C. 2010 : UN TOURNANT QUI APPELLE UNE REMISE EN QUESTION

1. Un nouveau contexte moins favorable
a) Un contexte initial déterminant : le Plan de cohésion sociale (PCS)

Les premières conventions de délégation ont été conclues dans le contexte très particulier du Plan de cohésion sociale (PCS 2005-2009) qui visait à « résoudre la crise du logement par un rattrapage massif en matière de productions de logements locatifs destinés à des ménages à revenus modestes, tant dans le parc social que privé ».

Les moyens financiers et les objectifs physiques de construction avaient été définis par la loi de programmation pour la cohésion sociale de 2005. Hors Programme national de rénovation urbaine (PNRU), ils comprenaient, pour la période comprise entre 2005 et 2009, la production de 500 000 logements locatifs sociaux, de 200 000 logements locatifs privés à loyers maîtrisés grâce aux aides de l'ANAH, ainsi que la remise sur le marché locatif de 100 000 logements vacants.

En 2006, par la loi portant engagement national pour le logement (ENL), puis en 2007, par la loi instituant le droit au logement opposable, les objectifs du PCS dans le parc public ont été renforcés, afin d'accroître la production de logements à loyers modérés (PLUS et PLAI).

b) La réduction des aides à la pierre

Si le PCS continue d'avoir un impact certain sur les chiffres actuels très élevés de la production de logements sociaux, il est indéniable que les moyens financiers disponibles pour les années à venir, depuis l'échéance de 2010, sont en diminution malgré l'apport temporaire du Plan de relance de l'économie. Cette évolution est d'ailleurs inscrite dans les lois de programmation pluriannuelle des finances publiques.

Au cours de l'exercice 2010 , un chiffre record de 131 509 logements sociaux a ainsi été financé, dont 33 % en zone A. Ce résultat exceptionnel a été obtenu grâce à l'effort déployé à l'occasion du plan de relance 16 ( * ) qui a apporté un surplus de 125 millions d'euros au montant des crédits d'aides à la pierre inscrits initialement au budget de l'Etat (soit 500 millions d'euros).

Pour 2011 , les annonces faites pour la programmation de la production de logements sociaux maintiennent un objectif élevé par rapport aux résultats obtenus avant le plan de cohésion sociale, soit 120 000 logements , mais accentuent le recentrage sur les zones tendues 17 ( * ) . Les enveloppes de crédits correspondantes pour les logements sociaux à produire dans chaque région sont affectées par une baisse notable.

La programmation en nombre de logements , établie sur un total de 119 000 logements, et présentée le 20 janvier 2011 par la ministre de l'écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, et le Secrétaire d'Etat au Logement Benoist Apparu, diminue dans toutes les régions à l'exception de l'Ile-de-France et de Provence-Alpes-Côte d'Azur .

La programmation en euros confirme la baisse de la programmation physique, et l'amplifie compte tenu d'un calcul qui ne porte que sur 473 millions d'euros sur les 500 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale avant application de la réserve de précaution. Au total, la diminution est de 24 % par rapport au montant de 624 millions programmé en 2010 et cette chute affecte la totalité des régions , y compris les plus tendues comme l'Ile-de-France (- 17%, soit une baisse de près de 50 millions d'euros), et PACA (- 26%).

Evolution des autorisations d'engagements en Euros 2009/2011

Autorisations d'engagements k euros

Progression

2009

2010

2011

2010/2009

2011/2010

2011/2009

Ile de France

285 000

300 030

250 000

5%

-17%

-12%

Alsace

13 800

11 427

6 846

-17%

-40%

-50%

Aquitaine

24 900

21 869

15 190

-12%

-31%

-39%

Auvergne

7 800

4 499

2 500

-42%

-44%

-68%

Bourgogne

8 500

5 711

2 970

-33%

-48%

-65%

Bretagne

23 100

19 353

11 150

-16%

-42%

-52%

Centre

12 800

7 838

4 830

-39%

-38%

-62%

Champagne-Ardennes

5 500

4 187

2 160

-24%

-48%

-61%

Franche-Comté

5 700

2 730

1 400

-52%

-49%

-75%

Languedoc-Roussillon

21 000

17 359

13 450

-17%

-23%

-36%

Limousin

3 040

1 741

930

-43%

-47%

-69%

Lorraine

13 000

7 719

4 620

-41%

-40%

-64%

Midi-Pyrénées

24 000

21 970

18 200

-8%

-17%

-24%

Nord-Pas-de-Calais

33 900

24 903

18 090

-27%

-27%

-47%

Basse-Normandie

7 700

3 438

1 700

-55%

-51%

-78%

Haute-Normandie

8 900

7 417

4 490

-17%

-39%

-50%

Pays de la Loire

20 000

19 820

14 000

-1%

-29%

-30%

Picardie

9 600

5 681

3 440

-41%

-39%

-64%

Poitou-Charentes

6 600

4 664

2 860

-29%

-39%

-57%

PACA

62 000

64 285

47 850

4%

-26%

-23%

Rhône-Alpes

58 000

62 575

43 500

8%

-30%

-25%

Corse

7 400

5 031

3 300

-32%

-34%

-55%

Total

662 240

624 247

473 476

-6%

-24%

-29%

Source : USH

Ces restrictions ont logiquement des conséquences sur les enveloppes des conventions de délégations qui doivent être prochainement renouvelées.

Dans le cas de la délégation départementale de Paris, la nouvelle convention de délégation signée le 28 mars 2011 avec l'Etat pour six ans prévoit une enveloppe totale de crédits délégués de 500 millions d'euros dont 100 millions d'euros pour 2011, alors que la convention précédente signée en 2005 représentait un engagement de l'Etat d'environ 120 millions d'euros par an 18 ( * ) .

c) La réorientation de la politique de l'ANAH

La diminution des moyens de l'Etat pour les aides au secteur public s'accompagne d'une redéfinition en 2011 des objectifs de l'ANAH selon deux axes stratégiques : la lutte contre l'habitat indigne et très dégradé, notamment dans le cadre des priorités arrêtées par le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD), et le soutien aux propriétaires occupants modestes.

La fin du plan de cohésion sociale a été, en effet, l'occasion de réviser l'intervention de l'ANAH vis-à-vis des propriétaires bailleurs , la priorité exclusive ne portant plus sur la production de logements locatifs sociaux.

Un nouveau régime d'aides pour les propriétaires bailleurs est donc entré en vigueur au 1 er janvier 2011. Il comporte plusieurs inflexions importantes :

- les aides sont recentrées sur les logements dégradés afin de limiter les effets d'aubaine et de cibler les aides de l'Agence, là où elles ont un effet levier significatif, l'aide fiscale étant privilégiée dans les autres cas ;

- la maîtrise du loyer devient une contrepartie systématique au financement de l'ANAH ;

- elle est complétée par un objectif de maîtrise des charges du fait de la mise en place d'une éco-conditionnalité aux aides de l'agence.

Un objectif de 16 500 logements à loyers et charges maîtrisés est fixé pour 2011, correspondant ainsi à l'objectif que s'assigne l'agence en terme d'aides aux propriétaires bailleurs, y compris institutionnels. Il comprend 3 150 logements conventionnés très sociaux et 6 300 logements conventionnés sociaux.

Pour atteindre ces objectifs, l'Etat et l'ANAH entendent « renforcer la mobilisation des délégataires de compétences et des opérateurs pour la prise en charge des ménages très défavorisés ». En d'autres termes, ils attendent une contribution renforcée des délégataires sur ce volet des délégations d'aides à la pierre.


* 16 Et, pour la zone A, par l'opération de rachat par les organismes HLM des logements ICADE.

* 17 Le pourcentage de LLS financés en zone A était de 25% en 2008, il passe à 35 % en 2011.

* 18 Le département de Paris mobilise de son côté 1,6 milliard d'euros sur la durée de la convention, dont 318 millions d'euros en 2011.

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