits correspondant à l'Agence de santé de Wallis-et-Futuna soient transférés au ministère en charge de la santé.

Les seuls crédits dont la gestion semblait devoir être maintenue au sein de l'administration centrale de l'outre-mer étaient, selon Anne Bolliet, les dotations aux collectivités territoriales dont le régime était trop spécifique pour qu'elles puissent être transférées à la direction générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de l'Intérieur et la gestion des crédits des contrat de projet et des contrats de plan passés entre l'Etat et chacune des collectivités territoriales d'outre-mer.

Quels que soient les critères choisis pour mettre en place une répartition des crédits relatifs à l'outre-mer, la RGPP a insisté sur le besoin de clarification de cette répartition .

b) Réduire et réorienter les dépenses de fonctionnement de l'administration centrale de l'outre-mer

L'amélioration de l'efficacité de l'administration centrale de l'outre-mer devait s'accompagner d'une réorientation et d'une réduction de ses dépenses de fonctionnement .

En effet, parallèlement au transfert aux ministères techniques de la gestion d'une partie des crédits d'intervention, la RGPP préconisait que la délégation « comporte des effectifs progressivement moins nombreux, mais aux compétences renforcées pour coordonner, piloter et évaluer l'ensemble des politiques publiques conduites outre-mer » 7 ( * ) .

Cette réduction des effectifs et des coûts de fonctionnement de l'administration centrale devait également résulter de son rattachement à l'administration du ministère de l'Intérieur, à travers la mise en commun des fonctions « support » des deux ministères .

c) Le refus d'une structure interministérielle rattachée au Premier ministre : un choix politique ?

Enfin, dans le cadre de la mise en oeuvre de la RGPP, s'est posée la question du meilleur moyen pour renforcer le caractère interministériel de l'administration centrale de l'outre-mer.

Dans son rapport public annuel précité de 2005, la Cour des comptes estimait que « la multiplicité des intervenants et la spécificité des problèmes propres à chaque collectivité ou territoire imposent qu'il y ait dans l'Etat, dès lors que le choix politique a été d'ériger en ministère autonome un département chargé de gérer les questions relatives à l'outre-mer, une structure appropriée pour y incarner outre-mer l'interministérialité ».

Or, comme l'a relevé la mission commune d'information du Sénat sur la situation des DOM, il y a un certain paradoxe à vouloir mettre l'accent sur la fonction interministérielle d'une administration que l'on place sous l'autorité d'un ministère sectoriel . La mission avait ainsi considéré, dans son rapport précité, que « seul le rattachement direct de cette administration au Premier ministre lui permettrait d'assurer un rôle interministériel déterminant ».

La RGPP s'est donc logiquement posée la question du rattachement le plus pertinent pour l'administration centrale de l'outre-mer. Anne Bolliet a affirmé à votre rapporteur spécial avoir été favorable à un rattachement au Premier ministre, suivant le modèle du Secrétariat général des affaires européennes (SGAE). Finalement, les conclusions de la RGPP se sont contentées d'évoquer la création d'une « délégation interministérielle », sans préciser si cette délégation devrait être rattachée au Premier ministre ou au ministre de l'Intérieur.

D'après l'ensemble des auditions qu'il a réalisées, il semble à votre rapporteur spécial qu'un choix de nature politique a été fait pour que la RGPP ne préconise pas le rattachement au Premier ministre, bien que les responsables de cette RGPP aient été plutôt favorables à ce rattachement.


* 5 Réponses aux questionnaires adressés par votre rapporteur spécial.

* 6 http://www.rgpp.modernisation.gouv.fr/

* 7 Relevé des décisions du CMPP du 4 avril 2008.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page