7. Les facteurs environnementaux

Comme il a été rappelé précédemment, nos gènes n'ont pas été modifiés en 40 ans. En revanche, l'obésité apparaît étroitement associée à un mode de vie occidental qui réduit fortement la dépense énergétique et encourage la prise alimentaire. C'est ainsi que le concept d'environnement « obésogène » est apparu, montrant l'influence de la société et des modes de vie dans le développement de l'obésité au niveau de la population. Sans prétendre dresser la liste exhaustive de tous les facteurs environnementaux qui contribuent à déséquilibrer notre balance énergétique, votre rapporteur présentera les facteurs bien connus tels que la modification de notre système alimentaire ou encore la sédentarisation, ainsi que des déterminants moins étudiés comme le stress, les polluants ou les médicaments.

a) L'impact de la production de masse de biens alimentaires

Le passage d'une économie de subsistance à une économie de production intensive a eu un impact considérable en matière d'amélioration de l'état de santé et d'allongement de l'espérance de vie des populations. Néanmoins, elle n'en constitue pas moins un véritable choc physiologique pour une espèce conçue pour lutter contre la pénurie alimentaire.

(1) La chute du prix des produits agricoles

Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, la modernisation des capacités de production a permis une forte augmentation des volumes de production. La croissance de la demande étant beaucoup moins soutenue, les prix réels de la production agricole n'ont cessé de baisser.

Ainsi, grâce à la mécanisation de l'agriculture, le prix de revient du kilo de blé en heures de travail en France est passé de 1 700 minutes avant la révolution française à 15 minutes en 1950 et 1 minute en 2008.

Prix de revient du kilo de blé
en heure de travail (en France)

Source : Fourastié et al.

Si le prix relatif de la nourriture a baissé, certains produits ont néanmoins vu leur prix augmenter, comme par exemple les légumes frais (+ 40 % entre 1960 et 2005).

Les produits les moins chers sont les graisses et les sucres, riches énergétiquement mais pauvres en nutriments tels que les vitamines ou les minéraux.

(2) L'incitation à la consommation

L'industrie agroalimentaire est soumise à un impératif de profit qui repose sur deux axes : une croissance constante de la quantité achetée et une diminution des coûts de production.

Plusieurs stratégies sont utilisées en marketing pour pousser les individus à une plus grande consommation.

D'abord, les marques de l'industrie agroalimentaire investissent des sommes considérables dans la publicité afin de mieux faire connaître leurs produits et d'inciter à leur consommation.

(a) Par la publicité

Aux Etats-Unis, 10 milliards de dollars sont dépensés par an par l'industrie agroalimentaire en actions de marketing en direction des enfants. Les enfants américains font l'objet de 65 messages de publicité par jour (dont la moitié environ concerne l'alimentation), sans prendre en compte les divers messages publicitaires reçus à travers Internet, l'école et les magasins.

Au Royaume-Uni, les dépenses annuelles en publicité pour les catégories nourriture, boissons non alcoolisées et fast-food s'élèvent à 743 millions de livres, dont 522 millions dépensés sur les chaînes de télévision.

Les sommes investies par les pouvoirs publics pour promouvoir une alimentation saine sont sans commune mesure avec celles dépensées par le secteur de l'agroalimentaire.

Ainsi, pour 1 dollar dépensé par l'OMS pour essayer d'améliorer l'alimentation de la population, 500 dollars sont dépensés par l'industrie agroalimentaire pour promouvoir des aliments transformés.

En France, le budget de communication de l'Institut National de Prévention et d'Education pour la Santé s'élève à 10 millions d'euros par an, contre 1,2 milliard d'euros pour l'industrie agroalimentaire.

(b) Par l'augmentation de la taille des portions

L'incitation à la consommation passe également par l'augmentation de la taille des portions.

Le schéma suivant illustre l'augmentation de la taille des portions consommées par les adultes de plus de 19 ans aux Etats-Unis, et, corrélativement, l'augmentation des calories ingérées.

Tendance de la taille des portions aux Etats-Unis,
Adultes nationalement représentatifs âgés de 19 ans et plus

Source : Pierre Chandon

Les fastfoods ont également développé une politique des maxiformats qui consiste, pour un supplément de prix très modéré, à offrir au consommateur un menu avec des quantités plus grandes.

La durabilité des produits (biscuits, yaourts, etc.) facilite également leur vente sous forme de lots plus grands.

Or, il convient de rappeler que nous sommes mal armés pour évaluer l'augmentation des tailles des portions. Comme l'a démontré Pierre Chandon dans un article publié en 2010, les calories sont faiblement surestimées pour les petites portions mais fortement sous-estimées pour les grandes portions car les calories perçues sont insuffisamment sensibles à l'augmentation des quantités, et cela indépendamment de l'IMC de l'individu.

Ce chercheur a également constaté que l'estimation du volume de l'aliment et de sa ration énergétique peut être biaisée par le format sous lequel il est présenté.

A volume égal, les quantités semblent plus ou moins importantes selon la forme du contenant. En effet, elles semblent plus importantes dans des contenants allongés (une bouteille par exemple) que dans de grands contenants aux proportions équilibrées. Aussi, pour un même aliment proposé sous divers formats, l'accroissement des quantités peut être fortement sous-estimé, notamment lorsque les emballages ou les portions augmentent dans les 3 dimensions : quel que soit son intérêt porté à la nutrition, son poids ou son niveau d'éducation (même parmi les nutritionnistes), le consommateur ne perçoit en moyenne que 50 à 75 % d'augmentation lorsqu'un volume s'accroît en réalité de 100 %. Ces sous-estimations favorisent naturellement le choix des grandes tailles de portions.

De plus, le choix entre différentes tailles de packaging ou de menus dépend des options disponibles pour le consommateur, car ce dernier éprouve spontanément une aversion aux formats de tailles extrêmes : le consommateur a donc tendance à arrêter son choix sur le format intermédiaire.

En outre, la quantité proposée au consommateur sur les lieux d'achat peut être perçue de manière plus ou moins consciente comme une indication de la quantité « normale » à consommer par repas et par personne. Par conséquent, une augmentation de la taille des contenants et/ou des portions ingérées augmente la consommation.

Enfin, les aliments présentés comme « bons pour la santé» entraînent un double biais de perception : d'une part, le nombre de leurs calories est sous-estimé. Ainsi, la mention « allégé » fait diminuer la perception des calories de 20 % et augmenter la consommation de 50 %. D'autre part, la présence de ces aliments dans un repas (par exemple une salade accompagnant un hamburger) fait baisser la perception des calories perçues du repas tout entier.

(c) Par un accès illimité à la nourriture

Aujourd'hui, l'accès à la nourriture apparaît pratiquement illimité à travers :

- la multiplication des points de vente, qu'il s'agisse des supermarchés, des restaurants, des chaines de restauration rapide, des distributeurs automatiques ou encore des stations-service dont le rayon alimentaire (essentiellement des boissons et des snacks) tend à occuper une place toujours plus large ;

- l'amplitude des horaires d'ouverture.

Cette mise à disposition permanente de nourriture a réussi à estomper les normes sociales fondées sur des prises alimentaires structurées temporellement au profit d'une consommation ininterrompue et souvent sans faim échappant aux apprentissages et aux conditionnements.

(3) Les modifications nutritionnelles

Le recours accru aux technologies de transformation des aliments bruts et l'expansion de la grande distribution alimentaire dans les circuits d'approvisionnement ont modifié profondément la composition nutritionnelle des produits que nous ingérons : la part des graisses dans notre régime alimentaire a fortement augmenté de même que les aliments à haut index glycémique tandis que nous consommons de moins en moins de fibres .

(a) L'augmentation de la part des lipides

Transition nutritionnelle
en France

Source : Fournitié et al.

Entre 1700 et aujourd'hui, les Français ont en moyenne doublé leur ration alimentaire.

En outre, la France, comme l'ensemble de ses voisins européens (ainsi que les autres pays développés) a connu au XX e siècle une transition nutritionnelle vers un régime beaucoup plus riche en lipides et beaucoup plus pauvre en glucides complexes que lors des siècles passés.

Aujourd'hui, la part respective des glucides et des graisses dans la disponibilité calorique totale est autour de 45-55 % pour les premiers et 35-40 % pour les secondes.

Selon les données de l'annuaire statistique de la France publiées par l'INSEE, la consommation de gras en provenance de plantes est passée de 5 kg par an et par habitant en 1950 à 14 kg en 1996.

Dans la même période, la consommation de viande et de produits qui en sont dérivés a doublé.

(b) L'évolution qualitative de la composition en acides gras des graisses utilisées

La consommation de lipides a évolué non seulement en quantité, mais également en quantité. Deux familles d'acides gras ont été particulièrement montrés du doigt par les scientifiques : les acides gras de la série n-6 et les acides gras trans.

(i) Les acides gras de la série n-6

Les acides gras de la série n-6 (appelés communément omégas 6) sont des puissants moteurs de l'adipogenèse in vivo . Au contraire, les acides gras de la série n-3 diminuent la prolifération des pré-adipocytes et l'adiposité dans les modèles de rongeurs. Sur une population génétiquement stable de souris, l'exposition à une alimentation rappelant celle des pays développés ou en voie de développement suffit à faire émerger une obésité transgénérationnelle, en accord avec l'augmentation de l'obésité observée chez l'homme, sans modification du patrimoine génétique, au cours des dernières décennies.

Gérard Ailhaud s'est intéressé à l'évolution qualitative des lipides et a suggéré un lien entre l'augmentation de notre consommation en omégas 6 et le développement de l'obésité.

Il a ainsi constaté, dans une étude publiée en 2006, qu'en France, si la consommation d'acides gras a été multipliée par 1,4 entre 1960 et 2000, celle en omégas 6 a été multipliée par 2,5 en raison d'une consommation plus importante d'huile végétale (en particulier d'huile au tournesol) et d'une modification de l'alimentation animale (moindre consommation d'herbe au profit d'un régime à base de tourteau de maïs supplémenté en soja).

En 2000, la consommation d'acide linoléique s'élevait à 21 grammes par jour et par personne, soit plus de 4 fois plus que les apports nutritionnels recommandés en 2010 par l'AFSSA.

Au contraire, la consommation d'omégas 3 n'atteignait que 0,9 gramme par jour et par personne, alors que les apports recommandés s'élèvent au double.

(ii) Les acides gras trans

Les acides gras trans sont des acides gras insaturés et ont deux principales origines :

- certains acides gras trans sont dits naturels. Ils sont créés dans l'estomac des ruminants (vaches, moutons) par des bactéries qui résident dans le rumen de ces animaux. Ces composés passent ensuite dans les graisses corporelles des animaux et dans leur lait. On va par conséquent les retrouver dans la viande, le lait et les produits laitiers ;

- d'autres acides gras trans sont d'origine technologique. Ils sont synthétisés via des procédés industriels comme l'hydrogénation des huiles végétales. Il est ainsi possible de faire passer des graisses de l'état liquide à l'état solide, ce qui facilite leur utilisation et leur stockage et les rend moins sensibles à l'oxydation.

Les acides gras trans d'origine technologique sont donc utilisés dans l'industrie agroalimentaire en raison de leurs propriétés physico-chimiques. Ils rendent les aliments plus fermes et plus stables, donc moins propices au rancissement. On les trouve dans de nombreux produits alimentaires transformés comme les viennoiseries, les pizzas, les quiches....
Les produits de panification industrielle, viennoiseries et biscuits sont ainsi placés en seconde position parmi les aliments contributeurs. Parmi les autres produits contribuant aux apports en acides gras trans, on peut citer les margarines de consommation courante, les barres chocolatées et certains plats cuisinés.

Néanmoins, à partir des années 90, les acides gras trans ont commencé à faire l'objet d'importantes critiques de la part des scientifiques.

En 1990, il a été montré que les acides gras trans augmentaient le taux de LDL (le mauvais cholestérol) et baissaient le taux de HDL (bon cholestérol).

Le comité de nutrition danois a publié plusieurs articles sur les risques cardiovasculaires générés par les acides trans gras et en 2003, le Danemark a voté une loi exigeant que ces derniers ne représentent pas plus de 2,8 g pour 100 g d'huile ou de gras.

En 2006, Steen Stender a publié un article montrant le lien entre l'absorption de 5 grammes d'acide gras trans par jour et l'augmentation du risque de maladies cardiovasculaires.

D'autres pays européens comme la Suisse et l'Autriche ont adopté la législation danoise. Néanmoins, la Commission européenne a refusé d'introduire une législation contraignante au niveau de l'Union Européenne. En conséquence, la présence d'acides gras trans varie en fonction des pays... et des pressions exercées sur les industriels par l'opinion publique.

Si les acides gras trans ont quasiment disparu des produits destinés aux pays membres les plus anciens de l'Union Européenne, leur taux reste élevé pour les mêmes aliments vendus en Pologne, en Hongrie ou encore en République tchèque !

(c) L'explosion des produits à forte densité énergétique

Non seulement le gras et le sucre sont les produits alimentaires dont le prix relatif a le plus baissé au cours des dernières décennies, mais ce sont également des aliments très palatables et donc spontanément appréciés par les consommateurs. L'industrie agroalimentaire a donc développé une multitude de produits peu chers et agréables au palais.

Néanmoins, ces aliments ont une densité énergétique5 ( * ) élevée. Or, il convient de rappeler que la densité énergétique n'est pas un déterminant de notre prise alimentaire. Celle-ci se base plutôt sur la masse ou le volume des ingrédients ingérés et leur palatabilité. En outre, les aliments palatables sont moins rassasiants que les aliments à faible densité énergétique. Une consommation régulière de produits à forte densité énergétique risque donc d'aboutir à une surconsommation d'énergie et à un gain de poids.

(d) Le fort développement de la consommation de fructose

Ce sujet a déjà été abordé en partie précédemment dans nos propos sur la consommation de boissons sucrées. Or, sa consommation a explosé depuis quarante ans.

Aux Etats-Unis, entre 1970 (date de mise sur le marché) et 2000, la consommation de fructose issu du sirop de maïs est passée de 292 grammes par personne à 33,4 kg.

La France reste un petit consommateur de boissons rafraichissantes sans alcool qui ne constituent que 2,4 % des apports caloriques totaux.

En outre, 2/3 des boissons sont bues pendant les repas. Néanmoins, depuis 1999, la consommation des jus de fruit, qui contiennent du fructose, est en augmentation.

(e) Le développement des produits transformés ou la perte de contrôle sur le contenu de notre alimentation

Face au développement du travail féminin et à l'accroissement des temps de transports pour se rendre à son travail, à l'augmentation du temps consacré aux loisirs, l'industrie agroalimentaire a facilité la vie des consommateurs en multipliant le nombre des produits transformés, voire prêts à l'emploi, qui permettent de réduire considérablement le temps consacré à la préparation des repas. Actuellement, les produits préparés représentent 26 % des dépenses alimentaires des Français, contre 12 % en 1960.

Néanmoins, ces produits accroissent la dépendance des consommateurs envers l'industrie agroalimentaire pour bénéficier d'une alimentation nutritionnelle de qualité.

Jusqu'à présent, l'étiquetage nutritionnel sur les produits reste facultatif et même lorsqu'il sera obligatoire, de nombreuses études ont montré que peu d'individus lisaient les étiquettes (et surtout pas les personnes à risque) et qu'encore moins de personnes en comprenaient le contenu.

Or, nombre de produits courants contiennent du gras ou du sucre à notre insu.

Ainsi, le choix entre une baguette de pain, du pain de mie et des biscottes pour le petit-déjeuner n'est pas anodin comme le montre le tableau suivant.

Aliments

Calories
(kcal)

Protéines

Glucides

Lipides

Quantité

Baguette

237

7

50

1

100 g

Pain de mie

264

8

49

4

100 g

Biscotte

403

10

75

7

100 g

Le pain de mie est plus calorique que la baguette car il contient 4 fois plus de lipides. Il en est de même pour les biscottes qui contiennent 7 fois plus de lipides que la baguette.

De même, pour un même aliment, la manière de le cuisiner va profondément modifier son profil nutritionnel comme le montre le tableau suivant.

Le simple fait de paner le poisson 6 ( * ) multiplie le nombre des calories ingérées par 2,5 et quadruple la quantité des lipides consommés.

Aliments

Calories
(kcal)

Protéines

Glucides

Lipides

Quantité

Bâtonnets de colin panés

223

12,1

15,8

12,4

100 g

Colin au four

90,5

17

0

2,5

100 g

Dans une moindre mesure, la multiplication du nombre des repas pris hors domicile (soit 23 % du budget alimentaire des ménages français) rend également le contrôle de son alimentation plus difficile .

b) L'impact de la sédentarisation

La balance énergétique dépend de deux variables : les entrées (sous forme de prise alimentaire) et les sorties (sous forme de dépense énergétique).

Les paragraphes précédents ont illustré la manière dont notre environnement nous pousse à une plus grande consommation. Si cette dernière était associée à une dépense énergétique plus importante, notre balance énergétique resterait équilibrée.

Malheureusement, l'évolution de notre mode de vie nous conduit au contraire à une sédentarisation toujours plus grande dans notre vie quotidienne.

En deux siècles, notre activité physique a été divisée par 10.

Activité physique
(Population générale)

Source : Jean-François Toussaint

Différentes études prospectives ont montré que le temps passé à des occupations sédentaires, indépendamment du niveau habituel d'activité physique, est associé au gain de poids avec le temps. Ainsi, dans une étude épidémiologique américaine portant sur des infirmières, 2 heures supplémentaires passées devant la télévision étaient associées à une augmentation de 25 % du risque de devenir obèse après 6 ans de suivi .

(1) Dans notre activité professionnelle

La réduction drastique de la part de la population agricole dans la population active (3,5 % en 2005), la mécanisation des outils de travail dans l'industrie ainsi que l'extension du secteur tertiaire ont contribué au déclin de l'activité physique de l'individu sur son lieu de travail.

(2) Dans nos loisirs

Malgré l'augmentation des temps de loisir, la tendance est à la diminution de l'activité physique compte tenu du poids croissant des occupations inactives comme la télévision, Internet ou les jeux vidéo. Or, plusieurs études ont démontré une relation étroite entre le nombre d'heures passées devant la télévision et la prévalence de l'obésité.

Selon l'étude nationale nutrition santé de 2006, le temps moyen passé devant un écran (télévision, ordinateur ou jeux vidéo) est de trois heures ou plus chez 53 % des adultes (59 % des hommes et 48 % des femmes).

Par ailleurs, 39 % des enfants de 3-17 ans (41 % des garçons et 38 % des filles) passent 3 heures ou plus devant un écran en moyenne par jour.

Aux Etats-Unis, les enfants passeraient en moyenne 7,5 h par jour à réaliser des activités sédentaires.

(3) Dans notre vie quotidienne

En réalité, la sédentarité caractérise désormais notre vie quotidienne.

Comme le rappelle l'étude collective de l'INSERM sur l'activité physique publiée en 2008 : « la réduction des occupations de l'individu ayant une incidence physique, l'usage de l'automobile, le déclin de la marche (en particulier chez les enfants, les femmes et les personnes âgées), l'aménagement de l'espace public (escaliers roulants, ascenseurs, portes automatiques), la réduction de l'activité physique et du sport dans certains établissements scolaires, la crainte des adultes pour la sécurité des enfants dans les jeux libres » contribuent à la réduction spectaculaire de l'activité physique.

c) L'impact du développement technologique

Le développement technologique a un impact majeur sur la réduction de notre dépense énergétique en encourageant notre sédentarisation. Les recherches de Marc Hamilton sur la sédentarité laissent craindre que la situation puisse encore empirer : le développement de la domotique, l'explosion de la vente par correspondance sur Internet, la multiplication des applications associées aux téléphones portables constituent autant de pistes pour une sédentarisation accrue.

Par ailleurs, à travers le développement du chauffage et de l'air conditionné, le développement technique limite également les dépenses énergétiques liées à la thermogénèse.

d) Les  « nouveaux » déterminants  de l'obésité

Depuis quelques années, des équipes de recherche s'intéressent à de « nouveaux » déterminants de l'obésité. En 2009, le National Institute of Health a même lancé un appel à projets sur les causes non traditionnelles de l'obésité.

(1) Le stress

« Dans notre monde moderne, où la mondialisation exacerbe la concurrence, la superperformance et le surmenage, toutes les conditions sont réunies pour favoriser le surpoids ». Tel est le commentaire d'Angelo Tremblay, professeur de physiologie et de nutrition à l'université de Laval, dans son dernier livre 7 ( * ) pour caractériser l'impact du stress dans le développement de l'obésité. Le stress agirait à travers deux mécanismes.

D'abord, il crée une émotion négative que l'individu essaie généralement de compenser par un aliment qui réconforte, donc palatable et à forte densité énergétique.

Ensuite, physiologiquement, un stress chronique active le système hypothalamo-hypophysaire qui a son tour augmente de façon chronique la sécrétion de cortisol par la surrénale. Or, une sécrétion chroniquement augmentée de cortisol favorise l'accumulation de graisse au niveau viscéral.

(2) Les médicaments

La consommation de certains médicaments peut se traduire par une prise de poids, qui peut s'avérer quelquefois considérable.

Ainsi, les régulateurs de l'humeur font prendre plus de 10 kg dans 20 à 50 % des cas. Il en est de même pour les antidépresseurs, les neuroleptiques et les antipsychotiques.

De même, certains protocoles de chimiothérapie ou hormonothérapie utilisés dans le cancer du sein sont responsables de la prise de poids chez la grande majorité des patientes.

Paradoxalement, certains médicaments pour lutter contre le diabète ou l'hypertension contribuent également à une augmentation du poids, alors même qu'un IMC élevé est un facteur de risque pour ces maladies.

(3) Les polluants et perturbateurs endocriniens

Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, notre environnement chimique a été profondément modifié. L'espèce humaine est exposée à un nombre croissant de substances chimiques, notamment à travers son environnement immédiat et son alimentation. Or, l'exposition à ces xénobiotiques crée des inquiétudes dans la mesure où ils interfèrent avec notre physiologie et, notamment, avec notre contrôle homéostatique.

Plusieurs études ont montré la responsabilité de certains polluants et perturbateurs endocriniens dans la dérégulation des signalisations hormonales impliquées dans l'adipogénèse, le métabolisme des lipides ou encore la balance énergétique, contribuant ainsi au développement de l'obésité 8 ( * ) .

Les polluants organopersistants (POPs), comme les dioxines ou « dioxines like » sont un lieu privilégié de stockage dans la graisse.

Des perturbateurs endocriniens aux obésogènes environnementaux

La rapide évolution de son mode de vie favorise l'exposition de l'homme à un nombre croissant de substances chimiques, notamment à travers son environnement immédiat et son alimentation. Or, l'exposition à ces xénobiotiques soulève de nombreuses questions de santé publique, car ces molécules peuvent interférer avec les processus physiologiques normaux, et par exemple, agir en perturbateurs endocriniens influant sur la synthèse, la sécrétion, le transport, le métabolisme des hormones ou sur les voies de signalisation qu'elles ciblent.

Ainsi, de nombreuses études épidémiologiques, cliniques et expérimentales ont initialement montré la responsabilité de contaminants environnementaux dans la dérégulation des fonctions de reproduction chez l'animal, dont l'homme.

Cependant, les conséquences néfastes (fertilité, maturation sexuelle, certains cancers) de l'exposition aux perturbateurs endocriniens ne concernent pas uniquement les fonctions de reproduction. Ces molécules ont encore été incriminées lors de constats d'altérations d'autres fonctions telles que le développement, la croissance, le comportement et plus récemment le métabolisme énergétique.

Dès lors, certains scientifiques se sont interrogés sur l'éventuelle contribution de perturbateurs endocriniens à la propagation de l'épidémie mondiale d'obésité. C'est dans ce contexte qu'est apparu le terme d'environnement « obésogène » : concrètement, les contaminants de la chaine alimentaire tels que les perturbateurs endocriniens sont susceptibles d'exercer des effets synergiques à ceux de la surconsommation calorique et d'aboutir au développement d'obésités plus nombreuses et plus sévères.

Il est maintenant établi que certaines de ces molécules exercent des effets endocriniens et métaboliques en lien, non seulement avec l'obésité, mais aussi avec les autres caractéristiques du syndrome métabolique : diabète de type 2, hypertension artérielle et hyperlipidémie. Parmi les molécules suspectes de ces effets obésogènes figurent les organotines, le bisphénol A, les phatalates, certains composés bromés et perfluorés.

L'exposition de l'homme, notamment par les aliments potentiellement vecteurs de ces contaminants, induit un risque émergent à considérer. En conséquence, il est nécessaire d'étudier les effets à faibles doses, éventuellement des mélanges, à long terme voire sur plusieurs générations des contaminants environnementaux et alimentaires. L'évaluation de leur rôle dans le développement des maladies métaboliques représente un enjeu important dans la compréhension et la prévention de ces pathologies.

Source : Dr Hervé Guillou & Dr Pascal Martin, ToxAlim, Equipe « Toxicologie Intégrative et Métabolisme »,INRA Toulouse

e) L'obésité : une adaptation physiologique ?

Au terme de l'étude des déterminants de l'obésité, on peut se demander si celle-ci est un phénomène pathologique ou une adaptation physiologique aux évolutions de notre mode de vie. La constitution d'un excès de masse grasse serait la réponse physiologique à la sédentarisation massive et à une disponibilité alimentaire quasi-illimitée. En effet, l'augmentation de la masse grasse accroît l'oxydation des lipides et la dépense énergétique du fait de l'augmentation concomitante de la masse maigre.

Comme résume le professeur Arnaud Basdevant : « l'augmentation de la masse grasse serait le prix à payer pour rétablir l'équilibre énergétique face à la pression de l'environnement et aux évolutions des modes de vie. »


* 5 La densité énergétique indique la quantité d'énergie apportée par une quantité donnée d'aliment. Elle est exprimée en kcal pour 100 g d'aliment.

* 6 Il s'agit d'une panure industrielle, souvent plus épaisse et calorique que la panure « maison ».

* 7 Prenez le contrôle de votre appétit... et de votre poids.

* 8 L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a été saisi d'une étude sur les effets sur la santé des perturbateurs endocriniens dans laquelle les liens entre ces derniers et l'obésité seront examinés de manière approfondie.

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