B. AU NIVEAU LOCAL : UN DIALOGUE D'UNE QUALITÉ INÉGALE

Le dialogue entre l'État et les collectivités territoriales apparaît beaucoup moins structuré au niveau local que national. En effet, seule la conférence des exécutifs constitue un lieu d'échanges entre les différentes catégories de collectivités au sein de chaque région. Cependant, cette instance n'organise qu'un dialogue « inter-collectivités » dans la mesure où ni le préfet de région, ni les préfets de département, n'en sont membres à part entière. Néanmoins, cette instance a retenu l'attention de vos rapporteurs car elle peut représenter les prémices d'un nouvel instrument du dialogue entre l'État et les collectivités au niveau local.

Enfin, rappelons que les échanges réguliers entre le représentant de l'État dans le département et les élus locaux constituent une autre forme de dialogue, dont la qualité et l'efficacité varient selon la personnalité des acteurs et les problématiques inhérentes à chaque territoire.

1. Des instances locales de dialogue aux bilans divers
a) L'existence ancienne d'instances locales de concertation

Dès les débuts de la décentralisation, à mesure que les collectivités ont été dotées de nouvelles prérogatives, une meilleure coordination des politiques menées par chaque échelon territorial est apparue nécessaire. Ainsi, le législateur a créé ponctuellement de tels dispositifs, comme les conférences d'harmonisation des investissements ou la conférence de coordination des collectivités territoriales de Corse. L'objectif de ces différentes instances est de favoriser l'échange, sur les problématiques locales, des différents acteurs, à savoir les différents échelons de collectivités (régions, départements, communes et leurs groupements) et le préfet.

Il en fut ainsi de la conférence départementale d'harmonisation des investissements , créée en 1982 24 ( * ) , qui se réunissait au moins deux fois par an, sur un ordre du jour déterminé conjointement par le président du conseil général et par le préfet du département. Son objectif était l'échange d'informations sur les programmes d'investissement de l'État et du département. Outre le président du conseil général et le préfet, la conférence était également composée de représentants des maires. Elle a été supprimée en 2004 25 ( * ) . La conférence régionale d'harmonisation des investissements , créée en 1972 26 ( * ) , s'organise sur un modèle similaire à la conférence départementale. Elle est composée du président du conseil régional, du préfet de région, des présidents de conseils généraux, des préfets de département. L'ordre du jour des réunions est fixé conjointement par les membres de la conférence.

La conférence de coordination des collectivités territoriales de Corse illustre la volonté de dialogue de l'État et des élus locaux au sein d'un territoire aux particularités socio-économiques. Créée en 2002 27 ( * ) , elle est composée des présidents du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Corse (qui la préside), de l'Assemblée de Corse, des deux conseils généraux ainsi que, en tant que de besoin, des présidents d'établissements publics de coopération intercommunale et des maires. Des personnalités qualifiées peuvent également y être entendues. Selon les dispositions du CGCT, elle est censée se réunir au moins une fois par an, sur un ordre du jour déterminé par le président du conseil exécutif de Corse. L'objectif d'une telle conférence porte en priorité sur la coordination de l'exercice des compétences des collectivités territoriales notamment en matière d'investissements.

Mais force est de constater que cette conférence n'a pas permis le dialogue escompté lors de sa création en 2002 : en effet, cette institution ne s'est réunie qu'à deux reprises depuis 2004, les 30 juillet 2004 et 12 décembre 2005 et est tombée depuis en désuétude, ce que regrettent les élus corses 28 ( * ) .

b) Le bilan de la conférence des exécutifs

La forme la plus aboutie de ces dispositifs locaux de coordination est la conférence des exécutifs . Créée en 2004 29 ( * ) sur une base régionale 30 ( * ) , son fonctionnement s'inspire des instances informelles mises en place par certaines collectivités territoriales pour mieux coordonner leurs actions respectives 31 ( * ) .

Instance de concertation entre la région et les départements la composant, la conférence des exécutifs a pour mission d'étudier et débattre de tous sujets concernant l'exercice de compétences pour lesquelles une concertation est prévue par la loi et de tous domaines nécessitant une harmonisation entre les deux niveaux de collectivités .

La loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales a élargi la composition de la conférence des exécutifs. Outre le président du conseil régional, les présidents des conseils généraux, les présidents des communautés urbaines, les présidents des communautés d'agglomération, cette instance est désormais constituée des présidents des conseils de métropoles et d'un représentant par département des communautés de communes situées sur le territoire régional. Elle se réunit à l'initiative du président du conseil régional au moins une fois par an.

Aucune étude officielle n'a été réalisée sur le bilan d'activité des conférences régionales des exécutifs. Cependant, dans le rapport d'information « Faire confiance à l'intelligence territoriale 32 ( * ) », nos collègues observent que leur succès est très inégal : certains territoires en tirent un profit évident, tandis que d'autres n'en percevraient pas l'intérêt. Pour ces derniers, le dispositif s'est avéré inefficace, faute d'avoir été mis en oeuvre ou en raison d'oppositions internes rendant impossible toute négociation.

Cependant, lorsque les collectivités jouent le jeu de la concertation, les conférences des exécutifs peuvent constituer un espace de dialogue et de projection vers l'avenir, permettant à chaque échelon territorial de prendre conscience de la nécessaire coordination de son action avec celle de ses partenaires et d'envisager certaines de ses problématiques locales dans un cadre plus large, pour le bénéfice de tous.

En revanche, la présence des préfets de région et de départements à ces conférences est autorisée 33 ( * ) mais n'est pas systématique. Non prévue par les dispositions du CGCT qui en décrivent le fonctionnement, leur présence est conditionnée à la teneur de l'ordre du jour ainsi qu'à la qualité des relations personnelles entre les élus locaux et les représentants de l'État. Par conséquent, l'absence des représentants étatiques au sein de ces instances peut apparaître comme un frein au dialogue avec les élus locaux dans certains territoires.


* 24 Article 29 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, dite loi Defferre.

* 25 Article 33 de l'ordonnance n° 2004-637 du 1 er juillet 2004 relative à la simplification de la composition et du fonctionnement des commissions administratives et à la réduction de leur nombre.

* 26 Article 16-4 de la loi n° 72-619 du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions.

* 27 Article 54 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse.

* 28 Audition de M. Paul Giacobbi, président du conseil exécutif de Corse, devant le comité Balladur pour la réforme des collectivités territoriales, le 14 janvier 2009.

* 29 Article 202 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

* 30 C'est pourquoi elle est également appelée la conférence des exécutifs locaux régionaux.

* 31 Depuis la loi n°2010-1563 du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales, l'article L. 1111-9 du CGCT constitue le fondement juridique des conférences des exécutifs régionales (avant il s'agissait de l'article L.1111-4 du CGCT). Ce nouvel article a élargi la composition des conférences des exécutifs en y ajoutant les présidents des conseils de métropoles et un représentant par département des communautés de communes situées sur le territoire.

* 32 Rapport n° 471(2008-2009), fait au nom de la mission temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales par Claude Belot, président, Yves Krattinger et Jacqueline Gourault, rapporteurs.

* 33 Question écrite n° 54862, posée par le député M. Jean-Jacques Urvoas, réponse publiée au JO de l'Assemblée nationale du 23 février 2010.

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