C. VALEUR AJOUTÉE BRUTE, VALEUR AJOUTÉE NETTE ?
Les indicateurs de partage de la valeur ajoutée portent presque toujours sur une valeur ajoutée brute (tout comme le PIB est le produit intérieur brut ).
Une autre référence théoriquement plus satisfaisante serait possible. Elle consisterait à bâtir des valeurs ajoutées nettes de la consommation de capital fixe utilisé dans le processus de production.
On sait que la valeur ajoutée est le solde de la production et des consommations intermédiaires, celles-ci représentant les biens et services consommés au cours de la période sous revue dans le processus courant de production. La frontière des consommations intermédiaires et de l'investissement s'est déplacée dans l'histoire de la comptabilité nationale (v. ci-dessous). Mais, c'est un autre problème qui est ici exposé, celui qui vient de ce que la valeur ajoutée brute néglige l'usure des investissements mis en oeuvre dans la production.
Qu'il s'agisse des machines, de bâtiments, de droits immatériels..., la plupart des actifs capitalistiques qui sont employés dans le processus de production subissent une obsolescence au terme de laquelle leur valeur nette diffère plus ou moins de leur valeur brute en fonction de la durée de leur usage.
Celle-ci détermine une consommation de capital fixe, et des besoins de renouvellement, dont on tient compte quand on calcule non plus une valeur ajoutée brute mais une valeur ajoutée nette.
Cette dernière notion identifie mieux que la valeur ajoutée brute les ressources réellement disponibles pour rémunérer les facteurs de production engagés dans l'économie.
Autrement dit, une partie de la valeur ajoutée brute devait être considérée comme étant « préemptée » par les nécessités de maintenir le capital utilisé dans la production et, ainsi, non réellement disponible au sens économique du terme.
En proportion de la valeur ajoutée brute, cette partie varie selon le coefficient de capital employé dans la production et suivant l'état de son usure. Ces éléments (notamment l'usure) sont difficiles à identifier avec précision. Mais, ce qu'il faut d'emblée souligner ici c'est qu'il n'y a aucune raison pour que les consommations de capital fixe soient homogènes dans le temps ou dans les différents espaces économiques.
Cette observation conduit à mettre en évidence un problème d'interprétation et de comparabilité, dans le temps ou entre pays, des indicateurs de partage de la valeur ajoutée fondés sur la valeur ajoutée brute.
Pour le comprendre, il suffit d'imaginer deux pays dans lesquels la valeur ajoutée brute et sa répartition entre salaires et profits sont les mêmes mais où les consommations de capital fixe sont, dans un pays nulles, alors que, dans l'autre, elles représentent la moitié de la valeur ajoutée brute avec pour conséquence que la valeur ajoutée nette y est deux fois moins importante que dans la première économie.
Tandis que les indicateurs de partage de la valeur ajoutée font ressortir la similarité des deux économies du point de vue, tant de leur situation productive que de la répartition des revenus, quand on en reste à la valeur ajoutée brute, la considération de la valeur ajoutée nette conduit aux diagnostics de différences majeures.
S'agissant de la question qui est traitée dans le présent document - la répartition de la valeur ajoutée -, il ressort de l'attention portée à la valeur ajoutée nette qu'une partie importante des profits devra être consacrée au maintien de l'appareil de production dans la seconde économie alors qu'elle sera presque totalement disponible dans la première.