B. UNE INTERVENTION EUROPEENNE IMPROBABLE

La crainte d'une contagion des crises grecque et irlandaise, voire portugaise, à l'Espagne a longtemps animé les marchés et les cercles européens au cours de l'année 2010. Force est de constater qu'au regard des fondamentaux économiques du pays, des réformes entreprises et de l'évolution des négociations au Conseil européen sur l'avenir de la zone euro, cette hypothèse a perdu en crédibilité, et ce malgré l'arrivée à échéance d'un certain nombre de bons et obligations espagnols.

1. La dette espagnole demeure soutenable pour l'État

L'Espagne aura, courant 2011, 46,6 milliards d'euros de bons et obligations à moyen et long terme à rembourser, nécessitant un financement équivalent sur les marchés (75 milliards d'euros de bons à court terme - 12 à 18 mois - devraient également être remboursés au cours de cet exercice). Les mois d'avril, de juillet et d'octobre 2011 seront, à cet égard, des tests importants puisqu'ils coïncideront avec des échéances de bons et obligations à moyen et long terme de respectivement 15,54 milliards d'euros, 15,49 milliards d'euros et 14 milliards d'euros.

La France est le premier détenteur de la dette de l'État espagnol avec 12 % du stock total, le Benelux (6 %) et l'Allemagne (4 %) sont les autres grands investisseurs européens. Le gouvernement espagnol se tourne dans le même temps vers les investisseurs asiatiques. La part de la dette détenue par ces pays (Chine, Corée, Vietnam, Thaïlande et Taïwan) est passée de 5,6 % en 2008 à 8 % fin 2010.

Si les taux à dix ans demeurent élevés - 5,16 % à dix ans, contre 4,615 en novembre, après un pic à 5,604 % en janvier -, les bons à court terme bénéficient de taux plus favorables qu'à la fin de l'année dernière. Cette détente est justifiée par l'assainissement des comptes publics poursuivi par le gouvernement - la dette publique demeure relativement faible au regard de certains de ses voisins européens comme la France, la sécurité sociale est également excédentaire - ainsi que par la réduction des émissions obligataires en 2010 et en 2011. L'émission nette en 2009 avait ainsi atteint 116,7 milliards d'euros, elle a chuté à 62,1 milliards l'année suivante contre 76,8 initialement prévus. Pour 2011 le Trésor espagnol estime ces besoins de financement nets à 47,2 milliards d'euros, soit une baisse de 24 %.

Dette publique (en % du PIB)

2007

2008

2009

2010

2011 (prévision)

36,2

39,7

53,2

62,8

68,7

Par ailleurs, le recours des institutions financières espagnoles aux facilités de prêts de la Banque centrale européenne a poursuivi la baisse entamée cet été. En janvier 2011, les prêts atteignent ainsi 53 milliards d'euros, soit une baisse de 20 % (14 milliards d'euros) par rapport à décembre. Un tel niveau n'avait pas été atteint depuis octobre 2008. L'Espagne concentrait en janvier 15,2 % de l'ensemble des financements accordés par la BCE (16,6 % en décembre).

La grande interrogation des marchés financiers concernant l'Espagne tient aux besoins de recapitalisation des caisses d'épargne induits par l'exigence de fonds propres tels que prévue par le décret royal du 18 février. Si la Banque centrale d'Espagne table sur une injection de 15,152 milliards d'euros, les prévisions des agences de notations sont, quant à elles, plus alarmistes.

Fondées sur des hypothèses d'aggravation de la situation économique, prenant en compte une récession plus aigüe, une augmentation des taux de créances douteuses et une sévère dépréciation des actifs possédés par les banques, les agences de notations tablent sur une recapitalisation variant entre 40 et 60 milliards d'euros. Quoiqu'il en soit, une telle injection de fonds publics au sein des établissements financiers demandeurs serait parfaitement soutenable pour le gouvernement espagnol - elle augmenterait la dette de l'ordre de 4 à 6 points de PIB - soit largement en deçà des chiffres irlandais.

Ce risque que la recapitalisation du secteur dépasse les 15 milliards escomptés a, néanmoins, été prise en compte par l'agence de notation Moody's qui a dégradé, en conséquence, la note souveraine de l'Espagne à Aa2.

Les stress tests imposés aux établissements financiers locaux en juin prochain devraient permettre de déterminer avec plus de précision la capacité de rebond du secteur.

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