b) Une situation insatisfaisante qui a deux causes essentielles
(1) Une première cause : des taux super-réduits dont le coût est calculé par rapport au taux réduit

Cet écart de 26,7 milliards d'euros s'explique tout d'abord, pour 5,7 milliards d'euros, par le fait que le Gouvernement calcule le coût des mesures de taux super-réduit de 2,1 % par rapport au taux réduit de 5,5 %, et non par rapport au taux normal de 19,6 %. Autrement dit, il déroge à la règle générale qu'il se fixe selon laquelle le coût d'une mesure est calculé non par rapport à la « prochaine dépense fiscale la plus favorable » (méthodologie qui ne semble guère retenue que par le Congrès des Etats-Unis), mais par rapport au droit commun.

Cette approche conduit à minorer environ d'un facteur 5 le coût des dépenses fiscales concernées, qui serait de l'ordre non de 1,4 milliard d'euros, mais de plus de 7 milliards d'euros, comme le montre le tableau ci-après.

Le coût des dispositions de taux de TVA à taux super-réduit

(dépenses fiscales)

(en millions d'euros)

Coût calculé par le Gouvernement (sur la base d'un taux de référence de 5,5 %)

Coût recalculé par la commission des finances avec un taux de référence de 19,6 %

Ecart

Numéro

Libellé de la mesure

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

730301

Taux de 2,10 % applicable aux droits d'entrée des 140 premières représentations de certains spectacles

55

55

55

283

283

283

228

228

228

730302

Taux de 2,10 % applicable aux ventes d'animaux de boucherie et de charcuterie à des personnes non assujetties à la TVA

4

4

4

21

21

21

17

17

17

730303

Taux de 2,10 % applicable aux médicaments remboursables ou soumis à autorisation temporaire d'utilisation et aux produits sanguins

1 130

1 150

1 170

5 816

5 919

6 022

4 686

4 769

4 852

730305

Taux de 2,10 % applicable aux publications de presse

190

190

190

978

978

978

788

788

788

Total

1 379

1 399

1 419

7 098

7 201

7 304

5 719

5 802

5 885

Sources : réponse du Gouvernement au questionnaire adressé par la commission des finances, calculs de la commission des finances

(2) La principale cause de ce phénomène : le taux réduit pour les produits alimentaires

L'écart de 26,7 milliards d'euros s'explique cependant très majoritairement, pour 21 milliards d'euros (correspondant en quasi-totalité au taux réduit de TVA applicable aux produits alimentaires), par le fait que le Gouvernement est en mesure, de fait, d'exclure n'importe quelle disposition de taux réduit de la liste des dépenses fiscales, de manière purement discrétionnaire.

En effet, il considère qu'« en principe, sont traitées comme des règles générales les dispositions qui, pour l'ensemble des contribuables visés, visent à rendre supportable cet impôt sur la consommation ou qui ont pour effet de préserver l'accès de tous à certains produits ou services ».

Ne sont ainsi pas considérées comme des dépenses fiscales les taux réduits concernant l'alimentation et les médicaments, mais aussi les livres, les services de transport public, les abonnements aux services de télévision, les gains de course attribués aux entraîneurs, les oeuvres d'art.

Comme Mme Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale, l'a souligné lors de la table ronde organisée par la commission des finances le 27 avril 2011, « le « fil rouge » n'est pas toujours très clair ».

Selon les estimations du Gouvernement, le taux réduit applicable aux produits alimentaires a coûté 19,2 milliards d'euros en 2007 39 ( * ) , soit la quasi-totalité des 21 milliards d'euros (en 2009) de coût des taux réduits non considérés comme des dépenses fiscales.

La « doctrine » selon laquelle le taux réduit de TVA sur les produits alimentaire ne devrait, par nature, par être considéré comme une dépense fiscale, ne va pas de soi. On rappelle qu'au Royaume-Uni, le taux nul de TVA applicable aux produits alimentaires fait partie des allégements dont la nature de dépenses fiscale est jugée la plus incontestable.

Le système de référence actuellement retenu pour les taux de TVA

« En principe, sont traitées comme des règles générales les dispositions qui, pour l'ensemble des contribuables visés, visent à rendre supportable cet impôt sur la consommation ou qui ont pour effet de préserver l'accès de tous à certains produits ou services. C'est le cas des taux réduits de TVA, destinés non à stimuler un secteur ou un comportement, mais visant la consommation de certains produits de base. Il s'agit en particulier de l'alimentation ou des médicaments. Considérer ces taux réduits comme des dépenses fiscales serait par conséquent purement artificiel et antinomique au regard des critères définis par le Conseil des impôts en 2003.

« Par extension, plusieurs taux de TVA réduits procèdent de cette logique et ne sont pas considérés comme des dépenses fiscales, notamment celui sur les livres ou encore sur les services de transport public.

« Lors du dernier reclassement opéré en 2009, la TVA n'a pas fait l'objet de propositions particulières, dans la mesure où cela aurait pu interférer inutilement avec le débat sur les taux réduits. Le prochain PLF pourrait être l'occasion pour le Parlement et le Gouvernement, via la présentation du Tome II, de repréciser ce qui peut être considéré comme un produit ou service de base et, ce faisant, la norme applicable.

« La question pourrait par exemple être soulevée pour certains produits, comme les abonnements aux services de télévision, divers services culturels, les gains de course attribués aux entraîneurs ou encore les oeuvres d'art. »

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire adressé par la commission des finances

Le tableau ci-dessous recense les taux réduits de TVA qui ne sont actuellement pas classés comme des dépenses fiscales.

Les taux réduits de TVA qui ne sont actuellement pas considérés comme des dépenses fiscales

Taux de 5,5% sur l'eau, les boissons non alcooliques, les produits destinés à l'alimentation humaine

Taux de 5,5% sur les produits d'origine agricole, de la pêche, de la pisciculture et de l'aviculture n'ayant subi aucune transformation

Taux de 5,5% sur le bois de chauffage, les produits de la sylviculture agglomérés destinés au chauffage et les déchets de bois destinés au chauffage

Taux de 5,5% sur les sommes attribuées par les sociétés de course au titre des gains de course réalisés par les entraîneurs pour les chevaux dont ils sont propriétaires

Taux de 5,5% sur les préparations magistrales, produits officinaux et médicaments ou produits pharmaceutiques non visés par l'article 281 octies (taux à 2,1%)

Taux de 5,5% sur les ventes et apports de logements sociaux à usage locatif à l'association foncière logement lorsqu'elle a conclu une convention avec l'Etat

Taux de 5,5% sur les ventes et apports de logements à usage locatif à l'association foncière logement ou à des sci dont cette association détient la majorité des parts, situés dans des quartiers faisant l'objet d'une convention et destinés à être occupés par des ménages dont le total des ressources n'excède pas certains plafonds.

Taux de 5,5% sur les oeuvres d'art, objets de collection ou d'antiquité

Taux de 5,5% sur les remboursements et les rémunérations versés par les communes ou leurs groupements aux exploitants des services de distribution d'eau et d'assainissement

Taux de 5,5% sur les taxes, surtaxes et redevances perçues sur les usagers des réseaux d'assainissement

Taux de 5,5% sur certains spectacles (théâtres, cirques, spectacles de variétés, foires, salons, jeux et manèges forains

Taux de 5,5% sur les droits d'entrée pour la visite de parcs zoologiques et botaniques, des musées, monuments et expositions culturelles

Taux de 5,5% sur les transports de voyageurs

Taux de 5,5% sur les droits d'entrée dans les salles de cinéma

Taux de 5,5% sur les abonnements souscrits pour recevoir des services de télévision

Taux réduit à 5,5% sur les droits perçus pour la visite de parcs à décors animés

Taux réduit à 5,5% sur les cessions de droits patrimoniaux reconnus par la loi aux auteurs des oeuvres de l'esprit et aux artistes-interprètes ainsi que de tous droits portant sur les oeuvres cinématographies et sur les livres

Taux réduit à 5,5% sur les prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets

Taux réduit sur les rémunérations versées par les communes ou leurs groupements pour la mise en oeuvre d'un contrat d'objectifs et de moyen correspondant à l'édition d'un service de télévision locale

Taux réduit de 5,5% sur les remboursements et les rémunérations versés par les communes ou leurs groupements aux exploitants assurant les prestations de balayage des caniveaux et voies publiques lorsqu'elles se rattachent au service public de voirie communale

Taux réduit dans les DOM (2,1%) sur les travaux de construction de logements évolutifs sociaux, financés dans les conditions prévues par arrêté interministériel en application des articles L. 301-1 et L. 301-2 du code de la construction et de l'habitation et facturés aux personnes physiques accédant directement à la propriété à titre de résidence principale et qui concourent à la production ou à la livraison d'immeubles au sens du I de l'article 257 du CGI

Taux réduit dans les DOM (2,1%) sur les ventes de logements évolutifs sociaux mentionnés au a du 296 ter et qui entrent dans le champ d'application du I de l'article 257, lorsque l'acquéreur bénéficie pour cette acquisition des aides de l'Etat dans les conditions prévues par arrêté

Taux réduit à 5,5% sur les livres

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire de la commission des finances


* 39 Réponse au questionnaire adressé par la commission des finances, reproduit en annexe au présent rapport d'information.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page