INTRODUCTION

Mesdames,

Messieurs,

Créée en avril 2009, la Délégation sénatoriale à la prospective est chargée de réfléchir aux transformations de la société et de l'économie, en vue d'informer le Sénat. Composée de 35 membres reflétant l'équilibre politique de la Haute Assemblée, elle marque l'attachement du Sénat à sa fonction de chambre de réflexion sur l'avenir, à l'image d'autres Parlements de pays démocratiques, tels que la Finlande.

La Délégation a confié à votre rapporteur une étude portant sur la « prospective des années collège dans les territoires urbains sensibles » , dont l'étude de faisabilité a été adoptée le 23 juin 2010.

Pourquoi une étude de prospective sur un sujet qui a déjà fait l'objet de nombreux travaux ?

L'exercice de prospective sur les « années collège » n'est pas un rapport de plus sur le thème du système éducatif , qui a fait l'objet de nombreuses publications au cours des derniers mois. Il prend en compte le diagnostic, déjà largement étayé, de l'incapacité du système éducatif à promouvoir l'égalité des chances, et tente d'aller plus loin dans trois directions :

- en s'appuyant sur une large participation des acteurs pour identifier des tendances et formuler des propositions ;

- en privilégiant une approche transversale, non segmentée par politiques publiques, c'est-à-dire en se plaçant du point de vue du vécu des jeunes ;

- en se projetant vers l'avenir, dans le cadre d'une méthode de prospective développée en association avec l'organisme Futuribles.

VILLE ET ÉDUCATION : QUELQUES PUBLICATIONS RÉCENTES

- Dossier de presse (Comité interministériel des villes (CIV), 18 février 2011)

- « Le collège » (Haut Conseil de l'éducation, octobre 2010)

- « L'évaluation des aides aux quartiers défavorisés », François Goulard et François Pupponi, députés (Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, octobre 2010)

- « Relever les défis de l'intégration à l'école » (Haut conseil à l'intégration, octobre 2010)

- « L'éducation nationale face à l'objectif de la réussite de tous les élèves » (Cour des comptes, mai 2010)

- « Un socle pour consolider le collège unique », Jacques Grosperrin, député (Commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, avril 2010) »

- « Quels effets attendre d'une politique d'implication des parents d'élèves dans les collèges ? Les enseignements d'une expérimentation contrôlée », Francesco Avvisati, Marc Gurgand, Nina Guyon, Eric Maurin, pour le Haut Commissaire à la Jeunesse (École d'économie de Paris, janvier 2010)

- « Éducation nationale et quartiers de la politique de la ville : assurer l'égalité républicaine », Philippe Dallier et Gérard Longuet (Commission des finances du Sénat, novembre 2009)

- « La prospective et les territoires de la politique de la ville », pour la Mission Prospective et Stratégie du SGCIV (Futuribles, novembre 2009)

- Livre vert (Commission sur la politique de la jeunesse présidée par Martin Hirsch, juillet 2009)

- « France, ton « atout jeunes » : un avenir à tout jeune », Christian Demuynck, sénateur (Mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes, Sénat, mai 2009)

I. UNE LARGE PARTICIPATION DES ACTEURS

En premier lieu, l'étude s'appuie sur de nombreuses rencontres, dans l'esprit d'une démarche de prospective participative.

Plusieurs auditions et déplacements sur le terrain ont en effet permis d'associer les acteurs nationaux et territoriaux à la réflexion entreprise. Votre rapporteur estime en effet que, sur ce thème à forte dimension sociale et humaine, la démarche de prospective n'acquiert pleinement son sens qu'en association avec les acteurs des principaux scénarios envisagés . Ceux-ci sont les mieux à même de percevoir les principales tendances et les « signaux faibles » porteurs d'avenir. Sur le sujet étudié, ils sont par ailleurs les mieux placés pour sortir de la vision habituelle, souvent négative des quartiers de la politique de la ville. Enfin, ce sont eux qui, pour l'essentiel et à leurs niveaux respectifs, sont susceptibles de dessiner des avenirs différents en contribuant à l'inflexion des tendances pressenties.

Visite d'un gymnase dans le quartier du Buis à Valentigney (Doubs)

Le rapport se fonde donc sur une vingtaine d'auditions et sur quatre visites de terrains de trois et quatre jours chacune dans quatre sites de rénovation urbaine :

- en Ile-de-France : à Clichy-sous-Bois et Montfermeil, Sevran (93) et Sannois (95) ;

- à Marseille (13) ;

- à Roubaix (59) ;

- dans le pays de Montbéliard : à Bethoncourt et Valentigney (25).

Lors de chaque déplacement, les zones de rénovation urbaine ont fait l'objet d'une attention spécifique car ce sont celles qui concentrent le maximum de difficultés. Votre rapporteur n'a toutefois pas omis de parcourir certains quartiers hors rénovation urbaine - par exemple la cité du chêne pointu à Clichy-sous-Bois - qui comptent aussi parmi ceux où les difficultés des jeunes sont les plus grandes.

Visite d'un immeuble condamné dans le cadre

du Programme de Rénovation Urbaine

de Clichy-sous-Bois (Seine Saint-Denis)

Trois sites visités l'avaient aussi été par la Cour des comptes, dans le cadre de ses travaux récents sur le système éducatif, ce qui a permis de « capitaliser » sur des travaux déjà réalisés et des réflexions déjà engagées, plutôt que de « repartir de zéro » sur de nouveaux sites. Le dernier site (pays de Montbéliard) avait été largement étudié par le sociologue Stéphane Beaud.

La diversité géographique a par ailleurs été privilégiée, ce qui a permis de saisir les points communs mais aussi la pluralité des situations des quartiers de rénovation urbaine.

Devant la mairie de Sevran (Seine Saint-Denis)

avec le maire M. Stéphane Gatignon et le sociologue M. Gilles Kepel

Sur chaque site, des rencontres ont eu lieu :

- avec les élus, acteurs et partenaires de la politique de la ville au niveau territorial ;

- avec les équipes éducatives des collèges : principaux, enseignants, conseillers principaux d'éducation... ;

- avec d'autres acteurs intervenants auprès des jeunes , en dehors du temps scolaire (associations, clubs de prévention spécialisée, centres sociaux...) ;

- avec les jeunes eux-mêmes et leurs aînés (collégiens et anciens collégiens), qui nous ont fait part de leurs « années collège » et leurs parents - même si ces derniers ont été les plus difficiles à mobiliser.

Réunion du personnel enseignant au collège Jean Moulin de Marseille

Le dialogue engagé l'a été sur la durée, puisque deux ou trois déplacements ont eu lieu vers chaque destination et qu'un cycle de trois tables rondes thématiques a été mis en place parallèlement au Sénat, sur les thèmes suivants :

- l'identité des adolescents et leurs relations aux autres (10 novembre 2010) ;

- les structures de socialisation des jeunes de 10-16 ans dans les quartiers sensibles (15 décembre 2010) ;

- l'environnement et les conditions de vie de ces jeunes (12 janvier 2011).

Deuxième table ronde au Sénat : Structures de socialisation

Le moment fort de cette démarche a été constitué par le cinquième « Atelier » de la Délégation sénatoriale à la prospective , le 27 janvier 2011, qui a permis de croiser le regard de chercheurs, d'élus et d'acteurs de terrain, dans le cadre d'un large débat diffusé sur la chaîne Public Sénat et sur le site internet de la Délégation à la prospective 2 ( * ) et dont le compte rendu intégral figure en annexe au présent rapport.

Atelier de prospective du 27 janvier 2011 au Sénat salle Clemenceau

Les thèmes abordés au cours des réunions et événements ainsi organisés reflètent la transversalité de la démarche adoptée.

Un blog 3 ( * ) a également été ouvert dès septembre 2010 pour permettre aux personnes intéressées de suivre de manière participative au jour le jour les travaux du rapporteur.

Page d'accueil du Blog - Les « années collège en zones sensibles »

II. UNE APPROCHE TRANSVERSALE

« On prend l'élève en tant qu'élève, mais on a du mal à le connaître en tant qu'être humain », a regretté une inspectrice adjointe d'Académie rencontrée au cours des déplacements.

C'est la raison pour laquelle l'étude a privilégié une approche globale de la vie des jeunes de 10 à 16 ans dans ces quartiers où le collège est, certes, un lieu de référence et un repère majeur, mais où il subit l'impact de difficultés qui le dépassent très largement, ce qui entrave sa capacité à y répondre.

C'est pourquoi l'étude ne saurait porter uniquement sur le collège et sur l'aspect éducatif, ce dont témoigne l'intitulé qui porte sur les « années collège », donc sur le vécu des jeunes et non sur l'institution qui les accueille. L'ensemble des facteurs qui concourent à structurer l'identité des adolescents et leur socialisation ont donc été envisagés, tant au sein du collège qu'en dehors du temps scolaire.

Le cadre du collège tient néanmoins une place importante , d'une part, car il constitue à l'évidence un facteur déterminant dans la vie des jeunes et leurs parcours, et d'autre part, car il permet d'appréhender la quasi-totalité des adolescents , ce qui est utile, y compris pour l'examen des autres déterminants de la situation des jeunes.

Les variables clefs évoquées au cours de ce travail sont par conséquent de diverses natures. Elles sont énumérées dans le tableau ci-après. Toutes les variables de cette liste ne sont pas examinées de façon exhaustive dans le cadre du présent rapport ; mais elles ont constitué une grille de lecture qui s'est avérée fructueuse dans la réalisation de l'exercice de prospective .

Travail d'élèves du collège Romain Rolland

à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) ANNEES COLLEGE : LES VARIABLES CLEFS

THÈMES

VARIABLES

Environnement et conditions de vie

Cadre de vie

Habitat : regard interne (taille, confort, m²/habitant)

Habitat : regard externe (zonage, attribution des logements sociaux, valeur du foncier)

Accessibilité (soins, commerces, scolarisation)

Mobilité

Espace vécu

Identité du quartier : évaluation subjective pour les habitants, pour l'extérieur

Transports : quantité, qualité

Projet urbain

Environnement : population et peuplement

Démographie (taille de la ville, structure par âge, composition des ménages)

Revenus (source des revenus, niveau des revenus)

Santé, alimentation

Activité, économie, emploi

Offre d'emploi, demande d'emploi

Offre de consommation, demande de consommation

Contexte économique (structure, secteur)

Identité des adolescents et relations aux autres

Famille

Composition des ménages

Nature de la vie de famille

Rôle des parents : aide au travail, autorité

Lieux de vie, lieu de travail, lieu de loisir

Rapport aux autres

Rôle et place des femmes

Qualité du lien entre adolescents

Diversité culturelle, nature du « vivre ensemble »

Vacances : activité, temps, structure (familiale, associative...)

Rapports intergénérationnels

Rapport aux institutions

Connaissance

Evaluation subjective

Distance avec l'opinion du référent du ménage

Structures de socialisation

Le collège

Place de l'école

Rôle des professeurs : en cours, hors cours

Offre éducative au collège : intellectuelle, manuelle, sportive, civique

Offre éducative hors collège : compléments de cours

Absentéisme

Vie associative des jeunes

Structure associatives : type (sportive, culturelle, artistique, sociale) ; fréquentation en nombre et régularité ; nature ouverte ou sélective ; moyens de distinctions ; place dans la ville

Structure religieuse : type (communautaire, substitut, officielle, radicale) ; fréquentation en nombre et régularité ; nature ouverte ou sélective ; moyens de distinctions ; place dans la ville

Structures informelles

Gouvernance

Politiques publiques spécifiques : existence, type, moyen, efficacité

Présence et efficacité des acteurs : administratifs, juridiques, à l'intérieur ou a l'extérieur du collège (AEMO)

Difficultés spécifiques : violences, isolement, histoire du quartier

Évolutions institutionnelles : évolutions prévisibles ou politique fiction

III. UN EXERCICE DE PROSPECTIVE

Conformément à la mission de la Délégation sénatoriale à la prospective, l'étude sur les années collège procède par extrapolation temporelle , à partir de la situation actuelle, en imaginant la prolongation ou au contraire l'inversion des tendances observables, ou encore l'apparition de tendances nouvelles. Ce travail de réflexion sur l'avenir passe par la construction de scénarios pour le futur, c'est-à-dire, au sens sociologique, d'idéaux-types utiles à la réflexion.

Rappelons en effet que cette méthode a principalement pour objet, non pas de prédire ce qui n'est pas « écrit » d'avance, mais d'identifier les facteurs positifs à encourager et les leviers d'action à privilégier pour favoriser la réalisation d'un scénario favorable, s'appuyant sur des variables clefs susceptibles de jouer dans un sens positif.

La prospective se distingue de la prévision car elle prend en compte les ruptures possibles à partir d'une analyse non seulement quantitative mais aussi qualitative des différents aspects du sujet. Elle s'attache à déterminer non seulement un scénario tendanciel mais aussi ses variantes en fonction de changements éventuellement anticipés à partir de « signaux faibles » déjà décelables.

D'après l'Instruction générale du Bureau du Sénat, « la délégation élabore des scénarios d'évolution relatifs aux sujets qu'elle étudie. » 4 ( * ) , ce qui la conduit à utiliser notamment (mais pas exclusivement) la méthode des scénarios. Cette méthode vaut moins pour sa valeur prédictive que comme instrument d'aide à la décision. En effet, l'objectif n'est pas d'énumérer tous les futurs possibles, mais d'élaborer quelques scénarios contrastés mettant en lumière des pistes pour l'action publique.

Les scénarios sont « des histoires de futurs possibles élaborées collectivement en s'appuyant sur l'observation du passé et sur des conjectures argumentées et imaginatives sur le futur » 5 ( * ) .

Les étapes de la démarche ont été les suivantes :

- La définition du sujet et de l'horizon temporel ;

- L'identification des variables clefs ;

- L'analyse des évolutions possibles de ces variables ;

- La construction de scénarii contrastés, assemblant les hypothèses retenues pour les variables.

L'horizon envisagé pour l'étude sur l'avenir des « années collège » dans les territoires urbains sensibles a été fixé à 15 ans (2025), correspondant au moment où les enfants qui naissent aujourd'hui seront adolescents et où les collégiens d'aujourd'hui seront eux-mêmes des jeunes adultes de 25 à 30 ans.

COMPOSITION DU COMITÉ DE PILOTAGE

Réunion du Comité de pilotage le 22 septembre 2010

Le Comité de pilotage de l'étude sur les « années collège » dans les territoires urbains sensibles s'est réuni les 22 septembre 2010 et 9 février 2011.

AUDITIONS

Votre rapporteur remercie toutes les personnes ayant accepté d'être auditionnées dans le cadre de la présente étude, qui ont permis un enrichissement considérable de ce travail par leurs réflexions et leurs témoignages.

- MM. Bernard Thomas et Christophe Kerrero, conseillers auprès de M. Luc Chatel, ministre de l'Éducation nationale, 5 novembre 2009

- M. Pierre Sallenave, directeur général, et Mme Anne Peyricot, directrice des relations institutionnelles, Agence nationale pour la rénovation urbaine ANRU, 14 décembre 2009

- MM. Rémy Frentz, directeur général et Serge Fraysse, directeur chargé de l'éducation et des questions sanitaires, Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances ACSÉ, 13 janvier 2010

- M. Daniel Laurent, conseiller spécial et M. Maurad Cheurf, gérant, Institut Montaigne, 13 janvier 2010

- MM. Jean Picq, président de la troisième chambre, Pascal Duchadeuil, conseiller maître, Joël Montarnal, conseiller référendaire, Renaud Fabre, rapporteur, Cour des comptes, 13 janvier 2010

- M. Renaud Fabre, rapporteur, Cour des comptes, 21 janvier 2010

- M. Eric Maurin, directeur d'études, EHESS, École d'économie de Paris, 21 janvier 2010

- M. Adil Jazouli, responsable de la Mission prospective et stratégie du Secrétariat général du Comité interministériel des villes (CIV), 27 avril 2010

- M. Michel Quéré, directeur de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) au ministère de l'Éducation nationale, 20 mai 2010

- M. François de Jouvenel, directeur d'études, Groupe Futuribles, 26 mai 2010

- M. François Dubet, professeur à l'Université Victor Segalen, Bordeaux 2, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, 15 juin 2010

- Mme Michèle Tribalat, démographe, Institut national d'études démographiques (INED), 4 novembre 2010

- M. François de Jouvenel, directeur d'études, Groupe Futuribles, 4 novembre 2010

- M. Jean-Paul de Gaudemar, recteur, Académie d'Aix-Marseille, 17 novembre 2010

- M. Maurice Leroy, ministre de la Ville, 21 décembre 2010

- M. Martin Hirsch, président de l'Agence du service civique, 4 janvier 2011

- M. Hervé Masurel, secrétaire général du Comité interministériel des Villes (CIV) et M. Adil Jazouli, responsable de la Mission Prospective et Stratégie du CIV, 13 janvier 2011

- M. Eric Maurin, directeur d'études, École des hautes études en sciences sociales, École d'économie de Paris, 19 janvier 2011

- M. Christian Chevalier, secrétaire général, Mme Claire Krepper, M. Antoine Tresgots, M. Julien Maraval, syndicat enseignant SE UNSA, 20 janvier 2011

- MM. Mickael Vidal et Bastien Le Coz, fondateurs de l'association Un stage, et après (USEA), 3 février 2011

- Mme Brigitte Accart, Syndicat SNIES UNSA Education (syndicat des infirmières de l'Education), 3 février 2011

- Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État à la jeunesse, 10 février 2011

- Mme Anne Bouvier, responsable programmes et fondations à la Fondation de France, 10 février 2011

- Mme Leyla Arslan, chargée d'études, Institut Montaigne, 15 février 2011

- M. Laurent Baussier (Syndicat national Force Ouvrière - FO - des lycées et collèges), 16 février 2011

- M. Vincent Cespèdes, philosophe, 16 février 2011

- M. Vincenzo Cicchelli, maître de conférences en sociologie, Université La Sorbonne Paris V, 16 février 2011

- M. Son-Thierry Ly, chercheur, École normale supérieure, 22  février 2011

VISITES DE TERRAIN ET TABLES RONDES

PRÉVISITES

Clichy/Montfermeil : 1 er octobre 2010

Roubaix : 5 octobre 2010

Marseille : 7 octobre 2010

Montbéliard : 12 novembre 2010

VISITES

Clichy/Montfermeil : 18, 19 octobre 2010, 14 décembre 2010, 6 janvier 2011

Marseille : 15, 16, 17 novembre 2010

Roubaix : 22 et 25 novembre 2010

Fondation d'Auteuil (Sannois, Val d'Oise) : 23 novembre 2010

Clichy/Montfermeil (collèges) :

Sevran : 5 janvier 2011

Montbéliard : 10 et 11 janvier 2011

TABLES RONDES THÉMATIQUES

Table ronde 1

« Identité des adolescents et relations aux autres » : 10 novembre 2010

Table ronde 2

« Structures de socialisation » : 15 décembre 2010

Table ronde 3

« Environnement et conditions de vie » : 12 janvier 2011

Atelier de prospective

27 janvier 2011 (salle Clemenceau du Sénat)

I. LES COLLÉGIENS AUJOURD'HUI DANS LES QUARTIERS SENSIBLES

Une grande partie de la jeunesse française grandit aujourd'hui dans des quartiers qui concentrent les difficultés et sont mal connus du reste de la population.

Dans ces quartiers, seul le collège rassemble les jeunes de 10-16 ans. Les autres actions publiques, qui impliquent de très nombreux acteurs, tant au niveau national que local, ont des effets plus restreints et insuffisamment évalués.

A. LES JEUNES SONT TRÈS NOMBREUX DANS LES QUARTIERS SENSIBLES

1. Les jeunes sont très nombreux

En 2006, 4,4 millions de personnes vivent en zones urbaines sensibles (ZUS), soit 7 % de la population française. Cette population est en diminution depuis 1990. Les caractéristiques des habitants des ZUS ont peu évolué depuis 1999. Ils sont plus jeunes que dans les unités urbaines environnantes et que dans la population totale.

Elèves du collège Anatole France à Bethoncourt (Doubs)

Ainsi, les moins de 15 ans représentent 22 % de la population des ZUS , tandis qu'ils sont 18,5 % en moyenne dans la population totale.

Les moins de 20 ans représentent un peu moins d'un tiers (31,6 %) de la population des ZUS, contre environ un quart dans la population totale.

Les 10-15 ans sont au nombre de 370 300 en ZUS.

Par ailleurs, en 2006, tout comme en 1999, la part des moins de 6 ans dans les ZUS est supérieure d'un tiers à celle observée dans les unités urbaines englobantes et celle des moins de 20 ans, d'un quart. À l'inverse, la part des 60 ans et plus est inférieure d'un quart 6 ( * ) .

On peut penser que la jeunesse de la population est encore grande dans les quartiers de rénovation urbaine, dont les caractéristiques sont généralement accentuées par rapport à celles des ZUS.

L'exemple de Montfermeil est éloquent : la cité des Bosquets représente 3 % de la surface de la commune, 25 % de sa population et 40 % des jeunes de moins de 20 ans.

DÉMOGRAPHIE DES QUARTIERS SENSIBLES : 3 EXEMPLES

Le quartier des Bosquets à Montfermeil compte 6.000 habitants, ce qui représente 25 % de la population totale de Montfermeil. 44 % des habitants du quartier ont moins de 20 ans. 40 % des jeunes de Montfermeil y vivent.

Dans les quartiers Est de Roubaix 7 ( * ) , la pyramide des âges est aussi élargie à la base avec plus de la moitié des habitants qui a moins de 30 ans ;

A Marseille , sur le territoire du CUCS Littoral Nord, le taux de jeunes de moins de 20 ans est supérieur de 5 points à la moyenne communale, départementale et nationale (30 % contre 25 %). Si on le compare aux autres territoires CUCS, il n'est supérieur que d'un point. Ce taux de jeunes de moins de 20 ans atteint 35 % dans le secteur Notre Dame/Limite/La Savine. Au sein des quartiers « Littoral Nord », ce secteur comporte à la fois le plus fort taux de jeunes et le plus faible taux de personnes de plus de 60 ans.

Verbatim

Audrey : « Même si je n'ai pas ma place, je vais faire ma place ».

Tarek : « Je suis discriminé dans ma classe par ce que je suis « Arabe »/ « Rebeu » ».

Audrey (au sujet du théâtre) « On est agité d'habitude, quand on est sur scène, on est très bon ».

2. Les jeunes des quartiers ont une énergie formidable

Les jeunes développent en fait une maturité précoce, une conscience de leur situation particulière. « Ils ont la rage », ont témoigné de nombreux acteurs. Cette énergie ne trouve pas à s'exprimer de façon positive, d'autant que les jeunes demeurent souvent chez eux, la rue étant considérée comme un espace de dangers . Les équipements sportifs et culturels sont trop peu nombreux, trop éloignés ou trop chers, ce qui entraîne un certain désoeuvrement (absence de cinéma de proximité, de piscine, de patinoire, etc.).

Elèves délégués 4 e et 3e du collège des Bruyères à Valentigney (Doubs)

Tout l'enjeu est de l'accepter, et de guider cette énergie sensible vers des projets concrets et, plus généralement, vers un projet d'avenir positif, dans une démarche constructive à l'égard de la société.

Verbatim

« Les adolescents transgressent les règles, c'est tout à fait normal en pédo psychiatrie ! » (Michel Bourgat, adjoint au Maire de Marseille, médecin).

« Dans les quartiers, tout prend une dimension émotionnelle. Il faut donc une pédagogie qui prenne en compte l'émotionnel. » (Vincent Cespedes, philosophe).

« Les élèves ont du peps », « Les jeunes ont une capacité à se mettre en valeur à l'oral, plus qu'à l'écrit » (Enseignants, Roubaix).

« Le week-end, on fait du vélo, des tours du quartier, on marche, on va au cinéma, parfois au bowling, chez Auchan. Le soir, on se retrouve sur internet. » (Élèves, Roubaix).

« Les jeunes manquent de repères mais une fois qu'on leur en donne et que le climat est bien mis en place, ils sont curieux et très reconnaissants vis-à-vis des adultes. Des animations même très simples remportent un grand succès. » (Clichy-Montfermeil) .

Les Américains ont une stratégie de valorisation des leaders, qu'ils mettent en oeuvre dans les quartiers français. Cette approche est intéressante, même si une personne qui a « réussi » ne doit pas être en permanence ramenée à son quartier. Concrètement, cette valorisation se fait dans le cadre du Programme des jeunes ambassadeurs , destiné aux lycéens, et du Programme des visiteurs internationaux , par lequel une trentaine de personnes considérées comme des leaders de demain sont invitées trois semaines aux États-Unis pour un séjour de découverte en fonction de leurs centres d'intérêt. En 2009, un tiers des 30 visiteurs internationaux français du programme était issu des banlieues ou de la diversité 8 ( * ) .

«Pour nous, il n'y a pas de frontière entre Paris et sa banlieue. Elle est imaginaire.», Charles Rivkin ambassadeur américain, 2 avril 2010 (d'après Libération).

Des projets, des modèles de réussite sont en effet nécessaires pour donner aux jeunes l'envie de s'investir pour leur avenir . Ceci est d'autant plus vrai que les quartiers où vivent ces jeunes concentrent les difficultés économiques et sociales.


* 2 http://videos.senat.fr/video/commissions/commpros-p1.html

* 3 http://blogs.senat.fr/annees-college/

* 4 Instruction générale du Bureau du Sénat (article XVII bis)

* 5 Source : Futuribles

* 6 Insee Première n° 1328 - décembre 2010

* 7 Quartiers du Pile, Sainte-Elisabeth, Trois Ponts, Sartel-Carihem, Fraternité

* 8 Libération, 26 octobre 2010

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