D. UNE RÉFORME SOUHAITABLE DU SYSTÈME DE L'AJ DANS LE CADRE DE LA DEMANDE D'ASILE

1. Le problème posé par le manque d'avocats à l'AJ devant la CNDA

Le BAJ a été institué à la CNDA par l'article 14 de la loi précitée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique . Lorsque l'auteur d'un recours remplit les conditions pour bénéficier de l'aide juridictionnelle (AJ), le bureau désigne un avocat pris sur les listes établies par les bâtonniers des barreaux de la cour d'appel (CA) de Paris et de la CA de Versailles.

Ainsi, sur la base du volontariat, une centaine d'avocats susceptibles d'être désignés au titre de l'AJ sont inscrits sur ces listes. A ceux-ci s'ajoutent les avocats qui, déjà constitués dans un dossier, acceptent d'être désignés par le BAJ à la demande du requérant.

Dans son rapport précité, votre rapporteur spécial de la mission « Justice », Roland du Luart, soulignait les difficultés économiques rencontrées par les avocats accomplissant des missions à l'AJ . Il relevait notamment que « la profession d'avocat considère aujourd'hui que le montant de l'unité de valeur (UV) est notablement inférieur au « point mort » (ie seuil de rentabilité) des cabinets » 26 ( * ) .

De fait, devant la CNDA, le nombre d'avocats acceptant aujourd'hui d'intervenir au titre de l'AJ est très insuffisant . Cette désaffection s'explique, tout d'abord, par la faible rémunération de ces missions, qui se monte à 182 euros par dossier (soit 8 UV). En outre, les avocats étant peu nombreux à accepter de figurer sur les listes des barreaux des CA de Paris et de Versailles, ils sont trop souvent sollicités. Enfin, les difficultés à communiquer avec les requérants en l'absence d'interprète ne contribuent pas non plus à un fort engagement de ces professionnels du droit.

Afin de remédier à ce manque, la Cour a indiqué à vos rapporteurs spéciaux qu' elle « va s'efforcer de regrouper au moins deux dossiers par avocat » afin de limiter leurs déplacements et donc épargner leur temps. Par ailleurs, elle leur a également indiqué que « des discussions sont engagées avec le barreau de Paris pour augmenter le nombre d'avocats inscrits volontairement sur les listes ».

Par ailleurs, il faut relever que, lors des missions foraines que la Cour organise en Guyane, en Guadeloupe et à Mayotte, son BAJ rencontre également de grandes difficultés pour désigner des avocats relevant de ces barreaux .

Sur ce dernier point, vos rapporteurs spéciaux estiment que, la CNDA ayant une compétence nationale, l'inscription d'avocats sur les listes d'AJ devrait pouvoir être élargie à d'autres barreaux que ceux des CA de Paris et de Versailles . Une telle mesure permettrait de densifier utilement le « vivier » d'avocats à l'AJ pouvant intervenir.

2. L'impératif d'une rationalisation de la procédure de l'AJ : limiter à un mois le délai pour demander l'aide

Face à la situation décrite supra ( cf. partie B-3) pénalisant grandement la performance de la Cour, vos rapporteurs spéciaux estiment nécessaire de rationaliser la procédure de demande d'AJ s'appliquant aux requérants devant la CNDA.

Plus précisément, il convient d' imposer un délai au requérant pour déposer une demande d'AJ . Il apparaît raisonnable et cohérent de porter ce délai à un mois. Au cours de leurs auditions, vos rapporteurs spéciaux ont pu constater que ce délai rencontre l'adhésion tant du responsable de programme, Jean-Marc Sauvé, que de la présidente de la CNDA, Martine Denis-Linton 27 ( * ) .

Déjà, en matière de droit des étrangers, la loi n° 2007-210 du 19 février 2007 portant réforme de l'assurance de protection juridique a modifié l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prévoir que l'étranger qui conteste un arrêté de refus de séjour assorti d'un ordre de quitter le territoire français (OQTF) formule sa demande d'AJ « au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation ». Cette disposition est de niveau législatif dans la mesure où elle déroge à l'article 18 de la loi du 10 juillet 1991 aux termes duquel « l'aide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant l'instance ».

L'obligation faite au requérant de solliciter le bénéfice de l'AJ avant le jour de l'audience, et même dans les mois qui la précèdent, pourrait utilement être transposée à la matière de l'asile pour éviter les nombreux renvois qui contribuent à l'allongement des délais de traitement des recours.

Aux termes de l'article L.731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, « la CNDA statue sur les recours formés contre les décisions du directeur général de l'OFPRA, prises en application des articles L. 711-1, L. 712-1 à L. 712-3 et L. 723-1 à L. 723-3. A peine d'irrecevabilité, ces recours doivent être exercés dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de l'office ».

Cette disposition pourrait être complétée afin que le bénéfice de l'AJ puisse être lui aussi demandé, au plus tard, dans le délai d'un mois à compter de la transmission au requérant de l'accusé de réception de son recours , lequel l'informe des modalités de cette demande.

Qui plus est, l'intérêt de ce délai d'un mois pour formuler une demande d'AJ permettrait de ne pas retarder la prise de décision par voie d'ordonnance devant intervenir à bref délai.

Un tel délai serait, par ailleurs, parfaitement en phase avec l'objectif d'un jugement de la CNDA à 6 mois à l'horizon 2011 .

Enfin, ce délai est conforme à la directive 2005/85/CE du Conseil du 1 er décembre 2005 précitée, dite directive « recours », qui permet aux Etats-membres d'encadrer le droit à l'AJ gratuite en matière d'asile. L'article 15 de cette directive prévoit en effet que le droit à l'assistance judiciaire et / ou la représentation gratuite peut être limité. En particulier, il prévoit que « les Etats-membres peuvent prévoir des règles relatives aux modalités de dépôt et de traitement des demandes d'assistance judiciaire et / ou de représentation » et que « les Etats-membres peuvent : a) imposer des limites monétaires et / ou des délais à l'assistance judiciaire et / ou la représentation gratuites, à condition que ces limites ne restreignent pas arbitrairement l'accès à l'assistance juridique et / ou à la représentation ».


* 26 La rétribution des avocats qui prêtent leur concours au bénéficiaire de l'AJ est déterminée en fonction du produit de l'UV, fixée par la loi de finances, et des coefficients représentatifs du poids de chaque mission pour l'avocat (article 50 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991).

* 27 Audition du 13 avril 2010.

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