AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La loi du 1 er décembre 2008 1 ( * ) a généralisé le revenu de solidarité active et réformé les politiques de l'insertion. Vingt ans après la création du revenu minimum d'insertion et dix ans après la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, le RSA entend répondre à l'émergence d'un nouveau phénomène, la pauvreté au travail, d'une part, en garantissant un revenu minimum aux personnes privées d'emploi, d'autre part, en apportant un complément de revenus aux personnes en situation d'emploi précaire ou disposant de revenus trop faibles pour assumer leurs charges de famille.

Quelques mois après l'adoption de cette loi, la commission des finances et la commission des affaires sociales ont décidé d'engager une mission de contrôle budgétaire sur la mise en place de ce dispositif innovant, dans le but d'évaluer les difficultés de gestion rencontrées. Il était en revanche trop tôt - et il l'est encore aujourd'hui - pour réaliser des évaluations précises et pertinentes de l'impact du RSA sur la baisse de la pauvreté ou le retour à l'emploi.

Ainsi, l'objet du présent rapport n'est-il pas de rouvrir le débat sur le type de dispositif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion qui serait à la fois le plus efficace, mais aussi le plus juste et le plus respectueux de la dignité des personnes.

Plusieurs déplacements et auditions ont complété les informations et expériences auxquelles vos rapporteurs sont quotidiennement confrontés, sur le terrain, dans leurs départements.

Un constat est largement partagé : la mise en oeuvre du RSA a été difficile pour les organismes gestionnaires. Les caisses d'allocations familiales ont subi un afflux massif de demandes et les conseils généraux se trouvaient parallèlement soumis à des tensions budgétaires importantes, notamment dues à la montée en charge des allocations sociales et à la crise financière qui a eu des répercussions sur leurs recettes.

Espérons que ces difficultés appartiennent au passé. Elles doivent en tout cas amener à réfléchir collectivement sur les délais d'expérimentation lors de la mise en place d'une allocation telle que le RSA. Le temps de la décision politique et celui de la mise en place effective des procédures sont d'une ampleur différente et la France oublie trop souvent cet impératif.

Ceci étant, les observations de vos rapporteurs n'ont pas pour objet de contester l'importante avancée que constitue le RSA ; c'est un peu la nature d'un contrôle budgétaire que de mettre en avant les difficultés pour mieux les résorber.

I. UNE RÉFORME SOCIALE NÉCESSAIRE POUR REMÉDIER À UNE SITUATION ANTÉRIEURE SOUS-OPTIMALE

A. LES OBJECTIFS ASSIGNÉS AU RSA : LUTTER CONTRE LA PAUVRETÉ ET AMÉLIORER LE RETOUR À L'EMPLOI DES BÉNÉFICIAIRES DE MINIMA SOCIAUX

En 2005, la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté », dont Martin Hirsch était président, avait conclu à la nécessité de créer un mécanisme « combinant les revenus du travail et les revenus de la solidarité » 2 ( * ) . En effet, paradoxalement, pour le bénéficiaire d'un minimum social tel que le revenu minimum d'insertion (RMI), le retour à l'emploi ne se traduisait pas nécessairement par une augmentation des ressources du ménage .

Selon le rapport, il était aisé « de démontrer que, dans de nombreuses situations, le retour à l'emploi s'accompagne souvent d'une réduction des ressources de la famille, au mieux de leur stagnation ». Ainsi, les études de cas alors réalisées par la direction de la sécurité sociale pour la commission montraient qu'un « allocataire du RMI [perdait] du revenu quand il reprend un emploi à quart temps et n'en [gagnait] pas à mi-temps ».

Or ni les dispositifs d'intéressement (limités dans le temps), ni la prime pour l'emploi (PPE) ne permettaient de contrer ces effets. En effet, le RMI était couplé à des « droits connexes » dont le montant monétaire se révélait, in fine , non négligeable pour le bénéficiaire. Par exemple, les Rmistes étaient exonérés de taxe d'habitation et de redevance audiovisuelle et ils pouvaient également accéder gratuitement à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c). A ces droits connexes nationaux s'ajoutaient d'innombrables droits accordés par les collectivités territoriales (gratuité dans les transports, tarifs réduits des crèches, etc.).

Forte de ce constat, la commission avait alors proposé la création d'un revenu de solidarité active (RSA). Après une phase d'expérimentation dans trente-quatre départements en 2007-2008, cette prestation a été généralisée, depuis le 1 er juin 2009, sur tout le territoire métropolitain par la loi n° 2008-1249 du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion.

Le RSA s'articule autour de quatre objectifs :

- offrir des moyens convenables d'existence à toute personne privée de ressources ;

- faire en sorte que chaque heure travaillée se traduise, pour l'intéressé, par un accroissement du revenu disponible , c'est-à-dire que le travail « paye » et ce, dès la première heure travaillée ;

- compléter les ressources des personnes exerçant une activité pour réduire la prévalence de la pauvreté au sein de la population active occupée ;

- simplifier les mécanismes de solidarité de façon à les rendre plus lisibles .

En septembre 2010 3 ( * ) , le RSA concernait près de 1,8 million d'allocataires, dont plus de 647 000 en activité.

En 2010, le montant moyen de RSA versé s'élevait à environ 170 euros pour les bénéficiaires en activité et à près de 430 euros pour les personnes sans activité.

Au total, en 2010, le RSA devrait représenter une dépense de près de 1,3 milliard d'euros pour l'Etat et pourrait représenter un coût de plus de 8 milliards d'euros pour les départements (contre environ 7 milliards en 2009).


* 1 Loi  n° 2008-1249 du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion sur le rapport de Mme Bernadette Dupont, au nom de la commission des affaires sociales, n° 25 (2008-2009), 15 octobre 2008.

* 2 Rapport de la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté », Au possible, nous sommes tenus , remis à M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé, de la famille et de la solidarité, avril 2005.

* 3 Comité d'évaluation du RSA, rapport intermédiaire 2010, janvier 2011.

Page mise à jour le

Partager cette page