2. Un renforcement de l'encadrement de l'influence des lobbies au sein du Sénat

Bien que l'encadrement de l'influence des groupes de pression et des acteurs économiques privés soit une compétence exclusive du Bureau du Sénat, vos co-rapporteurs ont souhaité aborder cette question dans le cadre de leur réflexion sur la prévention des conflits d'intérêts, afin de définir des pistes de travail qui pourraient être, par la suite, approfondies.

Le groupe de travail estime que le bilan des dispositifs précédemment présentés et mis en place par la décision du Bureau du 7 octobre 2009, notamment l'inscription des lobbies sur un registre, est satisfaisant, mais mérite toutefois d'être amélioré 97 ( * ) . En effet, certains représentants de groupes d'intérêts, entendus par votre groupe de travail, considèrent que la réglementation actuelle pourrait être renforcée : à titre d'exemple, la sanction visant à retirer aux lobbies la carte d'accès au Sénat n'est pas, à leurs yeux, assez dissuasive pour réprimer les éventuels comportements inappropriés de certains organismes ou de leurs représentants.

En outre, une large majorité de vos co-rapporteurs propose de limiter la présence des sénateurs au sein de groupes d'études ou de colloques à financement privé . Les groupes privés peuvent mettre en place des groupes d'études indépendants du Parlement, au sein desquels siègent des parlementaires. Qualifiés de « clubs » ou de « clubs parlementaires », ils sont souvent constitués dans un objectif de lobbying auprès des parlementaires. Bien que leur activité soit souvent proche et leur organisation semblable, ils sont à distinguer des groupes d'études, au nombre de vingt-huit au Sénat, dont le statut est défini par l'arrêté n° 84-63 du Bureau du Sénat, qui sont créés par les commissions permanentes des deux Assemblées afin de suivre et d'étudier des questions spécifiques. Ces groupes de travail, ouverts à l'ensemble des sénateurs, assurent une veille juridique et technique sur des questions particulières afin d'informer les parlementaires. La proposition de votre groupe de travail ne vise pas ces groupes d'études ; seuls seraient concernés les clubs organisés et entièrement financés par des groupes privés, dans la mesure où ils apparaissent comme un instrument de lobbying de ces derniers envers les parlementaires.

Cet encadrement concernerait également la participation des parlementaires à des colloques à financement privé , organisés par des groupes privés, qui sont souvent une prolongation de l'existence des clubs parlementaires. Comme l'a rappelé l'Association française des conseils en lobbying (AFCL), lors de son audition par votre groupe de travail, il peut arriver que des colloques soient organisés, non sur la base de la compétence technique des intervenants, mais sur la base de leur contribution financière : en d'autres termes, ceux qui payent le plus sont ceux qui disposent du temps de parole le plus long, si bien qu'en réalité la présence des parlementaires dans ces colloques est monnayée par l'entité organisatrice auprès des acteurs d'un secteur (ce qui s'apparente, dans certains cas, à un véritable « racket »).

Dès lors, vos co-rapporteurs estiment qu'il est nécessaire de mieux réguler la participation des parlementaires à des clubs ou des colloques à financement privé.

Proposition n° 34

Encadrer la présence des sénateurs dans des groupes de travail ou des colloques à financement privé.

Enfin, l'encadrement de l'activité des lobbies nécessite également une réflexion relative à la situation particulière des assistants parlementaires . Lors de son audition par le groupe de travail, M. Vincent Nouzille, journaliste, rappelait que de nombreux assistants parlementaires, en raison de leur contrat à temps partiel auprès de certains députés, travaillaient également pour des organismes financiers privés ou d'intérêts économiques divers. En effet, les agents publics titulaires ou contractuels exerçant leur activité pour une durée égale ou inférieure à la moitié de la durée légale du travail sont autorisés à cumuler leur emploi avec une activité salariée de droit privé, dans la limite de la durée légale du travail et dans les conditions prévues par le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif aux cumuls d'activités et de rémunérations des agents publics. Ainsi, l'existence de ces doubles rémunérations peut placer les parlementaires dans une situation de conflit d'intérêts via leurs collaborateurs, ces derniers pouvant apparaître comme un « outil » de lobbying de la part des groupes privés les employant -situation d'ailleurs souvent indépendante de la responsabilité des parlementaires employeurs.

Il convient de rappeler que le « statut » des assistants parlementaires est de la compétence du Bureau : un arrêté n° 95-190 du 12 décembre 1995 du Bureau du Sénat fixe les conditions dans lesquelles les Sénateurs peuvent recruter et employer les assistants chargés de les seconder dans les tâches personnelles directement liées à l'exercice de leur mandat. Cette décision du Bureau est complétée par un certain nombre d'arrêtés des Questeurs : à titre d'exemple, il est interdit aux assistants parlementaires de poursuivre des actes de commerce.

Par conséquent, vos co-rapporteurs estiment que les arrêtés des questeurs pourraient prévoir de renforcer les incompatibilités déjà prévues à l'encontre des assistants parlementaires.

Proposition n° 35

Renforcer les incompatibilités professionnelles pour les assistants parlementaires.

À l'unanimité, le groupe de travail a également souhaité que les hauts fonctionnaires parlementaires soient soumis au régime de droit commun applicable à l'ensemble des hauts fonctionnaires ; ce régime devrait être défini lors de l'examen du projet de loi sur la déontologie de la vie publique, dont le gouvernement a annoncé le dépôt.


* 97 La question de l'inscription des avocats sur le registre des lobbies a été évoquée à de multiples reprises lors des auditions organisées par votre groupe de travail. Certaines personnes entendues ont estimé en effet que les avocats peuvent parfois entreprendre des activités de lobbying, en raison de leur capacité à influencer les parlementaires sur la modification de certains aspects juridiques intéressant leurs clients. Toutefois, le statut des avocats soumet ces derniers au respect du secret professionnel, qui leur interdit de dévoiler le nom de leurs clients, ce qui rend juridiquement difficile leur inscription sur le registre des lobbies des assemblées.

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