3. Un dispositif de nature essentiellement intergouvernementale

La crise a fait progresser la gouvernance économique de l'Europe. Celle-ci dispose désormais, pour trois ans, d'un dispositif concret de solidarité financière directe entre les États membres de l'Union économique et monétaire, et susceptible de préfigurer un mécanisme permanent de gestion des crises. De réels progrès ont donc été réalisés.

Pour vos rapporteurs, les décisions prises marquent assurément une orientation nouvelle, mais doivent être regardées davantage comme le résultat d'une situation d'urgence que comme la volonté mûrement réfléchie d'améliorer la gouvernance économique de l'Europe.

D'une part, l'Union européenne est encore loin de disposer d'un véritable gouvernement économique . Celui-ci, en effet, supposerait de se doter d'institutions nouvelles, par exemple un secrétariat consacré à la gestion de la seule zone euro. De même, les États conservent la maîtrise de leur souveraineté budgétaire. Quant au budget européen, il est très faible et il n'existe aucune politique fiscale commune.

Dans son discours devant le Parlement européen du 23 juin 2010, Herman Van Rompuy a précisé le cadre, et donc aussi les limites, de la réforme de la gouvernance économique et a rejeté l'idée d'institutions nouvelles : « Certaines propositions pourraient nécessiter une modification du traité, mais, comme cela suppose une procédure longue et lourde, nous donnerons la priorité aux propositions qui peuvent être mises en oeuvre plus rapidement et plus facilement. En tout état de cause, il semble qu'un consensus se fasse jour pour considérer que nous n'avons pas besoin de créer de nouvelles institutions pour notre gouvernance économique, mais que nous devons faire un meilleur usage de celles dont nous disposons déjà. Certaines décisions seront parfois nécessaires au niveau des pays de la zone euro et, lorsqu'il y a lieu, je convoquerai alors des sommets de la zone euro, comme je l'ai déjà fait à deux occasions ; c'est cependant au niveau de l'ensemble de l'Union qu'il faudra régler les principaux éléments de notre gouvernance économique ».

D'autre part, et surtout, les débats sur le renforcement de la gouvernance économique ont suscité des tensions entre les États membres , qui n'en ont pas tous la même conception.

Parmi eux, un certain nombre ont ainsi manifesté leurs réticences, voire leur hostilité aux propositions de la Commission visant à renforcer la coordination des politiques économiques nationales.

L'Allemagne, en particulier, s'en est longtemps tenue à une stricte lecture des traités pour ne pas venir en aide à la Grèce, avant de se rallier, non sans difficultés, à cette solution.

Elle a opposé de fortes résistances à la mise en place du dispositif de stabilisation financière, imposant d'exigeantes contreparties en termes d'économies budgétaires supplémentaires de la part des États membres fragilisés par la crise de l'euro, comme l'Espagne et le Portugal. Elle a également obtenu que, dans le dispositif, chaque pays ne garantisse que sa part des contributions pour les prêts qui seraient octroyés au détriment d'une garantie solidaire de tous les États membres pour l'intégralité des prêts, refusant ce qu'elle appelle une « Union de transferts budgétaires ».

Elle s'est également opposée, avec le soutien des Présidents Van Rompuy, Barroso et Juncker, à la revendication française d'institutionnaliser l'Eurogroupe au niveau des chefs d'État et de gouvernement, qui se serait réuni régulièrement et aurait été doté d'un secrétariat général. Les réunions de l'Eurogroupe à ce niveau devraient rester informelles et convoquées en tant que de besoin. La position allemande sur ces questions a finalement prévalu dans l'accord conclu à Berlin entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, le 14 juin dernier.

Vos rapporteurs insistent sur ce contexte politique dont il faut tenir compte. Les mesures prises par les chefs d'État et de gouvernement pour sortir de la crise de l'euro, qui ont dû combler le vide des traités sur ce point et qui revêtent un fort caractère intergouvernemental , ne constituent pas une avancée vers le fédéralisme auquel certains aspirent.

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