2. Une attractivité qui se réduit
a) Les incertitudes budgétaires et institutionnelles

Le recours aux délégations d'aides à la pierre, qui implique un engagement de moyen terme des collectivités territoriales, est rendu moins attractif du fait de nombreuses incertitudes portant sur la disponibilité des moyens financiers et l'environnement institutionnel.

L'inquiétude des collectivités porte en premier lieu sur l'absence de prévisibilité s'agissant des engagements de l'Etat. La sortie du PCS et la révision à la baisse des crédits d'aide à la pierre n'incite pas les collectivités territoriales à renouveler leur engagement. Elle est liée aussi à la crise financière des départements qui a amené certains d'entre eux à envisager un recentrage de leurs missions et à effectuer des choix dans leur exercice. De fait, les départements ont une politique du logement qui n'est pas naturellement orientée vers les aides à la pierre mais plutôt vers les aides sociales.

L'imprévisibilité concerne également l'environnement institutionnel lié à la réforme de l'organisation territoriale.

L'intervention des départements en tant que délégataires des aides à la pierre n'est que supplétive puisque les conventions qu'ils signent ne peuvent concerner que des territoires situés hors du périmètre des EPCI ayant signé une convention.

Dans ces conditions, le bouclage de l'intercommunalité en 2014 et plus encore la révision de la carte de l'intercommunalité qui pourrait conduire à l'émergence de communautés plus puissantes pourrait remettre en jeu les attributions de délégations entre le niveau départemental et celui de l'intercommunalité. Ils incitent donc à une forme d'attentisme ou, au moins, une grande prudence s'agissant de départements qui seraient susceptibles de s'engager dans cette procédure.

Parmi les raisons de la moins forte attractivité des délégations, certains élus mettent également en avant la perspective de la nouvelle répartition des compétences qui pourrait redistribuer les rôles dans le domaine du logement et de l'habitat et les futurs schémas de répartition des compétences entre les départements et les régions.

b) Une plus grande rigueur comptable et budgétaire

Les enseignements des premières délégations et la nécessité de mieux encadrer la mise à disposition des crédits ont conduit à élaborer un nouveau modèle de convention-type qui est entré en vigueur depuis 2011.

L'objectif poursuivi est à la fois de fluidifier la gestion et de mieux adapter les enveloppes de crédits mis à la disposition des délégataires aux besoins réellement constatés annuellement grâce aux principales dispositions suivantes :

- s'agissant des droits à engagement mis à la disposition du délégataire, ils sont limités, en début d'année, à 60 % du montant prévisionnel de l'année. L'allocation du solde de l'enveloppe annuelle est fonction de l'état des réalisations et des perspectives pour la fin de l'année qui doivent être communiqués dans les bilans fournis, au 30 juin et au 15 septembre, au préfet, représentant de l'Etat et délégué de l'ANAH dans le département ;

- pour les crédits de paiement , un premier versement est effectué dés le début de l'année correspondant à 25 % du montant des CP consommés l'année n-1. Le montant du solde versé est ajusté chaque année en fonction de la différence entre les crédits de paiement versés par l'Etat au délégataire et ceux versés par le délégataire aux différents opérateurs l'année n.

Les nouvelles règles doivent remédier aux dérives antérieurement constatées qui avait conduit à la constitution d'avances de trésorerie substantielles comme en atteste le tableau ci dessous.

Avances de trésorerie perçues par les délégataires en 2009

Crédits de paiements susceptibles d'être versés selon le système actuel
(y compris ajustements)

Crédits de paiement effectivement versés

Crédits de paiement consommés par les délégataires

Avance de trésorerie des délégataires

627,5 M€

557 M€

319 M€

238 M€

Source : DHUP

Le principe des nouvelles conventions de délégation, qui guide l'allocation des crédits de paiement au délégataire, est bien de fixer le montant en fonction des stricts besoins identifiés année après année et d'éviter que le délégataire ou que l'Etat n'ait à faire d'avances de trésorerie.

En cas de réalisation insuffisante des objectifs prévus dans la convention constatée sur deux exercices consécutifs, le préfet peut désormais pour le parc public et/ou le parc privé, minorer le montant des droits à engagement à allouer au délégataire l'année suivante 19 ( * ) . La persistance d'un écart de réalisation au terme de trois exercices consécutifs, peut amener les parties à réviser les objectifs et les droits à engagement de la convention et/ou leur déclinaison pluriannuelle. L'évaluation à mi-parcours sera l'élément essentiel pour dimensionner cet ajustement.

Enfin, pour les délégations de compétence dont le montant d'engagement annuel prévu pour le parc public est supérieur à 5 millions d'euros, la nouvelle convention renforce le compte-rendu d'utilisation des crédits de paiement avec la production d'un compte-rendu supplémentaire des crédits utilisés au premier semestre.

A titre plus anecdotique, on signalera également des obligations de communication sur les autres aides de l'Etat (TVA à taux réduit, exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties et aides de circuit) que la convention doit mentionner.

Le resserrement des conditions d'exécution des conventions de délégations est parfaitement justifié et met en oeuvre des règles de bonne gestion des crédits publics .

Il participe toutefois à rendre ces conventions moins avantageuses et plus contraignantes pour les délégataires.

Il en est de même de la fin de la fongibilité entre les crédits à destination du parc privé et les crédits destinés au logement locatif social qui est une conséquence du changement du mode de financement de l'ANAH, assuré, depuis 2009, sur les fonds d'Action logement, ex 1% patronal, et non plus sur crédits budgétaires.

c) Un risque de retraits possibles mais en nombre modéré

Votre rapporteur spécial a constaté lors de ses auditions et de ses déplacements beaucoup d'interrogations de la part des délégataires qui viennent s'ajouter à un empressement modéré manifesté- au moins au sein de l'administration centrale- à l'égard de cette modalité de gestion.

Il apparaît clairement que quelques retraits sont envisagés principalement parmi les départements.

Selon l'ADF, quatre ou cinq départements « s'interrogent vraiment et fortement » sur la délégation.

Il semble toutefois qu'il s'agisse, à ce stade, plus de l'expression d'une déception que d'une volonté affirmée. Comme l'a souligné notre collègue Gérard Miquel, président du Conseil général du Lot, les départements délégataires restent très attachés à ce mode de gestion qui leur permet d'assurer la cohérence de leur politique dans le domaine du logement. Les délégataires, qu'ils soient départements ou EPCI, ont acquis une visibilité à laquelle ils peuvent difficilement renoncer.

En tout état de cause, un retour en arrière est fort improbable ne serait-ce que parce qu'il ne semble pas possible pour l'Etat de reprendre à sa charge la gestion des aides à la pierre dans l'ensemble des territoires où il les a déléguées.

Ce point avait d'ailleurs été relevé par la mission nationale d'audit précitée qui soulignait « qu'un risque de rupture de l'instruction et du suivi des subventions « aide à la pierre » existe, si une convention avec un délégataire n'utilisant pas la mise à disposition n'était pas renouvelée à son terme (3 ou 6 ans) : la DDT concernée ne disposerait en effet plus des compétences (et certainement des ETP) nécessaires pour reprendre rapidement cette gestion. »


* 19 Les conventions de « première génération » ne comportaient aucune clause de réajustement budgétaire en cas d'insuffisance de réalisation d'un ou des objectifs fixés. Il n'était offert au représentant de l'Etat que la possibilité de résilier la convention en cas d'insuffisance forte, disposition qui n'a jamais été mise en oeuvre.

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