2. Des investissements à réaliser

Lors de leur visite des installations portuaires de Saint-Pierre, vos rapporteurs ont observé que les installations du quai en eau profonde n'étaient pas à la hauteur d'une véritable ambition de développement touristique. Ce quai est en effet peu aménagé, et les passagers des bateaux qui y accostent ont pour première vision un ancien entrepôt frigorifique utilisé à l'époque de la grande pêche et aujourd'hui à l'abandon.

Certes, les passagers ne débarquent pas sur ce quai, mais sont conduits en vedette jusqu'au porte de plaisance de Saint-Pierre. Néanmoins, il paraît évident que la première impression donnée par la vue de cette friche industrielle ne peut être très favorable. Ceci est d'autant plus regrettable que si l'on porte le regard de l'autre côté de la baie, on découvre une vue magnifique sur l'île aux Marins et les maisons de bois aux couleurs vives qui ajoutent à son charme.

Vos rapporteurs considèrent par conséquent que l'aménagement du port en eau profonde constitue un élément indispensable au développement de l'activité touristique à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Comme cela a déjà été envisagé selon M. François Rivollet, président du comité régional du tourisme, l'ancien entrepôt frigorifique pourrait devenir un centre d'accueil touristique, symbole de l'héritage et de la mutation de l'archipel.

Une dizaine de paquebots de croisière accostent à Saint-Pierre-et-Miquelon chaque année et certaines compagnies de croisière souhaiteraient inscrire l'archipel dans la liste de leurs destinations. Ces navires représentent une source d'activité pour les commerces et permettent à la collectivité de percevoir 5 à 10 000 euros de droits de quai.

Le port de Miquelon doit également être réaménagé, comme vos rapporteurs l'avaient déjà indiqué en 2005. En effet, ce port n'est pas équipé de façon à résister aux intempéries et ne connaît, depuis plusieurs années, que des rapiéçages. Or, Miquelon est également doté d'un pôle halieutique et devrait voir se développer, au cours des prochaines années, des activités aquacoles. Ce développement ne doit pas être obéré par des infrastructures inadaptées.

3. Préserver et mettre en valeur le patrimoine naturel de l'archipel

Vos rapporteurs saluent les initiatives prises par l'État afin de protéger l'environnement à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ainsi, le préfet a pris un arrêté définissant, sur le territoire de la commune de Saint-Pierre, une zone de protection du biotope de la Vallée du Milieu, qui abrite la reproduction ou la présence régulière d'espèces d'oiseaux protégées, telles que la sterne pierregarin, le martin-pêcheur d'Amérique ou la sittelle à poitrine rousse.

Au cours d'une réunion avec les services de l'État, des élus et des représentants des associations de protection de l'environnement, d'autres projets ont été évoqués, qui permettraient à l'archipel de mieux protéger et valoriser un environnement longtemps négligé.

Le premier de ces projets porte sur la création d'une réserve naturelle nationale.

Une mission conduite par le Muséum National d'Histoire Naturelle et par le Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) s'est rendue en juin 2008 sur l'archipel pour faire le point des dossiers relatifs à la biodiversité.

Elle a notamment examiné le projet de mise en place d'une réserve naturelle nationale sur le site de l'îlot du Grand Colombier et du Rocher de Petit Colombier, engagé depuis plusieurs années, qui s'appuie sur la présence de nombreuses et exceptionnelles colonies d'oiseaux marins remarquables.

Préalablement à cette mission, un dossier de prise en considération du projet avait été constitué et avait reçu un avis favorable de la commission des aires protégées du CNPN. La mission avait pour objet d'apporter un cadrage méthodologique pour la création de la réserve, en appui à l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, chargés du dossier à l'échelon local.

Le projet de création d'une réserve naturelle a suscité de nombreuses inquiétudes au sein de la population, en raison des restrictions que cette réserve entraînerait dans les usages traditionnels des sites visés, en particulier en matière de chasse. Le conseil scientifique territorial du patrimoine nord de Saint Pierre et Miquelon, en concertation avec la mission du CNPN, avait donc décidé de l'orienter vers une valorisation pédagogique et éco touristique, en vue de favoriser une prise de conscience par les habitants de la valeur de ce patrimoine naturel.

L'enquête publique préalable à la signature et publication du décret de création a été réalisée fin 2010.

Le commissaire-enquêteur a rendu le 12 janvier 2011 son rapport et ses conclusions concernant l'enquête publique relative au projet de création de la réserve naturelle nationale des « Grand et Petit Colombier ». Ce rapport conclut à un avis défavorable au projet de création d'une réserve naturelle nationale tel qu'il avait été présenté. Il fait ressortir que la conduite du dossier n'a pas « bénéficié localement de la mise en place d'une véritable équipe projet » et considère qu'une démarche « réellement concertée et plus progressive, associant et impliquant les principaux opposants identifiés (Fédération des chasseurs, conseil territorial...) et ayant pour objectif premier la valorisation du site, aurait évité probablement l'opposition frontale » 24 ( * ) .

Le commissaire-enquêteur relève que « les lacunes et imprécisions » relevées dans le dossier soumis à l'avis du public « auraient pu être évitées si l'appui technique et méthodologique d'un DIREN 25 ( * ) , tel que prévu dans le courrier du ministère de l'écologie en date du 21 mai 2008, avait été mis en place ».

Le Grand Colombier (photo : préfecture de Saint-Pierre-et-Miquelon)

Les représentants de l'association SPM Frag'îles ont également souligné que l'archipel ne disposait pas d'un véritable service chargé des questions d'environnement, cette mission étant assurée par la direction de l'agriculture et de la forêt. Cette direction a cependant expliqué que les actions conduites en matière d'environnement étaient pour elle prioritaires et recevaient davantage de crédits d'intervention de l'État (1,031 million d'euros en 2010) que l'agriculture (0,5 million d'euros en 2010).

L'État, la commune de Miquelon-Langlade et quelques associations souhaitent agir pour la protection de l'environnement dans cette île. Cependant, Langlade est avant tout le lieu de villégiature des Saint-Pierrais, qui ne souhaiteraient pas que les démarches entreprises pour la défense de l'environnement puissent un jour aboutir à une restriction des possibilités d'urbanisation ou de chasse.

Vue aérienne du Grand Barachois et du Goulet (Photo J.L. Quédinet)

L'association SPM Frag'îles promeut en outre l'idée d'un observatoire marin, en raison du passage de nombreux mammifères marins, dont des baleines à bosse, et de tortues marines, près des côtes de l'archipel.

M. Roger Etcheberry, défenseur passionné et grand connaisseur des milieux naturels de Saint-Pierre-et-Miquelon, a par ailleurs évoqué la nécessité de protéger la lagune du Grand Barachois, à Miquelon-Langlade, qui abrite plusieurs espèces d'oiseaux protégées, dont le pluvier siffleur.

Plusieurs personnes entendues par vos rapporteurs ont considéré que l'État n'assumait pas pleinement ses prérogatives en matière d'environnement à Saint-Pierre-et-Miquelon.

La question de la biodiversité et de la préservation de l'environnement de l'archipel apparaît d'autant plus importante que Saint-Pierre-et-Miquelon souffre des conséquences du pillage d'une ressource halieutique autrefois abondante.

L'archipel dispose de la seule forêt boréale située en territoire français. Mais près de 40 % de la surface de cette forêt ont été détruits au cours des cinquante dernières années, les cerfs introduits sur l'île de Miquelon-Langlade en ayant progressivement empêché le renouvellement.

Les réticences exprimées par une partie de la population quant à la création d'une réserve naturelle des Petit et Grand Colombier peuvent également s'expliquer par la crainte que cette première création ne conduise à l'engagement d'autres projets de préservation, qui auraient des conséquences plus importantes sur la vie des résidents. Le fait que l'État soit le principal intervenant dans un tel projet peut par ailleurs avoir rendu plus difficile l'appropriation du projet par la population locale.

Vos rapporteurs considèrent que les autorités de Saint-Pierre-et-Miquelon et l'État doivent jouer un rôle moteur dans la préservation de l'environnement. Il leur appartient tout d'abord d'expliquer à la population que l'avenir de l'archipel dépend fortement de cette préservation, car le développement du tourisme, l'image de l'archipel et de ses productions sont étroitement liés à la valorisation d'un environnement de qualité.

Au-delà de l'objectif de protection de la biodiversité sur un territoire réduit, il paraît indispensable de montrer aux habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon qu'ils ont tout intérêt à la préservation de l'environnement.

Si l'État doit continuer à jouer un rôle d'entraînement en la matière, il paraît indispensable que la collectivité d'outre-mer mesure le lien étroit entre cette préservation et l'ensemble des perspectives de diversification de l'économie de l'archipel, qu'il s'agisse de l'aquaculture, du tourisme, ou de l'agriculture.

La modification du schéma institutionnel, en faisant du conseil territorial l'émanation des deux communes, pourrait, là encore, favoriser l'émergence d'un objectif commun de préservation de l'environnement.

*

* *

Saint-Pierre-et-Miquelon doit sortir de l'état d'indolence dans lequel l'ont placé des années d'un soutien certes confortable de l'État, mais dépourvu de vision à long terme de l'avenir de l'archipel.

Les atouts de l'archipel sont nombreux. S'il semble illusoire de penser que Saint-Pierre-et-Miquelon retrouvera dans un futur proche une activité lui assurant à elle seule la prospérité économique, le territoire dispose de ressources qui devraient lui permettre de développer plusieurs filières économiques complémentaires, telles que le tourisme, l'agriculture, l'aquaculture et les services logistiques.

La situation de l'archipel justifie un soutien conséquent de l'Etat. Mais il manque souvent à l'action de l'État une vision prospective, qui seule pourrait redonner une dynamique à l'archipel. A cet égard, il est symptomatique que Saint-Pierre-et-Miquelon ait connu quatre préfets successifs entre 2004 et 2010.

Selon un paradoxe apparent, l'organisation institutionnelle de l'archipel favorise la concentration des pouvoirs et la dispersion des énergies, car si le conseil territorial concentre les ressources fiscales et les moyens financiers, la distinction entre les communes et la collectivité empêche la mise en oeuvre efficace de projets de développement concertés. La coopération régionale aboutit à des résultats, mais ne peut être qu'un complément à la réalisation des projets structurants et endogènes.

Après un deuxième déplacement à Saint-Pierre-et-Miquelon, vos rapporteurs estiment que la question du schéma institutionnel doit être posée. Les institutions ne peuvent tout régler. Le choix des hommes reste déterminant. Cependant, il apparaît clairement que le schéma actuel n'est pas propice à une réflexion et à une action communes pour construire l'avenir de l'archipel. Il favorise au contraire, sur un petit territoire, des concurrences inutiles et une dispersion des énergies aux effets délétères. Face à cette division, qui affaiblit les acteurs politiques, l'État paraît trop concentré sur la prévention des tensions et la gestion à court terme.

Aussi vos rapporteurs considèrent-ils qu'un débat sur l'organisation statutaire pourrait aider Saint-Pierre-et-Miquelon à mieux penser et mieux prendre en mains son avenir. Si les institutions ne règlent pas tout, elles peuvent empêcher d'agir. Celles de Saint-Pierre-et-Miquelon pourraient être repensées afin de donner à l'archipel la transparence, la cohésion et la volonté dont il a besoin.

Vos rapporteurs forment le voeu que le présent rapport contribue à ce débat et que Saint-Pierre-et-Miquelon puisse écrire sereinement de nouvelles pages de son histoire.


* 24 Ce rapport peut être consulté sur le site Internet de la préfecture de Saint-Pierre-et-Miquelon : http://www.saint-pierre-et-miquelon.pref.gouv.fr/sections/enquete_publique/downloadFile/attachedFile/Rapport_commissaire_enqueteur.pdf?nocache=1296153109.7

* 25 DIREN : directeur régional de l'environnement.

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