(3) La mission n'est pas parvenue à un consensus sur la création d'une TVA « anti-délocalisations »

Ayant examiné en particulier le cas de l'Allemagne mais aussi les dispositions prises par certains pays européens (Espagne, Danemark) pour améliorer leur compétitivité, la mission s'est interrogée sur l'opportunité de la création d'une TVA anti-délocalisations permettant de minorer les charges patronales qui pèsent sur le coût du travail et de taxer les produits importés.

Cette mesure n'ayant pas fait l'objet d'un consensus, la mission a fait le choix de ne pas la retenir comme une proposition mais comme une piste , en exposant ses avantages mais aussi ses risques et ses limites.

Plusieurs membres de la mission ont fait valoir les avantages d'une telle mesure en soulignant les éléments suivants :

- d'abord, notre protection sociale pèse trop lourdement sur le coût du travail (les charges patronales y contribuent à hauteur d'environ 45 %). La création d'une TVA anti-délocalisations, tout en permettant de maintenir un niveau de protection sociale élevé, doit permettre de réduire les charges sociales patronales comme l'ont fait d'autres pays de l'Union européenne (l'Allemagne, le Danemark et plus récemment l'Espagne). Ce mouvement va d'ailleurs dans le sens de la fiscalisation déjà bien engagée du financement de notre système de protection sociale, avec la CSG et la compensation des exonérations de charges par des recettes fiscales prélevées sur le budget de l'État ;

- ensuite, la France dispose d'une marge d'augmentation de son taux de TVA (jusqu'à 2 ou 3 points) , le taux moyen qui prévaut dans l'hexagone étant en réalité inférieur à la moyenne européenne, du fait de l'application de taux réduits (5,5 % au lieu de 7 % en Allemagne) sur une assiette assez large regroupant certaines activités ou produits ;

- enfin, le financement de la réduction des charges sociales patronales par la TVA présente le double avantage de réduire les coûts de production en France et d'augmenter simultanément le prix des produits importés. Cette mesure, qualifiée par l'OFCE de « dévaluation fiscale », a en réalité un effet similaire à celui d'une dévaluation compétitive avec des inconvénients moindres : les effets inflationnistes peuvent être mieux contrôlés et la dégradation du solde de la balance commerciale n'est que temporaire.

Les effets positifs d'une telle mesure pour l'industrie supposent toutefois que plusieurs conditions soient réunies :

- une rentabilité de la hausse du taux de TVA : les simulations réalisées évaluent à environ 6 milliards la valeur d'un point de TVA à taux normal et à 4,5 milliards celle d'un point de cotisations sociales pour les salariés du secteur privé (hors salariés agricoles) 206 ( * ) . Si l'on retient une hausse de 3 points de la TVA (soit 18 milliards), il serait donc possible de diminuer le taux de cotisations sociales d'environ 4 points ;

- une diminution uniforme des taux de cotisations et non ciblée sur les seuls bas salaires ;

- la répercussion immédiate et aussi large que possible par les entreprises des réductions de charges sur les prix des produits fabriqués en France et non sur les marges, pour éviter les effets inflationnistes et une perte de pouvoir d'achat des salariés, ce qui suppose d'engager un dialogue apaisé avec les partenaires sociaux.

D'autres membres de la mission, opposés à cette mesure, en ont souligné les limites et les risques, en insistant sur les éléments suivants :

- premièrement, le coût du travail ne constitue pas l'unique facteur de compétitivité de notre industrie. Il n'est donc pas forcément opportun de faire peser sur le seul travail la responsabilité des moindres performances à l'export de notre industrie. Les gains de part de marché sont surtout le fait des innovations et du positionnement sur des marchés de niche ou sur des produits haut de gamme ;

- deuxièmement, la France dispose d'une marge d'augmentation très réduite du taux de TVA , le taux allemand (19 %) étant déjà inférieur au taux français (19,6 %) ;

- troisièmement, l'augmentation du taux de TVA risque d'entraîner une dégradation du pouvoir d'acha t, sauf à ce que celle-ci soit intégralement compensée par une baisse des prix ou une augmentation des salaires. Or, on l'a dit plus haut, il n'y a aucun moyen de garantir que la baisse des charges patronales se répercutera sur les prix des produits ou se traduira en augmentation de salaires.

Ainsi, la mission s'est montrée réservée sur la création d'une TVA anti-délocalisations. Si cette mesure est séduisante parce qu'elle pourrait permettre d'améliorer la compétitivité-prix de notre industrie en diminuant les charges sociales patronales et en taxant les produits importés, elle n'est toutefois pas dénuée de risques et d'effets pervers, au premier chef desquels une augmentation des prix et une diminution du pouvoir d'achat ainsi qu'une focalisation excessive sur le coût du travail alors que les défis auxquels doit faire face notre industrie se situent davantage sur le terrain de l'innovation et des marchés de niche et du haut de gamme.


* 206 Rapport sur les comptes de la sécurité sociale, juillet 2007.

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