2. Vers la mise en place de contrats de filière

Au-delà des seuls pôles de compétitivité, qui mettent en évidence les évidences du rapprochement entre les entreprises, les organismes de recherche et les acteurs publics sur des projets à forte composante innovante, la logique de filière est apparue cruciale tout au long des travaux de la mission et tout particulièrement lors de ses déplacements sur le terrain.

a) La nécessité de mettre l'accent sur la logique opérationnelle des pôles de compétitivité

Les pôles de compétitivité se sont construits sur l'impératif d'innovation et sur l'intégration d'une part importante de recherche et développement. Ils sont ainsi dotés d'une vision stratégique qui peut faire leur succès. Les témoignages de chefs d'entreprise et élus mettent l'accent sur la grande diversité des pôles de compétitivité.

La mission considère toutefois, comme l'avait déjà relevé le groupe de travail sur les pôles de compétitivité 140 ( * ) mis en place par la commission de l'économie du Sénat en 2009, que l'intégration des PME dans les pôles demeure un enjeu majeur, un grand nombre d'intervenants ayant souligné le manque de soutien constaté par les petites entreprises dans ces structures.

Une diffusion plus satisfaisante de l'innovation vers les PME, dans le cadre des pôles de compétitivité, est indispensable afin de rendre ceux-ci véritablement opérationnels sur le plan du développement économique territorial : ces entreprises, souvent moins délocalisables et attachées à leur territoire, ont une fonction de maillage et d'animation du territoire complémentaire à celui des structures plus importantes.

b) Les avantages d'une logique de filière

En dehors des pôles de compétitivité, les travaux de la mission ont mis en évidence la nécessité de mieux structurer les filières et les relations entre donneurs d'ordre et sous-traitants. La construction d'une filière cohérente permet :

- de renforcer la compétitivité des entreprises en jouant sur l'écosystème industriel (analyses de marché communes, développement d'une marché de main d'oeuvre adaptée, promotion de l'innovation...) ;

- d'accroître ou de préserver la part de production réalisée dans le territoire et non délocalisée ;

- de mieux cibler les mesures d'accompagnement aux entreprises ;

- de construire une image de la région en matière économique.

Un partenariat entre les collectivités territoriales et les entreprises d'un secteur peut ainsi se traduire par :

- la mise à disposition de moyens (locaux, infrastructures, recherche et développement...) aux entreprises ;

- l'établissement de relations durables et équilibrées entre les donneurs d'ordre et les sous-traitants, ceux-ci étant encouragés à diversifier leurs débouchés ;

- la mise en place d'actions de prospection communes aux fournisseurs et donneurs d'ordre, afin de se présenter sur les marchés internationaux sous la forme d'une filière soudée autour d'un projet commun et non comme des entreprises de petite taille dispersées ;

- des actions publiques telles que des aides régionales, la constitution d'observatoires spécifiques à la filière, le soutien aux démarches de qualité.

Les collectivités peuvent ainsi encourager les entreprises de la filière à se rapprocher, comme l'ont fait les collectivités territoriales du Territoire de Belfort en cherchant à faire venir des équipementiers autour des sites d'Alstom. La mission a pu également constater, en Midi-Pyrénées, l'existence d'une filière forte entre Airbus et ses sous-traitants au sein de la filière aéronautique et du pôle de compétitivité « Aerospace Valley ».

Les relations entre les acteurs publics et privés au sein d'une filière pourraient ainsi être formalisées au sein de véritables « contrats de filières » : la région devrait identifier les filières stratégiques, qu'elles soient bien ancrées dans le paysage économique ou seulement émergentes, et établir avec les acteurs de ces filières des orientations déclinées en plans d'actions concrets, associés à des aides.

La responsabilité de la construction des filières repose à la fois sur les acteurs publics et sur les entreprises privées, notamment les grands donneurs d'ordre qui jouent un rôle de « leader ». M. Philippe Maitreau, vice-président de Mulhouse Sud-Alsace et président de la commission « emploi » de l'Association des maires des grandes villes de France, estimait ainsi lors de son audition devant la mission que « si les constructeurs automobiles s'entendent pour acheter les pièces à des sous-traitants européens, ces derniers seront en mesure de mieux rentabiliser les outils de production et d'offrir ainsi des coûts plus faibles, et d'améliorer ainsi leur compétitivité par rapport aux entreprises chinoises ». Un chef d'entreprise a toutefois reconnu devant la mission que les conditions de concurrence peuvent s'opposer à ce type d'entraide.

Plusieurs régions ont d'ores et déjà mis en place des contrats de filière, notamment la Bretagne et, dans les secteurs de la mécanique et de la plasturgie, la Picardie.

c) Les tentations de la diversification pour réduire les risques liés aux faillites sectorielles

La logique de filière est fondamentale dans les secteurs d'avenir ou ceux pour lesquels le territoire dispose d'atouts particuliers (tradition industrielle, savoir-faire, ressources naturelles ou position géographique...)

Elle ne saurait toutefois s'appliquer lorsqu'un secteur tout entier est touché par une crise structurelle. La mono-activité est dans ce cas source de déséquilibre pour l'ensemble d'un territoire, car les salariés perdant leur emploi ne peuvent retrouver un emploi dans la même branche. C'est le cas par exemple de la région Nord, qui a souffert de la mono-industrie ; comme l'a fait observer M. Jacques Legendre lors du déplacement de la mission, la zone d'activité de Cambrai a fait le choix de la diversification, en associant des entreprises du secteur de l'agro-alimentaire, de la plasturgie, de l'automobile, du textile ou encore de la logistique.

Les collectivités locales, au niveau de la région et du bassin d'emploi, doivent donc doubler leur vision stratégique « par filière » d'une approche de diversification et d'aide à la reconversion. Cet objectif passe par l'identification et la promotion des nouvelles activités susceptibles de réduire les risques systémiques, la formation des salariés à ces nouveaux emplois et la reconversion des sites industriels (locaux, terrains, infrastructures).


* 140 Groupe de travail sur les pôles de compétitivité constitué par la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du Sénat ; rapport d'information n° 40 (2009-2010) de MM. Michel Houel et Marc Daunis, 14 octobre 2009.

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