3. La création de l'autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF)

L' autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) est une autorité publique indépendante créée par la loi du 9 décembre 2009, dite ORTF. Dotée de la personnalité morale, l'ARAF a pour objet de concourir au bon fonctionnement du service public et des activités concurrentielles de transport ferroviaire . Elle veille en particulier à ce que les conditions d'accès au réseau ferroviaire par les entreprises ferroviaires n'entravent pas le développement de la concurrence. Par décret du président de la République en date du 20 juillet 2010, la présidence de l'Autorité est assurée par M. Pierre Cardo.

En vertu des articles 15 et 16 de la loi ORTF, les missions de l'ARAF sont les suivantes :

- contrôler le cabotage de voyageurs exercés par des opérateurs étrangers ;

- contrôler les avant-projets de redevances d'utilisation des infrastructures pour tous les gestionnaires, y compris les accords-cadres ;

- surtout, donner un avis conforme sur la fixation de ces redevances ;

- approuver les règles de séparation comptable des opérateurs, après avis de l'Autorité de la concurrence ;

- émettre un avis sur le document de référence du réseau , qui est pour ainsi dire le « mode d'emploi » du réseau ;

- donner un avis, si le Ministère le souhaite, sur les tarifs des transports de voyageurs ;

- donner un avis sur les projets de textes réglementaires (simple consultation) ;

- donner un avis sur la nomination et la cessation anticipée du directeur du service gestionnaire des trafics et des circulations de la SNCF ;

- donner un avis sur toute plainte à l'encontre de l'établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF).

L'article 62 de la loi Grenelle II a repoussé au 1 er décembre 2010 l'entrée en vigueur des principales missions de l'Autorité (à l'exception de l'avant-dernière, relative au service gestionnaire des trafics et des circulations, que doit donc exercer l'Autorité dès sa création). La création de l'Autorité permet de répondre ainsi aux obligations communautaires issues des « paquets ferroviaires » 33 ( * ) .

Les trois paquets ferroviaires

La directive 91/440 du 29 juillet 1991 relative au développement des chemins de fer communautaires est fondatrice car c'est elle qui a permis l'ouverture à la concurrence du réseau ferroviaire et lancé la dynamique des paquets ferroviaires. Cette directive prévoit la séparation, au moins comptable, entre le réseau et l'exploitation des services ferroviaires, et évoque, pour la première fois, « un droit d'accès au réseau ferroviaire ».

a) Le premier paquet ferroviaire de 1998/2001

Il s'agit de trois directives préparées en 1998 et adoptées en 2001 modifiant la directive centrale de 1991.

La principale, la directive 2001/12/CE prévoit l'ouverture de l'accès aux services de fret internationaux sur le réseau transeuropéen de fret ferroviaire au 15 mars 2003 au plus tard. [...]Cette ouverture des services de fret à la concurrence est complétée par un renforcement des obligations en matière de licences des entreprises ferroviaires. Une autre directive vise également la tarification des « sillons », c'est-à-dire les routes ferroviaires entre deux points à un horaire donné.

b) Le deuxième paquet ferroviaire de 2002/2004

La principale directive est la 2004/51/CE qui ouvre la concurrence au fret ferroviaire au 1 er janvier 2006, l'accès à tout le réseau étant ouvert aux services de fret international. L'ouverture à l'ensemble du fret, y compris pour le fret domestique, doit être effectuée au plus tard au 1 er janvier 2007. Cette ouverture généralisée sur le fret est complétée par une législation spécifique sur la sécurité ferroviaire.

c) Le troisième paquet ferroviaire de 2004/2007

Ce troisième paquet ferroviaire est crucial car il vise la libéralisation du trafic de voyageurs. La directive n° 2007/58/CE du 23 octobre 2007 prévoit notamment une ouverture du marché ferroviaire pour les services de transport de voyageurs à l'horizon 2010 34 ( * ) .

En effet, la création de l'ARAF rend caduque l'essentiel de l'avis motivé adressé à la France par la Commission européenne. Les critiques de la Commission à l'encontre de la France visent le premier paquet ferroviaire. La Commission européenne vient de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) 35 ( * ) , car elle reproche à la France, et à 12 autres États-membres, de ne pas assurer une nette séparation entre RFF, gestionnaire d'infrastructures, et la SNCF, et de tarder à mettre en place l'ARAF, autorité de régulation du réseau ferroviaire. Pour l'essentiel, ces critiques ne résistent pas à l'examen compte tenu de l'adoption récente de la loi dite ORTF du 9 décembre 2009, comme en témoignent les débats dans l'hémicycle du Sénat le 22 octobre 2009.

Les limites des critiques de la commission européenne relatives
à la mauvaise transposition du 1 er paquet ferroviaire par la France

« M. Jean-Paul Emorine : [...] je crois utile d'examiner en détail certains des griefs de la Commission européenne portant sur l'insuffisance des mesures prises pour mettre en oeuvre le premier paquet ferroviaire.

Concernant le premier axe de l'avis motivé de la Commission, de loin le plus substantiel, qui a trait à l'indépendance des fonctions essentielles du réseau ferroviaire, cinq griefs sont adressés à la France.

Premier grief, le service de la SNCF chargé du trafic et des circulations, également appelé SNCF Infra, ne possède pas la personnalité juridique. Tous, et notamment le président de la commission des affaires européennes, Hubert Haenel, nous attachons une grande importance à cette question. J'estime pour ma part que, même si cette branche de la SNCF ne possède effectivement pas, pour l'heure, la personnalité juridique, elle remplit toutes les autres conditions matérielles d'indépendance découlant des obligations communautaires.

Deuxième grief, la Commission regrette qu'aucun droit de se plaindre auprès de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires ne soit accordé aux parties prenantes. Or, l'article 9 du projet de loi sur la régulation ferroviaire ouvre très largement ce droit.

Troisième grief, l'ARAF devrait, selon Bruxelles, donner un avis conforme non seulement lors de la révocation, mais aussi lors de la nomination du directeur de la SNCF Infra. Là encore, cette critique me semble exagérée, car une telle disposition aboutirait à conférer à l'ARAF le pouvoir de nommer le directeur de la SNCF Infra. Le texte qui sera présenté la semaine prochaine à la commission mixte paritaire me semble équilibré, son article 1er prévoyant que le directeur de la SNCF Infra sera nommé pour une période de cinq ans, par décret du Premier ministre sur proposition du ministre chargé des transports et après avis simple de l'ARAF, ce qui assurera son indépendance par rapport au président de la SNCF.

Quatrième grief, l'avis motivé reproche le fait que le projet de loi ne fixe pas les conditions d'incompatibilités appliquées par la commission de déontologie pour autoriser ou non le départ vers des entreprises privées des agents qui ont travaillé au sein de la SNCF Infra.

Mais, à l'évidence, c'est non pas à la loi mais au pouvoir réglementaire de déterminer ces critères, en s'inspirant de l'expérience de la commission consultative mise en place au sein de la Commission de régulation de l'énergie.

Enfin, cinquième grief, Bruxelles aurait aimé que les modalités concrètes d'organisation de la SNCF Infra soient définies dans le texte du projet de loi ; mais là encore, il revient au pouvoir réglementaire et non à la loi de les fixer.

S'agissant maintenant de la tarification de l'accès à l'infrastructure ferroviaire, qui constitue le deuxième axe de l'avis motivé, je rappellerai simplement que la Commission européenne ne semble pas avoir pris connaissance du V de l'article 8 du projet de loi, qui confère à l'ARAF le pouvoir d'émettre un avis conforme sur la fixation des redevances liées à l'utilisation du réseau ferré national.

Enfin, nous souscrivons pour l'essentiel aux critiques de la Commission à l'encontre de l'actuelle Mission de contrôle des activités ferroviaires, et l'objet même du projet de loi est d'ailleurs de remplacer celle-ci par l'Autorité de régulation des activités ferroviaires.

Pour conclure, je rappellerai que, comme président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, j'ai toujours eu à coeur de mettre le droit national en conformité avec le droit communautaire

Mais, en l'espèce, je pense avoir démontré que les critiques de la Commission sont peu voire pas justifiées, dans la mesure où le Parlement a largement anticipé ces remarques lors de l'examen du projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports. » 36 ( * )

En outre, une proposition de réforme de l'organisation des chemins de fer européens a été présentée en septembre dernier par la Commission européenne, afin de refondre le premier paquet ferroviaire. Le but de cette nouvelle proposition législative est de renforcer l'accès de tous les opérateurs ferroviaires aux services dits « annexes » comme les gares de triages, les terminaux, les stations de ravitaillement en gazole. Plus précisément, l'objectif est de réaffirmer, préciser et rendre plus contraignants les principes régissant l'Europe ferroviaire, au travers de cinq thèmes principaux :

- l'harmonisation des péages d'infrastructure ;

- le renforcement des pouvoirs des régulateurs ;

- l'accroissement de la coopération européenne ;

- le relèvement des exigences d'indépendance des fonctions essentielles, de transparence et de séparation comptable ;

- l'accès aux services ferroviaires annexes y compris l'information et la distribution.

Votre groupe de travail sera attentif au contenu définitif de cette réforme.


* 33 On appelle « paquet ferroviaire » les ensembles de directives et de règlements communautaires poursuivant un ou plusieurs objectifs cohérents en vue de la libéralisation du secteur ferroviaire.

* 34 Extraits du rapport d'information de la commission des Affaires européennes du Sénat sur la libéralisation des transports ferroviaires dans l'Union européenne, rapporteur Hubert Haenel, 12 février 2009, pp. 13-14.

* 35 La CJUE, anciennement appelée Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), regroupe la Cour de justice, le Tribunal de première instance et le Tribunal de la fonction publique.

* 36 Séance du 22 octobre 2009 (compte rendu intégral des débats), pp. 8907-8908.

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