2. La règle d'emploi des services non marchands
Les services non marchands ne peuvent faire l'objet de consommations intermédiaires .
Cette convention, anodine en apparence, peut être vue comme de nature à gonfler artificiellement la valeur ajoutée des secteurs qui utilisent dans les faits des services non marchands et à biaiser les comparaisons internationales.
Cette règle conduit en particulier à exclure des consommations intermédiaires la consommation des services collectifs produits par les administrations publiques.
Traditionnellement, les productions des administrations publiques ne faisaient pas l'objet d'une consommation.
Mais, depuis le système européen de comptabilité de 1995 (SEC 95), la comptabilité nationale calcule pour les seuls ménages deux agrégats de consommation : la dépense de consommation et la consommation effective.
La dépense de consommation se limite aux dépenses que les ménages supportent directement.
La consommation des ménages recouvre un ensemble plus vaste qui comprend, en plus de la dépense de consommation, une partie de la part socialisée de leur consommation.
La Comptabilité nationale retient à ce titre les consommations dites individualisables , au sens où le bénéficiaire peut en être précisément défini. C'est le cas en particulier pour la santé et l' éducation . En revanche, d'autres dépenses (les dépenses pour l'administration générale, la défense nationale, la sécurité,...) ne sont pas incluses dans la consommation effective des ménages.
En contrepartie de cet élargissement de la notion de consommation des ménages, on calcule, au titre de leurs ressources, un revenu disponible ajusté . Celui-ci correspond à la somme du revenu disponible brut des ménages et des transferts sociaux en nature qui sont la contrepartie de leurs consommations publiques individualisables.
On observe que la solution adaptée pour les ménages consiste à ajouter leur consommation de productions publiques à leur seule consommation finale, à l'exclusion d'un classement, au moins partiel, en consommations intermédiaires.
Or, il est possible d'envisager que certaines consommations de biens collectifs correspondent à des consommations intermédiaires dès lors que les ménages se voient reconnus par la comptabilité nationale une activité de production de valeur ajoutée.
Mais, l'essentiel est d'avoir choisi de limiter l'innovation comptable ici exposée aux seuls ménages , à l'exclusion des entreprises. Ainsi, les productions collectives ne sont censées « profiter » qu'aux ménages, convention qui n'est pas arbitraire mais qui simplifie sans doute un peu excessivement la réalité économique.
S'il est bien vrai qu'une entreprise ne se soigne pas ou ne fréquente pas l'école, il est plus douteux qu'elle ne tire aucun bénéfice des soins ou de la formation de ses employés et que chaque entreprise soit égale à tout autre, sous cet angle.
Surtout, il peut apparaître contestable de faire figurer au titre des consommations intermédiaires certains frais liés au recours aux moyens de la puissance publique (les frais de police, par exemple) et de ne compter pour rien la consommation de ces mêmes prestations quand elle est acquise gratuitement.
Autrement dit, selon l'organisation de la production d'un service donné, son utilisation est ou non comptée comme consommation intermédiaire avec des conséquences inévitables sur la valeur ajoutée.
La portée pratique de ce biais institutionnel est peut-être modeste en ce sens notamment que la plupart des services non marchands sont destinés à satisfaire les besoins des ménages 365 ( * ) . Toutefois, une incertitude subsiste et des tests de comparaison homogènes entre pays pourraient clarifier les choses.
* 365 D'autres facteurs peuvent jouer dans le même sens : par exemple, si l'usage des services publics devait être imputé aux entreprises il serait vraisemblablement assez largement considéré comme un investissement de leur part sans effet sur leur valeur ajoutée.