Rapport d'information n° 645 (2010-2011) de MM. Jean-François HUMBERT et Simon SUTOUR , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 15 juin 2011

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N° 645

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 juin 2011

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la crise économique et financière en Grèce ,

Par MM. Jean-François HUMBERT et Simon SUTOUR,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet , président ; MM. Denis Badré, Pierre Bernard-Reymond, Michel Billout, Jacques Blanc, Jean François-Poncet, Aymeri de Montesquiou, Roland Ries, Simon Sutour , vice-présidents ; Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Hermange , secrétaires ; MM. Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Gérard César, Christian Cointat, Mme Roselle Cros, M. Philippe Darniche, Mme Annie David, MM. Robert del Picchia, Bernard Frimat, Yann Gaillard, Charles Gautier, Jean-François Humbert, Mme Fabienne Keller, MM. Serge Lagauche, Jean-René Lecerf, François Marc, Mmes Colette Mélot, Monique Papon, MM. Hugues Portelli, Yves Pozzo di Borgo, Josselin de Rohan, Mme Catherine Tasca, M. Richard Yung.

Un an après l'intervention de l'Union européenne et du Fonds monétaire international, la Grèce se trouve toujours confrontée à des problèmes de financement. Son endettement et l'absence de résultats tangibles dans sa tentative de réduction de ses déficits devrait ainsi empêcher toute possibilité de revenir sur les marchés financiers l'année prochaine. Le plan d'aide international prévoyait pourtant un tel retour en 2012.

La défiance des marchés à l'égard d'Athènes contraste avec les efforts déjà accomplis par le gouvernement grec en matière de réformes structurelles. Ses systèmes de santé et de retraites ont été notamment réformés en profondeur et son administration territoriale largement rationnalisée. A ces bouleversements s'ajoute une cure d'austérité inédite, visant toutes les catégories de population, rompant de façon nette avec la tradition interventionniste de l'Etat grec. Néanmoins, en dépit du coût social de ces mesures, elles demeurent, en l'espèce, insuffisantes pour juguler l'augmentation régulière des taux d'intérêts. La privatisation et la cession d'une large partie du patrimoine de l'Etat, une intensification de la lutte contre l'évasion fiscale, mal endémique du pays, ou une réforme en profondeur du marché du travail sont encore attendues. Par delà, il apparaît indispensable que la Grèce renoue avec la croissance. La récession économique et l'augmentation concomitante du chômage lui interdit pourtant, à l'heure actuelle, une telle perspective.

Un tel constat induit inévitablement une nouvelle intervention européenne. Les modalités de celle-ci restent, cependant, à définir, notamment en ce qui concerne l'implication des créanciers privés dans l'allègement de la charge financière qui pèse sur la Grèce. Le défi demeure de taille tant l'Union européenne semble incapable, à l'heure actuelle, d'aboutir à un consensus sur la question, au risque de brouiller son image et la cohérence de son action, à l'égard notamment de l'opinion publique grecque, lasse de la politique de rigueur appliquée par son gouvernement.

Un an après le premier choc grec, l'Union européenne a pourtant avancé de façon concrète en matière de gouvernance économique. Il lui appartient cependant de franchir une seconde étape en renforçant encore celle-ci afin de stopper définitivement la crise de la dette souveraine qui, après avoir frappé l'Irlande et le Portugal, menace dans une moindre mesure l'Espagne ou l'Italie.

La Grèce en quelques chiffres

Superficie : 131 957 km²

Population : 11 282 751 habitants

PIB (2010) : 224,5 milliards d'euros

Taux de croissance (2010) : - 4,5 %

Taux de croissance (mars 2011) : 16,2 %

Taux d'inflation (2010) : 4,6%

Solde budgétaire (2010) : - 10,5 % du PIB

Taux d'endettement (2010) : 153 % du PIB

Balance commerciale (2010) : - 10,5 %

Principaux clients : Italie (11,5 %), Allemagne (10,5 %), Bulgarie (7,1 %), Chypre (6,3 %), États-Unis (5,1 %), Royaume-Uni (4,7 %)

Principaux fournisseurs : Allemagne (11,8 %), Italie (11,4 %), Russie (7,4 %), Chine (5,6 %), France (5 %), Pays-Bas (4,6 %), Espagne (3,5 %)

I. LE DEUXIEME ACTE DE LA CRISE FINANCIERE GRECQUE

A. LES CONDITIONS DE LA PREMIERE INTERVENTION EUROPÉENNE

1. Une aide financière de 110 milliards d'euros...

L'annonce, le 16 octobre 2009, par le nouveau gouvernement grec du socialiste Georges Papandreou, d'un déficit budgétaire dépassant les 10 % du PIB conduit l'agence Fitch à dégrader la note de la dette grecque en dessous du niveau A, soit un déclassement sans précédent en ce qui concerne un pays européen. La Commission place alors la Grèce sous surveillance budgétaire en février 2010, lui accordant un mois pour la mise en oeuvre d'un plan d'austérité.

Face aux difficultés que rencontre Athènes pour se refinancer à des taux raisonnables sur le marché, l'eurogroupe et le Fonds monétaire international décident d'accorder une aide de 110 milliards d'euros sur trois ans à la Grèce en avril 2010.

Dans le cadre de celle-ci, les États membres de la zone euro ont octroyé, la première année, des prêts bilatéraux d'environ 30 milliards d'euros, à un taux de l'ordre de 5 %. Les trois principaux contributeurs sont l'Allemagne, la France et l'Italie. La participation du Fonds monétaire international s'établit à 30 milliards d'euros.

Cette aide est notamment destinée à permettre à la Grèce de régler pour partie des difficultés conjoncturelles afin qu'elle puisse revenir se refinancer sur les marchés courant 2012.

2. ...subordonnée à la mise en oeuvre de réformes structurelles

L'aide européenne a été accordée en contrepartie de l'adoption, par Athènes, de réformes structurelles destinées à réduire la dépense publique. Celles-ci ont été réunies au sein d'un mémorandum approuvé par le parlement grec.

Le gouvernement grec a ainsi augmenté la TVA, faisant passer son taux de 21 à 23 %, et majoré de 10 % les taxes sur le carburant et l'alcool. Il a décidé, dans le même temps, de réduire les salaires publics (suppression des treizième et quatorzième mois). Les pensions ont été gelées.

La réforme territoriale, dite réforme Kallikratis, adoptée fin mai 2010 a également participé de cet objectif en réduisant le nombre de circonscriptions électorales, d'élus et d'employés municipaux. Elle a remplacé, par ailleurs, les 57 circonscriptions préfectorales et 19 comtés par 13 régions. Le nombre de municipalités a été ramené de 1034 à 325. Cette réforme visait, dans le même temps, à lutter contre le clientélisme et accroître la transparence en matière de gestion locale. Celle-ci est désormais contrôlée par la Cour des Comptes. Le ministère de l'Intérieur estime que le coût de l'administration locale a été réduit de 25 % par rapport à 2009 depuis l'adoption de cette réforme (3,6 milliards contre 4,8 milliards il y a deux ans).

Le gouvernement a, dans le même temps, réformé les régimes de retraites, qu'ils soient publics ou privés et supprimé les régimes spéciaux. L'âge de départ en retraite est porté de 60 à 65 ans, la durée de cotisation majorée pour passer à 40 annuités, aucun départ en retraite anticipée n'est possible avant 60 ans. La loi instaure, par ailleurs, un plafond en ce qui concerne le montant global des recettes versées : actuellement établi à 12,5 % du PIB, il ne pourra dépasser 14,5 % du PIB en 2050.

La réforme du secteur de la santé est, quant à elle, plus longue à mettre en place. La loi-cadre adoptée en février dernier vise notamment à assainir les finances des caisses d'assurance maladie et garantir la pérennité du système. Le nombre de caisses d'assurance maladie a ainsi été réduit de façon substantielle, seules 4 subsistant désormais, avec l'objectif de les réunir progressivement au sein d'une seule caisse nationale. Les décrets d'application ne sont, toutefois, pas encore parus. La réduction des dépenses de santé - 3 milliards d'euros d'économie attendus sur les trois prochaines années - passe également par une lutte contre l'inflation des dépenses pharmaceutiques. Alors qu'elles représentaient 1 milliard d'euros en 2001, elles ont atteint le chiffre record de 5,1 milliards d'euros en 2009. Les mesures adoptées depuis (ordonnance électronique, conventions individuelles entre l'État et les pharmacies, réforme de la justice ordinale, encouragement à l'utilisation de médicaments génériques) ont permis de corriger certains abus et de ramener ces dépenses à 4,25 milliards d'euros en 2010. L'État espère atteindre la somme de 3,25 milliards d'euros fin 2011 et 2,5 milliards d'euros en 2015.

La modernisation de l'économie souhaitée dans le même temps par le gouvernement passe par l'ouverture à la concurrence du transport routier de marchandises en septembre 2010. Des mesures d'assainissement des entreprises publiques (DEKO) sont également instaurées même si elles restent longues à mettre en oeuvre. L'amélioration de la compétitivité est également abordée par l'intermédiaire de la création d'un fonds national de promotion de l'entreprenariat qui centralise divers financements dédiés à la création d'entreprise et à l'innovation. Le gouvernement entend, dans le même temps, promouvoir les pôles de compétitivité, alors qu'une loi-cadre sur les investissements est adoptée. Le régime des licences professionnelles est, quant à lui, simplifié.

L'aide internationale, les réformes concomitantes et la création dans le même temps de la facilité européenne de stabilisation financière n'ont pas, néanmoins, rassuré les marchés. Le retard pris dans un certain nombre de réformes structurelles contribue à cette défiance.

La fonction publique demeure ainsi pléthorique employant près de 25 % de la population, son recrutement reflétant ainsi une forme de clientélisme surannée, compensant pendant des années le manque de perspectives d'emplois dans le pays. Son mode de rémunération demeure également sujet à caution comme en témoigne l'absence de grille unique de salaire. Le périmètre même du secteur public doit, par ailleurs être revu : l'opérateur ferroviaire maintient ainsi une cinquantaine de lignes rendues obsolètes par la création d'autoroutes quand le distributeur d'électricité emploie plus d'agents qu'EDF. L'absence de flexibilité sur le marché du travail est également source de difficulté et n'a pas été sans conséquence sur l'inflation des salaires ces dernières années. Toute négociation salariale ne peut être obtenue qu'après négociations nationale puis sectorielle suivie d'un accord d'entreprise. Par ailleurs, la fiscalité des entreprises reste extrêmement lourde, le taux de l'impôt sur les sociétés atteignant plus de 40 % alors que les pays voisins bénéficient de taux réduits (Bulgarie, Chypre, Roumanie) ou d'exonérations (Turquie).

De ce fait, depuis l'octroi de l'aide, seuls trois mouvements de baisse des taux ont été observés. La Grèce a même, depuis avril dernier, renoué, voire dépassé, les niveaux atteints avant le déclenchement de l'intervention communautaire. L'annonce par l'Allemagne, au sommet de Deauville de novembre dernier, d'une éventuelle implication du secteur privé dans le règlement de la crise de la dette souveraine est par ailleurs analysée par les autorités grecques comme un mauvais signe adressé aux créanciers, entraînant un durcissement des conditions d'accès aux marchés financiers.

Face à ces difficultés et afin de permettre à la Grèce de retrouver la confiance des investisseurs, le Conseil européen a décidé, en mars dernier, d'accorder une réduction de 1 % du taux d'intérêt de l'aide européenne, qui passe à 4,2 %, et une augmentation de sa maturité de 3 à 7 ans et demi.

B. LES LIMITES DE L'AIDE EUROPÉENNE

En dépit de l'intervention européenne et faute d'une réduction tangible de ses déficits publics, les besoins de financements de la Grèce ne devraient, en effet, plus être couverts à partir du mois de mars 2012. D'ici à la fin 2013, ces besoins sont estimés à environ 60 milliards d'euros, dont 25 milliards au titre du premier trimestre 2012.

Au problème de liquidité rencontré par la Grèce s'ajoute un risque réel en matière de solvabilité. L'accélération de réformes structurelles apparaît, de ce fait, indispensable, le FMI comme l'Union européenne dénonçant régulièrement les retards en la matière du gouvernement grec.

1. La méfiance persistante des marchés

L'hypothèse d'un recours aux marchés apparaît peu plausible, au regard des taux qui y sont pratiqués. Fin mai, les taux à dix ans avoisinent les 17 %. Un an après le plan de sauvetage, les investisseurs estiment l'écart entre les obligations allemandes et grecques à 1 253 points de base (12,53 %).

Rendement des obligations à dix ans au 29 avril 2011

Allemagne

Espagne

France

Irlande

Italie

Grèce

Portugal

3,2 %

5,2 %

3,5 %

4,7 %

4,7 %

15,6 %

9,6 %

1/1/2007

3,9 %

4 %

3,9 %

3,9 %

4,1 %

4,1 %

4,1 %

Ce climat de défiance à l'égard de la dette grecque est renforcé par la récente dégradation de la note du pays par les agences Standard & Poor's et Fitch (B à CCC pour la première et de B + à B - pour la seconde). La note de Standard & Poor's est ainsi inférieure à l'Équateur, au Pakistan et à la Jamaïque. La dette grecque à long terme est considérée par les deux agences comme hautement spéculative. Une telle évaluation est justifiée, selon Standard & Poor's , par le taux des CDS ( credit default swap ), l'assurance contre le défaut, négociée de gré à gré. Le risque de défaut de la dette grecque dans les cinq ans est ainsi estimé à 68 %. Le 1 er juin dernier, l'agence de notation Moody's a, à cet égard, classé la Grèce dans la catégorie des pays à risque réel de défaut de paiement (note Caa1), estimant que la Grèce ne pourrait stabiliser son endettement sans une restructuration de sa dette.

Moody's a, dans le même temps, dégradé la note de huit établissements financiers, leurs portefeuilles d'obligation pouvant être directement affectés par une restructuration de la dette.

La méfiance des marchés à l'égard de la Grèce est paradoxalement renforcée par l'intervention de l'Union européenne. La somme prêtée est, à juste titre, considérée comme une charge supplémentaire pour l'État qui voit sa dette augmenter en conséquence, alors qu'elle atteint déjà 153 % du PIB, soit 345 milliards d'euros. Le plan d'austérité auquel l'aide internationale est conditionnée est, par ailleurs, assimilé à un frein à la reprise économique.

La dette publique en Europe : prévisions pour 2012 de la Commission européenne
(en pourcentage du PIB)

Allemagne

Espagne

France

Grèce

Irlande

Portugal

81,1

71

86,8

166,1

117,9

107,4

2. L'absence de reprise économique

La sortie de crise s'avère en effet délicate pour l'économie grecque. Le PIB a ainsi diminué de 4,5 % en 2010, soit deux fois plus que lors de l'exercice précédent. La baisse de la consommation privée (- 4,5 %) et celle, pour la troisième année consécutive, des investissements (- 12,3 %) justifient une telle contraction. La Commission européenne prévoit une nouvelle dégradation du PIB pour l'exercice 2011, estimant celle-ci à 3,5 % du PIB 1 ( * ) . La troïka a, pour sa part, relevé que l'augmentation de 1,1 % du PIB attendue par le gouvernement pour 2012 devrait certainement être revue à la baisse et atteindre 0,6 %.

Le pays subit à la fois une augmentation du chômage (de 8,3 % de la population active en 2007 à 16,2 % fin mars 2011, 42 % des moins de 24 ans se trouvant sans emploi), une inflation record (4,6 % en 2010 contre 1,5 % dans la zone euro), l'impact de la crise sur le secteur touristique et l'effet des mesures d'austérité. Ces facteurs ne sont pas sans conséquences sur la reprise de la croissance alors même que les trois quarts de la création de valeur en Grèce dépendent de la demande intérieure. De fait, le retour à la croissance n'est pas attendu avant 2013, et encore de façon relative et sans baisse concomitante du chômage. Les prévisions pour l'actuel exercice et les deux prochains mettant même en avant une explosion de celui-ci.

La baisse des rentrées fiscales et des cotisations sociales, inévitable en période de crise, contribuent, par ailleurs, à la détérioration des comptes publics. La hausse d'un point de taux de chômage induit une perte de 300 millions d'euros auxquels il convient d'ajouter une dépense supplémentaire de 150 millions d'euros au titre des allocations chômage.

Prévisions macroéconomiques

2010

2011

2012

2013

PIB

- 4,5 %

- 3,5 %

- 0,1 %

+ 1,8 %

Prix à la consommation

+ 4,6 %

+ 3,3 %

+ 0,8 %

+ 1 %

Taux de chômage

14,8 %

16,2 %

16,2 %

16,1 %

Déficit courant (en % du PIB)

- 10,5

- 7,3

- 7,1

- 5,2

Déficit public (en % du PIB)

- 10,5

- 7,5

- 7,1

- 5,2

Dette de l'État (en % du PIB)

142,8

153

159

159,8

3. Les inquiétudes des bailleurs de fonds

Les échéances de remboursement auxquelles la Grèce devra faire face se situent, pour l'essentiel, en 2012. Un tel délai laisse quelques semaines en vue de déterminer une réponse européenne aux difficultés que rencontre le pays. Une mission d'évaluation, composée d'experts issus de la Commission, du FMI et de la Banque centrale européenne - la troïka -, s'est rendue à Athènes au cours du mois de mai afin de vérifier les progrès de la Grèce en matière de réduction des déficits. Elle devait également estimer la viabilité de la dette du pays. Les conclusions de son rapport devaient déterminer si, compte tenu des réformes engagées par Athènes, l'Union européenne et le FMI pouvaient débloquer la cinquième tranche du prêt, soit 12 milliards d'euros.

Ce versement n'est, en effet, pas automatique, le président de l'eurogroupe, M. Jean-Claude Juncker, ayant ainsi indiqué que le FMI pourrait être contraint de retenir sa part - 3 milliards d'euros - si la mission d'évaluation estimait que la dette grecque s'avérait trop lourde à assumer par Athènes. Les règles de fonctionnement du FMI lui interdisent en effet d'accorder une aide si le pays concerné ne dispose pas de garanties de financement pour une période d'un an.

La troïka a estimé le 3 juin dernier que cette tranche pouvait être versée à l'État grec, Athènes lui présentant de nouvelles mesures d'austérité. Le gouvernement grec s'est notamment engagé à réduire le périmètre du secteur public (restructuration et fermetures d'agences ou d'organismes publics) et le nombre de ses fonctionnaires. Une diminution des allocations sociales et des pensions est également prévue, alors qu'un impôt foncier devrait être créé. Le gouvernement grec envisage par ailleurs de stimuler le secteur du tourisme, de poursuivre la flexibilisation de son marché du travail, de libéraliser les secteurs du transport et de l'énergie et de supprimer les obstacles administratifs aux exportations. L'approfondissement de la réforme des services de santé est également à l'étude. La troïka pourrait, apporter une assistance technique à la Grèce en matière de fiscalité et de privatisations.

Le versement de l'aide ne sera effectif qu'après adoption par Athènes du programme budgétaire à moyen terme annoncé par le gouvernement fin avril et amendé dans le cadre des négociations avec la troïka. Celui-ci pourrait être adopté le 28 juin par le Parlement grec, des lois d'application devant être votées d'ici la mi-juillet.

Néanmoins, face aux besoins de financements de la Grèce pour les deux prochains exercices, ces réformes pourraient s'avérer insuffisantes si elles ne sont pas accompagnées d'une nouvelle intervention européenne sur la dette grecque.

C. QUELLE INTERVENTION SUR LA DETTE GRECQUE ?

Régulièrement avancée par certains, l'hypothèse d'une sortie de la zone euro apparaît plus que délicate à mettre en oeuvre - elle supposerait une révision des traités - et pourrait s'avérer être une contrainte supplémentaire pour Athènes. Assimilée à une véritable dévaluation, elle pose notamment la question du remboursement des dettes, toutes libellées en euro. Il existe, par ailleurs, un consensus politique sur le maintien de la Grèce au sein de la zone euro, allant jusqu'au parti communiste. Une éventuelle solution au problème grec tient de fait plus à une intervention sur le stock de dettes existant ou à un complément à l'aide déjà octroyée au printemps 2010. Elle induit, dans les deux cas, une participation du secteur privé.

1. Organiser le défaut ?
a) Le risque d'une restructuration dure

Selon certains investisseurs, la Grèce ne pourrait s'affranchir de ses difficultés actuelles qu'en réduisant de 30 à 50 % sa dette négociable. Athènes pourrait donc imposer à ses créanciers une telle décote, soit le non-remboursement d'une partie des montants dus.

Le think tank Bruegel estime ainsi que les détenteurs de dette grecque devraient accepter une décote de 30 % de leurs titres dans le cadre d'un plan permettant à la Grèce de retrouver sa solvabilité en vingt ans. A défaut, les décotes devraient être plus importantes à l'avenir.

Une restructuration de la dette grecque ne constitue pas, pour autant, selon la Commission, une solution viable. Une telle opération conduirait, en effet, à fermer l'accès de la Grèce aux marchés durant une longue période, aucun investisseur ne prenant le risque d'octroyer de nouveaux prêts.

Un défaut de remboursement, même circonscrit à un tiers des emprunts souscrits, aurait, en outre, une incidence directe sur le système bancaire grec et, par conséquent, sur les ménages. Les banques grecques détiennent, en effet, environ 48 milliards d'euros d'obligations publiques. L'effacement d'une partie de la dette conduirait donc à un fort resserrement du crédit et à un gel des dépôts. Elle contribuerait au ralentissement économique, déjà observé cette année. Le risque d'un effondrement du système bancaire local conduirait l'État grec à recapitaliser le secteur bancaire avec les sommes récupérées dans le cadre de la restructuration. Les compagnies d'assurance et les fonds de pension grecs qui constituent les deuxièmes plus gros créanciers de l'État seraient également fragilisés par une telle mesure.

Il convient, par ailleurs, de noter que dans le cadre de l'actuelle facilité européenne de stabilité financière, au titre de laquelle est versée l'aide européenne à la Grèce, les gouvernements de la zone euro ne sont pas considérés comme des créanciers prioritaires. Ils peuvent donc encourir des pertes, si la Grèce venait à faire défaut avant l'instauration du mécanisme européen de stabilité financière qui devrait succéder au dispositif actuel en juin 2013. La facilité n'inclut pas, non plus de clause juridique qui permette une renégociation impliquant le secteur privé. Seul le mécanisme européen de stabilité financière devrait permettre une telle coordination des efforts entre créanciers privés et créanciers publics, en cas d'insolvabilité du pays concerné. Ces pertes auraient, en outre, des conséquences indéniables au plan politique, le contribuable européen étant moins enclin à continuer à aider la Grèce.

Cette idée est néanmoins défendue par les Pays-Bas. Les réserves françaises sur une éventuelle restructuration s'expliquent notamment par l'exposition de leurs établissements financiers à la dette grecque 2 ( * ) .

Exposition des banques française à la dette souveraine
(en millions d'euros au 31 décembre 2010)

Espagne

Grèce

Irlande

Italie

Portugal

BNP Paribas

2 903

5 018

433

22 079

1 733

Dexia

1 455

3 462

0

15 831

1 927

Société générale

2 200

2 900

200

4 500

400

BPCE

70

1 236

311

3 174

204

Crédit agricole

2 241

655

11

10 115

2060

Total

8 869

13 271

1 055

55 699

5 324

Il convient de noter, par ailleurs, que l'Eurosystème - les banques centrales de la zone euro - est exposé à hauteur de 135 milliards d'euros à la dette grecque. 45 milliards d'euros de titres ont ainsi été achetés via le Programme pour le marché des titres ( Securities market programme - SMP), 80 milliards ont été versés via les opérations de refinancement des banques à la BCE, et 10 milliards d'investissement ont été réalisés par les banques nationales sur leurs réserves.

b) Le « reprofilage »

L'hypothèse d'un « reprofilage » semble être une solution plus acceptable pour l'Union européenne en dépit des tiraillements observés entre quelques États membres à ce sujet. Cette restructuration douce lierait allongement des maturités des obligations d'État grecques et baisse du niveau des taux d'intérêt. De prime abord hostile au projet, l'Allemagne exige désormais qu'il englobe crédits publics et privés accordés à la Grèce.

Ce « reprofilage » n'est pas exclu par la Commission qui le subordonne néanmoins à une conservation, par les créanciers privés, de leurs titres souverains grecs.

Le « reprofilage » pourrait ainsi prendre la forme d'un échange d'obligations grecques à 65 - 75 % de leur valeur nominale et la mise en place concomitante de « Brady bonds » européens, reprenant ainsi le système mis en place par Nicholas Brady, le secrétaire d'État au Trésor américain en 1982 face à la crise mexicaine qui affectait directement les banques de son pays. Les créanciers accepteraient que les nouvelles obligations aient une durée de paiement plus longue et des taux d'intérêt inférieurs à ceux du marché, en contrepartie d'un gage de confiance. La Grèce, comme le Mexique l'avait fait à l'égard des États-Unis, s'engagerait à cet effet à acheter des bons du Trésor allemands ou français, disposant de la note AAA, qui sont déposés en gage sur un compte de la Banque centrale européenne et qui, en cas de défaut, seraient versés comme compensation aux créanciers de l'État grec.

La Banque centrale européenne (BCE) est plus réservée sur ce « reprofilage », estimant qu'il aurait un impact négatif sur les banques du pays qui seraient toujours confrontées à des problèmes de refinancement sur les marchés. Dans ce cadre, comme dans celui d'une restructuration dure, la BCE envisage de cesser de fournir les banques grecques en liquidités 3 ( * ) . Ainsi, elle ne prendrait plus en garantie les titres de dette grecque en contrepartie des prêts accordés aux banques. La BCE estime que toute restructuration, dure comme douce, constitue un événement de crédit pour les agences de notation et les marchés et donc un précédent potentiellement rééditable en Irlande ou au Portugal.

Il convient, par ailleurs, de ne pas mésestimer les risques que le « reprofilage » fait peser sur les banques. Les établissements financiers grecs ont, à l'instar de leurs confrères européens, logé la dette du pays dans leur portefeuille bancaire. Les titres y sont valorisés à leur prix d'acquisition. En application des règles comptables, les banques devront remplacer les anciens titres par les nouveaux, à leur nouveau prix d'acquisition. De fait, un « reprofilage » ne peut être envisagé qu'à la condition que des mesures soit adoptées en faveur du système bancaire européen, de façon à ce qu'il puisse résister au choc, en assouplissant, par exemple, les ratios de capitaux propres.

La France a manifesté dans un premier temps son hostilité à la restructuration comme au « reprofilage ». Elle est désormais moins hostile à une telle option si elle traduisait une inclinaison volontaire des créanciers privés. Le « reprofilage » n'est, en tout état de cause, envisagé par ses promoteurs qu'après une application du programme de réduction du déficit public annoncé par le gouvernement grec.

c) Le rééchelonnement

Cette solution repose exclusivement sur un allongement de la maturité des titres de la dette grecque, sans baisse des taux d'intérêts. Cette solution n'est pas non plus sans poser de difficultés, notamment d'ordre juridique, et pourrait également être assimilée à un défaut.

De la sorte, selon les chiffres de la banque d'ING, une extension de maturité de trois ans permettrait à la Grèce d'économiser de 20 à 30 milliards d'euros chaque année, voire 10 milliards supplémentaires si le paiement des coupons s'avérait également différé.

Les détenteurs des obligations arrivant à échéance en 2012 seraient bien évidemment les plus affectés, alors que ceux possédant des obligations arrivant à échéance en 2015, 2019 et 2020 enregistreraient des gains, certes faibles.

Impact d'un rééchelonnement à trois ans
(en % de la valeur nominale)

03/
2012

05/
2013

08/
2014

08/
2015

07/
2016

07/
2017

07/
2018

07/
2019

06/
2020

03/
2026

09/
2040

- 27,1

- 11,7

- 1,8

+ 0,3

- 12,4

- 10,5

- 8

+ 0,8

+ 0,3

- 2,2

- 2,1

Là encore, la Banque centrale européenne est peu favorable à une telle option, soulignant qu'elle risquait de fragiliser l'ensemble des marchés de la zone euro, au détriment, notamment de l'Irlande ou du Portugal.

Il convient, par ailleurs, d'insister sur le fait qu'un rééchelonnement comme le « reprofilage » ne résout pas la question du stock et ne permet que de gagner du temps.

2. Une nouvelle aide européenne ?

L'hypothèse d'une aide complémentaire est sans doute la plus vraisemblable face aux risques que comporte toute restructuration de la dette. L'un des objectifs de la mission d'évaluation de l'Union européenne et du FMI était d'ailleurs d'évaluer les besoins de financement d'Athènes.

In fine , sur les 90 milliards d'euros dont aurait besoin la Grèce d'ici à la mi-2014 4 ( * ) , un tiers serait financé par l'Union européenne et le Fonds monétaire international. Le complément serait obtenu via le programme de privatisation et des opérations de titrisations, couplé au maintien de l'exposition des banques à la dette grecque, quand bien même le statut du fonds ne prévoit pas expressément la participation du secteur privé aux plans d'aide.

Celle-ci pourrait être calquée sur l'initiative de Vienne conclue en octobre 2009. Les banques détenant des filiales en Hongrie, en Lettonie et en Roumanie s'étaient engagées auprès de la Banque centrale européenne et de la Banque européenne de reconstruction et de développement à maintenir leurs expositions dans ces pays 5 ( * ) . Les investisseurs devraient ainsi réinvestir en titres grecs, aux mêmes conditions et à maturité identique, les remboursements perçus au titre d'anciens bons (principe dit de rollover ). 65 milliards d'euros d'obligations souveraines grecques arriveront, en effet, à maturité d'ici 2013. Une vingtaine d'établissements européens détenant près de 70 % des titres serait ainsi concernée.

La Banque centrale européenne estime que cette solution n'est pas assimilable à un défaut et la juge, à cet égard, appropriée. Selon ses promoteurs, une telle opération empêcherait de déclencher les CDS, dont les détenteurs sont dédommagés en cas d'incident de crédits. L'agence de notation Moody's est plus réservée sur cette appréciation, émettant des doutes sur l'aspect volontaire du processus.


Le défaut et les CDS

Le marché des CDS sur la dette grecque représente 5,207 milliards d'euros, soit un peu plus de 1 % du marché obligataire grec 6 ( * ) .

Le déclenchement peut intervenir lorsque le pays est en défaut de paiement, lorsqu'il déclare un moratoire sur sa dette ou lorsqu'il procède à une restructuration de sa dette (réduction des intérêts, allongement du délai de paiement ou extension de la maturité) à la condition que cette restructuration contraigne légalement tous les porteurs de l'obligation. Ce qui exclut tout échange fondé sur le volontariat.

Cependant, il convient de remarquer que la restructuration de la banque irlandaise Anglo Irish , aussi sévère que volontaire a débouché sur un déclenchement des CDS, l'aspect coercitif de cette restructuration volontaire ayant été prouvé. Par ailleurs, faute de clause d'action collective (CAC) dans la plupart des obligations grecques, il est nécessaire d'obtenir l'accord de tous les détenteurs de titres pour estimer que cette restructuration est volontaire.

Il appartient au comité de détermination de l'Isda (Association réunissant les acteurs du marché des CDS) 7 ( * ) à voter le défaut. Le dédommagement s'effectue dès lors sur la base d'un taux de recouvrement sur lequel les parties concernées s'accordent. Ce taux est actuellement évalué à 45 % sur la dette grecque.

Le déclenchement des CDS ne serait pas sans conséquence pour les banques européennes qui ont vendu ces instruments financiers, condamnées à dédommager les acquéreurs. Une telle mise à contribution des établissements financiers ne serait pas sans conséquence pour la zone euro.

Le non-déclenchement ne serait pas, pour autant, sans soulever de difficultés, notamment pour les établissements financiers victime du défaut. Une telle issue ne serait pas sans poser de problème pour le marché des CDS et, au-delà, celui des obligations. Les opérateurs estiment, en effet, que le marché obligataire bénéficie de l'existence des CDS.

A la suite du plan d'aide, les établissements financiers allemand et français ont déjà été incités à ne pas vendre leurs titres grecs. Le succès de cette opération n'a pas été flagrant. Les banques françaises ont ainsi réduit de 44 % leur exposition à la dette publique grecque au cours de l'année 2010, passant de 27 à 15 milliards de dollars. Les banques allemandes ont, pour leur part, quasiment maintenu leur exposition, passée de 23,1 à 22,6 milliards de dollars 8 ( * ) .

Exposition des banques à la Grèce par pays d'origine (en milliards de dollars)

France

Allemagne

Etats-Unis

Royaume-Uni

Portugal

Autres

Décembre 2009

78,8

45

16,6

15,3

9,8

51,5

Décembre 2010

56,7

34

7,3

14

10,3

23,5

L'Allemagne est à cet égard, assez réservée sur l'efficacité de cette option, craignant que seules les banques grecques maintiennent de facto leur exposition. Berlin serait plus favorable à ce que l'aide européenne soit liée à un échange volontaire d'obligations anciennes contre de nouveaux instruments d'une durée plus longue de sept ans. Les autres pays, faisant partie du club des pays les mieux notés : Autriche, Finlande, Luxembourg, Pays-Bas rejoints par la Slovaquie et l'Irlande sont également favorables à ce type de rééchelonnement. L'agence de notation Standard & Poor's a d'ores et déjà indiqué qu'une telle opération, qui équivaut à un rééchelonnement, conduirait à classer la dette publique grecque dans la catégorie « défaut ». La Banque centrale européenne a d'ores et déjà manifesté son opposition à une telle solution, la France également.

La position relativement intransigeante du gouvernement allemand s'explique, notamment, par l'opposition à toute nouvelle aide à la Grèce au sein même de la coalition gouvernementale, en particulier de la part des libéraux du FDP. Les banques locales paraissent, par ailleurs, assez réservées sur un éventuel rollover . Seuls les établissements soutenus par la BCE ou sauvés par l'Etat allemand (HRE, West LB ou Commerzbank ) pourraient réinvestir dans des obligations grecques. Les établissements financiers grecs sont eux plus favorables à cet allongement.

Quelle que soit la solution retenue pour l'implication du secteur privé, ce nouveau plan d'aide devra recueillir l'adhésion de tous les États membres et dépasser de la sorte les réticences d'un certain nombre d'entre eux, qu'il s'agisse notamment de la Finlande ou de la Slovaquie 9 ( * ) . L'adoption éventuelle d'un nouveau paquet pourrait intervenir d'ici l'automne prochain.

Par delà, il convient de s'interroger sur la possibilité pour l'Union européenne d'acquérir la totalité de la dette grecque. Aux 110 milliards déjà accordés pourraient en effet s'ajouter au moins 30 milliards supplémentaires d'ici 2014, sommes auxquels il convient d'agréger les obligations acquises par la Banque centrale européenne. Au total, l'Union européenne possèdera à terme plus deux tiers de la valeur totale de celle-ci. L'acquisition du reste permettait, notamment, une restructuration en douceur sans impliquer le secteur privé.

D. UNE POURSUITE DES RÉFORMES TOUT AUSSI INDISPENSABLE QUE DÉLICATE

La priorité pour Athènes, comme pour l'Union européenne, demeure le retour à l'excédent budgétaire, en vue de s'affranchir de l'effet boule de neige de la dette. Une restructuration, même douce, de la dette n'aurait que peu d'incidence sur cette perspective. Pour rembourser l'intégralité des seuls intérêts de la dette, la Grèce doit dégager un excédent budgétaire équivalent à 10 % de son PIB, performance jamais atteinte par un pays membre de l'Union jusqu'alors. Le think tank Bruegel estime, à cet égard, que la Grèce devrait maintenir un excédent budgétaire élevé (entre 8,4 % du PIB et 14,5 % du PIB) à partir de 2015 pour ramener sa dette en deçà des 60 % du PIB.

Le plan d'aide prévoit, pour 2011, un déficit public ramené à 7,5 % du PIB, contre 10,5 % lors de l'exercice précédent (soit en deçà des 9,4 % prévus initialement par le gouvernement). Le gouvernement espère de son côté pouvoir ramener le déficit public à 1 % en 2015.

La Grèce doit, à ce titre, poursuivre la réduction de ses dépenses publiques. Les efforts effectués par Athènes en 2010 se sont d'ores et déjà traduits par une diminution de 7 % du déficit public en un an, n'atteignant pas cependant l'objectif initialement prévu : un déficit ramené à 9,4 % du PIB. Par ailleurs, les premiers chiffres pour 2011 viennent souligner l'écart entre la réalité et les ambitions du gouvernement : alors que celui-ci espérait une augmentation des recettes de 9 % pour l'année en cours, les quatre premiers mois se traduisent par une baisse de 9 % de ces recettes.

C'est pourquoi, comme l'avait souligné la troïka lors de sa précédente mission d'évaluation en février dernier, la Commission européenne a demandé d'opérer une « accélération décisive » en matière de réformes structurelles.

1. Le prolongement de la cure d'austérité
a) Un nouveau plan de rigueur

Fin avril, le gouvernement grec a annoncé un nouveau plan d'austérité - le programme budgétaire à moyen terme -, destiné à accélérer la réduction du déficit public. Les engagements pris devant la troïka début juin viennent le compléter, voire le préciser. Les mesures envisagées devraient permettre à l'État de faire 28,4 milliards d'euros d'économise supplémentaires d'ici à 2015 dont 6,4 au cours du présent exercice. Athènes souhaite que les dépenses publiques représentent 44 % du PIB à cette échéance (contre 53 % en 2009) et que les recettes atteignent le niveau de 2000 soit 43 % du PIB, contre 38 % en 2009. Cette consolidation des finances publiques correspond à 13,1 points de PIB entre 2011 et 2015, dont 3 points pour 2011. Un tel effort est destiné à prendre en compte la progression de la charge de la dette de 57 % sur la période. Cette politique est fondée pour les deux tiers sur une baisse des dépenses (notamment les dépenses sociales et les dépenses de santé) et pour un tiers sur la hausse des recettes. Le gouvernement a, par ailleurs, souhaité doubler les efforts en ce qui concerne le présent exercice, suite à la révision à la hausse du déficit public pour 2010.

L'amélioration serait notamment obtenue par une augmentation des revenus fiscaux. Celle-ci passe par une réduction des exemptions fiscales sur l'impôt sur le revenu, une augmentation des taxes sur les signes extérieurs de richesses (yachts, piscines et voitures de luxe), sur le gaz, les boissons non alcoolisées et les cartes grises de véhicules. Certains produits qui bénéficiaient jusqu'à présent d'une TVA réduite à 13 % vont rejoindre la liste commune. Le programme prévoit, en outre, l'introduction d'une contribution obligatoire exceptionnelle. Cette mesure de dernière minute remplace l'abaissement du plafond d'exemption sur l'impôt sur le revenu qui avait initialement été annoncé. Les retraités de moins de 60 ans touchant une pension seront, quant à eux, soumis à un prélèvement exceptionnel de 8 %, qui devrait rapporter 176 millions d'euros sur 2011 et 2012.

Le renouvellement d'un fonctionnaire sur cinq partant à la retraite ou la réduction de la part de l'État dans la rémunération des prêtres orthodoxes participent également de cet effort supplémentaire de rigueur. La diminution des salaires devrait se poursuivre au cours du prochain exercice alors que l'allongement de la durée de travail des fonctionnaires - de 37,5 à 40 heures par semaine - est également envisagé. Des écoles, des ambassades, des casernes, des postes de police et des hôpitaux devraient également fermer. Le gouvernement entend par ailleurs moderniser la fonction publique en poursuivant l'informatisation de ses services et en encourageant la mobilité.

Le gouvernement souhaite néanmoins tempérer les dommages sociaux de cette nouvelle cure d'austérité en instituant une contribution de solidarité exceptionnelle en faveur des plus bas salaires (inférieurs à 500 euros mensuels). Par ailleurs, une baisse de l'impôt sur les sociétés et de la TVA en 2012 est envisagée.

Le Parlement grec doit encore se prononcer sur l'ensemble de ces mesures, auxquelles viennent s'ajouter celles présentées à la troïka fin mai-début juin. 13 % de l'effort de consolidation budgétaire repose néanmoins aujourd'hui sur des mesures non identifiées. La Commission européenne estime à l'heure actuelle que le déficit public devrait atteindre 9,5 % du PIB à la fin de cette année.

b) L'intensification de la lutte contre la fraude fiscale

La lutte contre la fraude fiscale apparaît comme une priorité. Évaluée à 15 milliards d'euros annuels, elle reflète la situation d'un pays où l'économie grise représente entre 25 et 37 % du PIB 10 ( * ) . Les recettes fiscales rapportées au PIB sont de 4 à 5 % inférieures à la moyenne européenne. 55 % des ménages grecs déclarent ainsi des revenus en deçà du minimum imposable et ne payent pas, de fait, d'impôts. 15 % des contribuables payent environ 80 % de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et 1 % des entreprises payent 70 % de l'impôt sur les sociétés. Le revenu déclaré par les salariés et les retraités représente 76 % du revenu total des personnes physiques contre 4 % pour les professions libérales et les travailleurs indépendants.

A l'occasion de la dégradation de la note grecque en mars dernier, l'agence de notation Moody's avait relevé à cet égard un certain nombre d'obstacles administratifs à la collecte des impôts ainsi qu'une résistance d'une partie de la société grecque. Athènes a adopté en conséquence un plan d'action triennal destiné à répondre à ce problème. Il vise à la fois à moderniser le mécanisme de collecte et améliorer le recueil d'informations fiscales. Une meilleure coopération avec les contribuables est également envisagée afin d'encourager la régularisation volontaire, alors qu'un volet du plan est plus particulièrement dédié à la répression. A ce sujet, le gouvernement a voulu montrer sa fermeté en nommant à la tête de l'unité chargée des crimes économiques et financiers un ancien procureur antiterroriste. La lutte contre la fraude doit permettre d'obtenir 11,8 milliards d'euros de revenus supplémentaires d'ici 2013.

Ce plan est accompagné d'une réforme de l'administration fiscale, axée sur une réduction du nombre de ses antennes locales et une évaluation régulière de son activité. Une gestion plus centralisée, utilisant au mieux les technologies de l'information est ainsi promue. Athènes entend, dans le même temps, multiplier les accords bilatéraux de coopération fiscale, en vue d'identifier d'éventuels évadés fiscaux. Les dispositions adoptées en 2010 ont, quant à elles, déjà donné leurs premiers résultats, les amendes pour fraude fiscale ont ainsi doublé, rapportant à l'État entre 6 et 7 milliards d'euros. Ces mesures n'ont pas, pour autant, jugulé la fuite des capitaux : 35 milliards d'euros ont ainsi quitté le territoire grec en 2010, 12 depuis le début de l'exercice en cours.

2. L'ambitieux programme de privatisations

Dans cette optique, le gouvernement grec a, parallèlement annoncé, un nouveau programme de privatisation de 50 milliards d'euros sur cinq ans, dont 12 à 17 d'ici 2013. 3,5 à 5,5 milliards d'euros seraient obtenus dès cette année. Le gouvernement espère, de la sorte, réduire de 20 points de PIB le déficit public d'ici 2015.

Le plan prévoit une première vague de privatisations visant la totalité des participations de l'État (75 %) dans les ports d'Athènes et de Thessalonique, la vente de ses parts au sein du groupe de paris sportifs OPAP (34 %) la cession des 16 % du capital de l'opérateur téléphonique OTE (dont l'actionnaire principal est Deutsche Telekom ) dont il dispose, de 34 % de la Banque postale et jusqu'à 40 % de la société des eaux de Thessalonique. Ces cinq entreprises, cotées à la Bourse d'Athènes, sont à l'heure actuelle valorisées à hauteur de 1,3 milliard d'euros.

Une deuxième vague de privatisations partielles viserait les entreprises du secteur énergétique (réduction de la participation de l'État au sein de l'opérateur national d'électricité DEI de 51 à 34 %, l'État ne conservant qu'une minorité de blocage établie à 34 % dans la compagnie du gaz Depa) et les chemins de fer. Le Casino du Mont Parnes, l'organisme des paris hippiques (ODIE), l'entreprise de ferronickel Larco et l'opérateur ferroviaire Trainose seraient vendus en totalité. En ce qui concerne les transports, le gouvernement souhaite prolonger la concession de l'aéroport d'Athènes et baisser progressivement la participation de l'État. Les autorités souhaitent également développer de nouveaux partenariats avec le secteur privé pour le système portuaire de l'Attique, les 29 aéroports régionaux et les autoroutes. L'État cherche également un investisseur stratégique pour la poste hellénique et devrait céder en 2012 les activités commerciales de la Caisse des dépôts et consignations.

Le parc immobilier de l'État, dont des plages, devrait être partiellement cédé. Les terrains et immeubles concernés sont valorisés à hauteur de 25 à 35 milliards d'euros. Cette cession est, de fait, censée rapporter deux fois plus que les privatisations stricto sensu . Un programme de mise en valeur devrait, à cet égard, être mis en place.

Principales privatisations prévues en 2011 et 2012

2011

Part de l'État

Part à vendre

OTE Telecom

16 %

16 %

Banque postale

34 %

34 %

Port du Pirée

75 %

75 %

Port de Salonique

75 %

75 % %

Société d'eau de Salonique

74 %

40 %

EAS (Défense)

100 %

66 %

Loterie nationale

100 %

49 à 66 %

DEPA (Gaz)

65 %

32 %

Trainose (Chemins de fer)

100 %

49 à 100 %

Larco (Ferronickel)

55 %

55 %

OPAP Paris sportifs

34 %

34 %

Banque de Grèce

1,2 %

1,2 %

Alpha Bank

0,6 %

0,6 %

2012

Part de l'État

Part à vendre

Aéroport international d'Athènes

55 %

21 %

Autoroute Egniata Odos

100 %

100 %

Poste héllenique

90 %

40 %

Société d'eau d'Athènes

61 %

27 %

DEI (Électricité)

51 %

17 %

Aéroports régionaux

100 %

49 %

Les 50 milliards d'euros attendus représentent 20 % du PIB grec. Ils ne constituent surtout qu'une fraction du patrimoine public local, estimé à environ 280 milliards d'euros. La Grèce répond ainsi aux demandes en la matière formulées en février dernier et réitérées en mai par la troïka. Le plan d'aide de mai 2010 prévoyait initialement un programme de privatisations devant rapporter 7 milliards d'euros sur trois ans. Ce programme de privatisations sera, par ailleurs, supervisé par une agence indépendante dont ferait partie des membres nommés par la Commission européenne et les Etats membres, le gouvernement grec répondant ainsi à une demande de la troïka. Cette agence sera notamment chargée de régler la délicate question des actes de propriété des entreprises publiques qui ralentit actuellement le processus de privatisation.

Il conviendra d'être attentif à l'origine des entreprises intéressées par ces privatisations, la Chine étant notamment très attentive à la situation des infrastructures portuaires grecques. Pékin entend, en effet, faire de la Grèce, la porte d'entrée des marchandises chinoises en Europe. L'accord signé entre le Port du Pirée et l'armateur chinois Cosco Pacific le 25 novembre 2008 a été suivi en mai 2010 de la visite en Grèce du président dudit groupe, confirmant les ambitions grecques dans le domaine maritime mais aussi les attentes grecques en faveur d'un renforcement de la présence chinoise sur son territoire 11 ( * ) . Le déplacement du Premier ministre chinois, Wen Jiabao, accompagné du gouverneur de la Banque centrale de Chine du 2 au 4 octobre dernier est venue illustrer cet intérêt mutuel 12 ( * ) . Par delà, le gouvernement chinois a assuré son homologue de son soutien face à la crise financière qu'il affronte, indiquant son souhait de participer en temps utile au rachat d'obligations grecques.

Un certain nombre de réserves doit néanmoins être apporté aux ambitions gouvernementales. Aucune précision n'a jusqu'ici été fournie en ce qui concerne le calendrier et le processus opérationnel. Par ailleurs, un certain nombre d'informations contradictoires circule, certains projets (Électricité de Grèce et société des eaux d'Athènes) étant contestés au sein même du gouvernement. La vente des biens immobiliers de l'Etat n'est pas non plus sans susciter d'interrogation, tant la dernière opération n'a pas été couronnée de succès : les bâtiments construits à l'occasion des Jeux olympiques de 2004 et laissés ensuite à l'abandon ont ainsi été vendus à l'Eglise orthodoxe en 2009 pour un montant jugé faible. L'Eglise orthodoxe étant, par ailleurs, exonérée d'impôts, l'Etat ne perçoit aucun revenu afférent à ces biens.

Au-delà de ce manque de précisions, il convient d'insister sur le fait que la Grèce devra réformer en profondeur le droit du travail local et les systèmes de régulation qu'elle a mis en place afin d'attirer d'éventuels investisseurs. Un relèvement de certains tarifs (électricité notamment) ou l'autorisation de procéder à des licenciements, jusque là interdits dans plusieurs entreprises publiques, apparaissent indispensables. Face à l'opposition des syndicats, qui pourraient saisir les tribunaux en cas de litige, une immunité judiciaire devrait, en outre, être accordée à la future agence de privatisation.

Par delà, il convient de s'interroger sur l'écart entre la valeur boursière de ces entreprises - 7,9 milliards d'euros, soit moins de la moitié de leur valeur d'octobre 2009 - et le prix qu'espère en tirer le gouvernement.

3. Inventer un nouveau modèle de croissance

En ce qui concerne la relance de l'économie, le gouvernement a annoncé la suppression, à compter du 2 juillet, de nombreuses barrières à l'entrée de 136 professions : boulangers, buralistes, agents d'assurance, agents immobiliers, dockers, électriciens, kinésithérapeutes, psychologues, bateaux-taxis, coiffeurs, etc. Ces barrières prenaient des formes diverses : limitation du nombre de l'implantation des prestataires, fixation de prix minimums, licence administrative obligatoire. La libéralisation des conditions d'exercice de certains métiers (avocats, notaires, experts-comptables, ingénieurs civils, architectes et pharmaciens), jusque-là réglementées, demeure soumise à l'adoption d'un décret d'application.

Une relance de l'activité est indispensable en vue de revenir à l'excédent budgétaire. Là encore, les chiffres tendent à indiquer qu'une reprise demeure pour l'instant hypothétique : la contraction du PIB est estimée à 7 % fin 2010 alors que le principal indice de la Bourse d'Athènes, l'ASE, a perdu près de 25 % en un an. La production industrielle a chuté, quant à elle, de 11 % au mois d'avril, après une baisse de 8 % en mars.

Le gouvernement milite par ailleurs pour la promotion d'un nouveau modèle de croissance, reposant sur l'écologie et censé attirer les investisseurs. Il s'est ainsi fixé, à l'horizon 2020, un objectif de 20 % d'énergies renouvelables dans la consommation d'énergie et de 40 % dans la consommation d'électricité. D'autres secteurs méritent par ailleurs d'être soutenus, qu'il s'agisse du tourisme où la montée en gamme annoncée tarde à se concrétiser, de l'industrie de la défense ou de celle de la recherche, la Grèce disposant de nombreux ingénieurs.

Par delà, c'est l'ensemble du tissu économique qu'il convient de revoir, la Grèce étant caractérisée par la surreprésentation des petites entreprises (930 000 sur 960 000), composées en moyenne de quatre salariés, et l'absence de dynamique industrielle. Comme le Portugal, la Grèce devra, dans les prochains mois, réorienter sa stratégie économique en s'orientant davantage vers les secteurs tournés vers l'exportation et tenter de s'affranchir d'un modèle de croissance complètement dépendant de la demande interne.

4. L'absence de consensus politique et la montée de la contestation sociale
a) L'impossible unité nationale

L'Union européenne, comme le FMI, souhaite que les mesures adoptées recueillent la plus grande adhésion, en vue d'éviter toute remise en cause, en cas d'alternance politique. Cet appel à l'unité nationale ne semble toutefois pas susciter de réaction positive, alors que le gouvernement semble affaibli politiquement.

L'opposition se montre, en effet, extrêmement réservée sur le programme budgétaire à moyen terme du Premier ministre. La principale formation politique Nouvelle Démocratie juge inefficace les mesures adoptées jusqu'alors, souhaitant, avant tout, la mise en place d'un programme destiné à relancer l'économie. Seul le programme de privatisations pourrait recueillir un vote favorable. Ces objections doivent néanmoins être nuancées, Nouvelle Démocratie souhaitant ramener le déficit en dessous de 1 % du PIB dès 2013. M. Samaras plaide par ailleurs pour une action rapide en matière de privatisations et de lutte contre la fraude fiscale. Son programme repose sur quatre propositions : consolidation des finances publiques, renforcement de la compétitivité, renégociation du mémorandum pour apaiser les tensions sociales et mise en oeuvre d'une véritable solidarité communautaire.

Au sein même de la formation majoritaire, le parti socialiste grec (PASOK), des dissensions apparaissent sur l'ampleur des réformes à mener, soixante-dix députés ayant pris publiquement position contre la politique économique gouvernementale, certains appelant de leurs voeux une restructuration de la dette en 2013 et l'organisation d'élections anticipées. Le PASOK se trouve de fait dans une situation complexe, contraint d'appliquer un programme d'austérité qui ne constituait pas le fondement de son discours de campagne, perdant par là même tout légitimité dans l'opinion publique.

Ce risque d'implosion de la majorité n'est pas sans susciter d'interrogations, alors même que les mesures d'austérité annoncées par le gouvernement et le programme de privatisation n'ont pas encore été soumises au Parlement. Des négociations entre le gouvernement et les responsables des partis sont en cours, en vue de trouver une solution politique à cette impasse.

L'hypothèse d'un referendum est également envisagée pour tenter de dépasser cette crise politique en gestation. Cette option, qui ne recueille pas l'adhésion de l'ensemble des membres du gouvernement, demeure néanmoins assez floue tant il paraît impossible, dans le contexte actuel, que la population vote en faveur d'un raidissement de la politique de rigueur. Par ailleurs, l'article 44-2 de la Constitution grecque interdit formellement le recours à un référendum pour des questions budgétaires.

Dans un pays où le vote est théoriquement obligatoire, l'abstention massive observée au second tour des élections locales du 14 novembre dernier - 50 % des inscrits - est assez révélatrice de cette défiance à l'égard du monde politique 13 ( * ) . La situation économique ne profite pas, pour autant, à Nouvelle démocratie qui voit certes son écart se réduire avec le PASOK, en termes d'intensions de vote, mais n'engrange pas réellement de nouveaux soutiens. Les deux principaux partis qui incarnaient jusqu'ici la vie politique du pays ne représentent plus environ que 40 % du corps électoral contre 80 % auparavant et sont largement concurrencés par des formations plus radicales, le populiste LAOS et le parti communiste KKE. Les prochaines élections législatives sont prévues en 2013. Le parti de gauche Syriza milite, à cet égard, pour la convocation d'élections anticipées.

b) Une dégradation notable du climat social

Le climat social est marqué par une détérioration de la confiance à l'égard du gouvernement. Le sentiment d'inquiétude induit par l'augmentation concomitante du coût de la vie et du chômage, notamment chez les jeunes, est en constante progression. Plus d'un jeune Grec sur trois affirme, par ailleurs, vouloir quitter le pays.

L'annonce d'un deuxième plan d'austérité a eu un rôle de déclencheur, l'opinion publique estimant qu'une seconde vague de mesures soulignait l'échec patent du gouvernement et sa conduite à vue. Si l'année dernière, les protestations étaient relativement modérées à l'égard de la cure d'austérité imposée par le gouvernement, le mécontentement tend à croître au regard de l'absence de résultats tangibles et au recours annoncé à une nouvelle aide européenne. Ces mouvements traduisent, par ailleurs, dans la population une absence de visibilité en ce qui concerne l'avenir, doublée pour partie d'un sentiment d'injustice face à des réformes (évasion fiscale, inégalités en matière de réductions salariales) qui s'avèrent pour partie incomplètes. L'antiparlementarisme qui tend à se faire jour dans le pays se nourrit, entre autres, de l'absence de révision en profondeur des conditions d'exercice du mandat parlementaire et des facilités offertes dans le cadre de celui. A titre d'exemple, un parlementaire peut ainsi recruter un assistant qui bénéficiera de seize mois et demi de salaire par an et se verra ensuite intégré à la fonction publique parlementaire.

Le programme de privatisations entrepris par le gouvernement est, à cet égard, devenu un sujet de conflit entre gouvernement et syndicats, ceux-ci s'affranchissant de plus en plus de la tutelle historique du PASOK. Le succès des manifestations du 5 juin - plus de 100 000 personnes dans les rues d'Athènes - constitue, à cet égard, un signe tangible de la montée en puissance de cette opposition frontale à la politique gouvernementale. Le mouvement des « indignés » grecs, réunis sur la place Syntagma depuis le 25 mai, vient, à cet égard, souligner un durcissement de la contestation à l'égard de la politique gouvernementale. Des incidents, par ailleurs sans gravité, visant ministres et députés, toutes tendances confondues, tendent à se multiplier à Athènes mais aussi dans le reste du pays.

L'opinion publique récuse, de fait, au personnel politique la capacité de sortir le pays d'une crise dont elle l'estime responsable. Un sondage paru dans le journal To Vima le 29 mai dernier est, à cet égard, assez révélateur : 80 % des Grecs approuvent la vente de biens publics mais 47 % de la population ne juge pas le gouvernement apte à mener un tel programme.

Au-delà, il convient de souligner la perception négative par l'opinion publique de l'attitude d'un certain nombre d'États membres de l'Union européenne. L'Allemagne cristallise à cet égard la rancoeur, sa position étant assimilée à une forme de mépris, ravivant, de façon certes exagérée, le souvenir de la seconde guerre mondiale. Cette défiance vient compléter le rejet des mesures imposées par l'Union européenne et le FMI, assimilé à une perte d'indépendance du pays.

Une idée reçue ? La Grèce et le temps de travail

Allemagne

Espagne

France

Grèce

Italie

Portugal

Temps de travail annuel (en heures)

1 390

1 654

1 554

2 119

1 773

1 719

Age moyen de départ en retraite

62,2

62,3

60

61,5

60

62,6

Source : Natixis

*

* *

L'octroi d'une nouvelle aide européenne à la Grèce, portant le montant de l'intervention à plus des trois quarts du produit intérieur brut local, permettrait de repousser à 2014 l'épreuve des marchés pour Athènes. Cette période de trois ans s'avère cruciale pour évaluer l'impact des mesures adoptées par le gouvernement afin de réduire la dépense publique mais aussi de relancer l'économie. Au regard des risques induits par toute forme de restructuration, elle apparaît comme la seule solution à peu près viable. L'invention d'un nouveau modèle de croissance demeure néanmoins indispensable en vue de gommer les effets logiquement récessifs de la cure d'austérité imposée au pays. Elle est également essentielle pour dépasser les difficultés sociales et politiques que la Grèce peut rencontrer. Celles-ci peuvent apparaître inquiétantes à terme puisqu'elles révèlent une réelle crise de légitimité des structures démocratiques grecques, mais aussi une défiance certaine à l'égard de l'Union européenne.

En ce qui concerne l'Union européenne, le deuxième acte de la crise grecque est un test de grande ampleur. Jusqu'à présent, il ne semble déboucher que sur une forme de cacophonie, la Banque centrale contredisant la Commission, elle-même remise en cause par les déclarations de l'eurogroupe ou de tel ou tel État membre. Une telle situation n'est pas sans incidence sur les marchés financiers. L'Union européenne avait démontré, au printemps 2010, une réelle capacité de réaction en combinant aide financière et renforcement de la gouvernance économique. Il lui appartient désormais de passer à une seconde étape et de faire montre de maturité politique en parlant d'une seule voix. Ce faisant, elle devrait atténuer la fébrilité observée sur les places financières et gagner en cohérence. Elle rendrait par ailleurs plus lisible son action en faveur de la zone euro, alors même que celle-ci peine à susciter l'adhésion des opinions publiques.

II. LA ZONE EURO, UN AN APRÈS

A quelques mois du dixième anniversaire de l'introduction physique de la monnaie européenne, la crise de la dette souveraine affecte près d'un tiers des membres de la zone euro, confrontés à des difficultés croissantes pour accéder aux marchés (Espagne, Italie) ou mis sous assistance financière (Grèce, Irlande, Portugal).

La réponse formulée par l'Union européenne, il y a un an, face aux difficultés rencontrées par la Grèce puis l'Irlande et le Portugal a consisté en la mise en oeuvre de plans de sauvetages financiers de grande ampleur en coopération avec le Fonds monétaire international, conditionnés à l'adoption, par les pays concernés, de mesures d'austérité sans précédent.

Les difficultés que continue à rencontrer la Grèce viennent souligner la nécessité pour l'Union européenne d'aller plus loin et de dépasser le stade du règlement des difficultés financières. L'effet par nature récessif des mesures de rigueur adoptées à Athènes, mais aussi à Dublin et Lisbonne, dans le cadre des plans d'aide n'est pas de nature à rassurer définitivement les marchés financiers. Il s'agit bien là du paradoxe de l'intervention européenne qui tente de juguler le problème de liquidités mais fragilise toute relance rapide de l'économie.

A. DE L'AIDE EXCEPTIONNELLE À LA PÉRENNISATION DU MÉCANISME DE SOUTIEN

1. L'effet de contagion

Conçue pour stopper une contagion de la crise de la dette à d'autres pays de la zone périphérique, l'aide accordée à la Grèce n'aura pu empêcher un durcissement des conditions d'accès aux marchés financiers à l'endroit de l'Irlande et du Portugal, ainsi que, dans une moindre mesure, l'Espagne. Ces difficultés à se refinancer ont finalement conduit Dublin et Lisbonne à recourir à l'aide de l'Union européenne.


Les contours de l'aide accordée au Portugal

Comme le laissait entendre le rapport n° 249 de la commission des affaires européennes du 19 janvier dernier, le Portugal s'est vu contraint début avril de recourir au fonds de soutien de l'Union européenne.

Une aide 78 milliards d'euros sur trois ans a ainsi été accordée à Lisbonne, dont les deux tiers seront financés par l'Union européenne et un tiers sera à la charge du FMI. Le taux d'intérêt concernant les fonds débloqués par l'Union européenne se situe entre 5,5 et 6 %, alors que celui retenu par le FMI devrait être plus faible, augmentant en fonction de la durée de l'échéance (entre 3,25 et 4,25 %). La maturité moyenne des prêts est évaluée à 7 ans et demi.

Le programme d'aide repose sur trois conditions

La première d'entre elles concerne l'assainissement des finances publiques, le déficit public devant être ramené à 5,9 % du PIB en 2011, 4,5 % en 2012 et 3 % en 2013, contre 8,6 % en 2010. Les efforts de consolidation budgétaire devraient, à cet égard, être équivalents à 10 % du PIB sur trois ans, financés aux deux tiers par des réductions budgétaires (réduction des pensions de retraites de plus de 1 500 euros mensuels, gel des autres pensions, gel des augmentations salariales dans la Fonction publique en 2012 et 2013) et pour le tiers restant, par une augmentation des recettes, notamment fiscales (suppression de déductions d'impôts sur le revenu et sur les bénéfices des sociétés, augmentation des taxes sur les voitures et le tabac). La compagnie Air Portugal, la division fret des chemins de fer portugais, les entreprises publiques du secteur énergétique (GALP, EDP,REN), de la communication ( Correios Portugal ) et des assurances ( Caixa seguros ) seront également privatisées.

Dans le même temps, 12 milliards d'euros sont prévus pour recapitaliser le secteur bancaire. Des exigences en matière de capital propres seront portées à 9 % en 2010 et 10 % en 2012.

Des réformes structurelles destinées à supprimer les rigidités observées, notamment, sur le marché du travail devront être entreprises. La réduction de la durée de versement des allocations-chômage de trois ans à dix-huit mois et la diminution des indemnités de licenciement de trente à dix jours par année travaillée est ainsi envisagée.

Les autorités portugaises doivent, par ailleurs, encourager les investisseurs privés à maintenir leur exposition à la dette portugaise.

La victoire du parti social-démocrate aux élections législatives du 6 juin dernier ne remet pas en cause l'application de ce plan négocié entre la troïka et le gouvernement socialiste sortant. Une première tranche de 18 milliards d'euros a ainsi pu être versée.

Il convient, cependant, de souligner que chacune de ses crises a sa spécificité : explosion de la bulle immobilière en Irlande, laxisme budgétaire en Grèce et effondrement de la compétitivité portugaise. Il ne s'agit, dès lors, pas tant d'une crise de la zone euro que d'une crise des politiques économiques nationales. Les inquiétudes concernant l'Espagne et l'Italie sont, de leur côté, principalement liées à une interrogation sur leur aptitude à renouer durablement avec la croissance. De fait, la question de la contagion ne tient pas à la similarité des crises mais bien au climat de défiance vis-à-vis de la dette souveraine européenne des pays rencontrant le plus de difficultés économiques.

Les marchés développent désormais une crainte à l'égard de la dette souveraine européenne toute aussi irrationnelle que ne l'était la confiance d'avant la crise, à l'époque où la Grèce empruntait quasiment au même taux, au risque de différer des réformes structurelles indispensables. Désormais, le risque d'insolvabilité de l'un affecte directement le refinancement des autres. C'est en ce sens que la solidarité européenne doit continuer à jouer à plein, afin de restaurer la confiance des marchés.

C'est sous l'angle de l'effet de contagion que doit également être analysée l'hypothèse de toute restructuration, en Grèce comme ailleurs. Si en Amérique du Sud, la restructuration de la dette n'affectait qu'un seul État, elle ne toucherait pas seulement au sein de la zone euro l'État débiteur mais affecterait également indirectement les autres pays en difficulté, voire l'ensemble de la zone en dissuadant les établissements financiers d'investir dans la dette publique.

2. Le mécanisme de soutien

Suite à la crise grecque, l'Union européenne s'est dotée d'un dispositif de sauvetage à destination des pays de la zone euro, dérogeant à la clause de non-assistance financière prévue dans les Traités.

Cette facilité transitoire est composée de trois éléments distincts.

Le Fonds européen de stabilité financière (FESF), initialement doté de 440 milliards d'euros constitue le volet intergouvernemental du dispositif. Cet instrument aide les États en difficulté après avoir emprunté sur les marchés grâce aux garanties apportées par les dix-sept États de la zone euro. Le fonds a été mis en place en mai dernier pour une durée de trois ans. Il est activé à l'unanimité des États participants.

Le chiffre de 440 milliards d'euros a rapidement été relativisé au regard de l'impossibilité pour la Grèce, l'Irlande ou le Portugal d'être appelées en garantie. Seuls six pays bénéficient à ce jour d'une notation maximale (AAA) qui leur permet d'être effectivement appelés en garantie. De fait, le Fonds ne peut, en l'espèce, lever que 220 milliards d'euros sur les 440 milliards annoncés. Le Conseil de l'Union européenne du 2  mars a, de ce fait, modifié le dispositif afin de doter le Fonds d'une capacité effective de prêt de 440 milliards.

Le mécanisme européen d'assistance financière - 60 milliards d'euros - est, quant à lui, le volet communautaire du dispositif. Il est financé par des emprunts réalisés par la Commission sur les marchés, garantis par le budget communautaire. Il est activé à la majorité qualifiée des vingt-sept États membres de l'Union.

Le Fonds monétaire international abonde, pour sa part, le dispositif à hauteur de 250 milliards d'euros

Le Conseil européen a cependant souhaité pérenniser cette facilité au-delà de 2013 en créant, sur les fondements du dispositif actuel, le Mécanisme de stabilité européenne (ESM). Le volet intergouvernemental sera doté de 500 milliards d'euros. Le nouvel instrument prévoit de conditionner l'aide à l'égard d'un pays à l'adoption par celui-ci d'un programme drastique d'ajustement de la dette souveraine. Le futur mécanisme prévoit parallèlement une participation du secteur privé, au cas par cas. Deux cas sont envisagés :

• Lorsqu'un pays faisant appel à l'ESM est considéré comme solvable, les créanciers privés sont encouragés à conserver leur exposition à la dette souveraine ;

• Dans le cas contraire, s'il est tenu pour insolvable, le pays concerné doit négocier un plan exhaustif de restructuration de sa dette avec les créanciers privés.

Les pays de la zone euro devront, à ce titre, inclure dans leurs émissions de dette souveraine des clauses d'action collective après la mi-2013. Les créanciers pourront alors décider à la majorité qualifiée de modifier les termes des contrats liés aux titres de dette et d'accepter notamment un rééchelonnement du remboursement, une baisse du taux d'intérêt, voire une décote de la valeur des titres de dette.

Le mécanisme européen est, par ailleurs, autorisé à acheter des titres de dette sur le marché primaire, à titre exceptionnel.

La création de l'ESM sera entérinée après modification du Traité de Lisbonne.

B. LA ZONE EURO EN QUÊTE DE GOUVERNANCE

Malgré un endettement public et un déficit public inférieur à ceux constatés aux Etats-Unis et au Japon, la zone euro demeure sujette à une inquiétude marquée de la part des marchés financiers qui ne vise pas tant la valeur de la monnaie que la dette des Etats membres. De fait, afin de répondre à cette défiance, l'Union européenne s'est dotée, depuis mai 2010, de nouveaux instruments destinés à mettre en place une véritable gouvernance de la zone euro, dépassant le simple stade de l'assistance financière, sans pour autant totalement gagner en visibilité tant à l'égard des marchés que des opinions publiques.

1. Les fondements d'une gouvernance économique
a) La coordination des politiques budgétaires

Le Conseil européen a défini en septembre dernier les contours du « semestre européen » qui vise à mettre en place une coordination harmonisée des politiques économiques, en amont des procédures budgétaires nationales. Le « semestre européen » doit permettre d'infléchir les orientations budgétaires qui s'avèreraient manifestement inadaptées. A cet effet, les Etats doivent en conséquence transmettre leurs programmes de stabilité, détaillant leurs trajectoires budgétaires et leurs programmes de réforme avant la fin du mois d'avril. La Commission européenne présente ses propositions d'avis, voire de recommandation, sur chaque programme national dès la fin du mois de mai, le Conseil européen adoptant avis et recommandations à la fin du mois suivant.

La Commission a, par ailleurs, estimé nécessaire, en janvier 2011, un fort ajustement budgétaire sur les dépenses publiques (à l'exception de celles afférentes à l'éducation et à la recherche) au sein des Etats de la zone euro. La Commission estime également que les Etats membres pourraient opérer une hausse de la fiscalité indirecte et un élargissement des assiettes fiscales.

Par ailleurs, la réforme du pacte de stabilité et de croissance sur lequel le Conseil européen du 24 mars 2011 a trouvé un accord politique, prévoit un renforcement de ses volets préventif et correctif et accorde une attention plus importante à l'endettement public. De fait, la procédure pour déficit public serait lancée non plus seulement lorsque le déficit public dépasse le seuil de 3 % du PIB, mais également si la dette commence à s'écarter d'une trajectoire soutenable. Le seuil de 60 % du PIB retenu dans la rédaction initiale du PIB n'apparaît plus pertinent face à l'explosion de l'endettement public de part et d'autre de la zone euro. L'appréciation de la situation budgétaire des Etats membres doit désormais tenir compte de « facteurs pertinents » prévus par les textes. Le Conseil demeure seul compétent pour enclencher la procédure de sanction. Celle-ci sera plus rapide et s'imposera dès le constat d'un déficit excessif ou d'une réduction insuffisante de la dette, sauf si une majorité du Conseil s'y oppose (principe de la majorité qualifiée inversée). La réforme du pacte pourrait entrer en application courant 2015.

b) Vers une meilleure coordination économique

La réforme du pacte de stabilité et de croissance décidée en juin 2010 introduit également un suivi des équilibres macroéconomiques. L'Union européenne préconise, à cet égard, la mise en place d'une série d'indicateurs destinés à évaluer chaque année les déséquilibres et les faiblesses macroéconomiques. Cette estimation serait effectuée en fonction d'indicateurs : déficit commercial, situation de la balance des paiements, évolution des prix et notamment ceux de l'immobilier, etc. Si les chiffres des pays concernés s'écartent de la moyenne de l'Union européenne, la Commission serait en mesure de demander des éléments d'explications aux autorités des États membres. Avec ce mécanisme, l'Irlande comme l'Espagne auraient pu être interrogées sur la bulle immobilière en gestation dans leurs pays, où les prix ont été multipliés par 4 ou 5 sur une courte période.

Les indicateurs du mécanisme de surveillance macro-économique

Indicateur

Mode de calcul

Seuil à ne pas franchir

Comptes courants

Moyenne des trois dernières années en % du PIB

+/- 4 % du PIB

Position extérieure nette

En % du PIB

35 % du PIB

Parts de marchés à l'export

En valeur sur cinq ans

- 6 %

Coûts unitaires du travail

Valeur nominale sur trois ans

+ 9 % (zone euro)

+ 12 % (hors zone euro)

Taux de change effectifs réels

Evolution sur trois ans par rapport à 35 pays industrialisés

+/- 5 % (zone euro)

+/- 11 % (hors zone euro)

Endettement privé

En % du PIB

60 %

Flux de crédit au secteur privé

En % du PIB

15 %

Prix de l'immobilier

Evolution annuelle

6 %

En l'absence de justification et en cas de déséquilibre particulièrement grave, le Conseil déclarerait l'État membre concerné en « situation de déséquilibre excessif » et lui adresserait un ensemble de recommandations destinées à corriger les déséquilibres. Si ces recommandations n'étaient pas mises en oeuvre, la question serait portée devant le Conseil européen. Pour les États membres de la zone euro, des sanctions - éventuellement financières - pourraient être décidées. De telles amendes pourraient venir abonder le Fonds européen de stabilisation financière. Le mécanisme de surveillance macro-économique fait partie du paquet gouvernance qui devrait être définitivement adopté d'ici à la fin du mois de juin.

En ce qui concerne les orientations économiques de l'Union européenne, la Commission a invité en janvier 2011, dans son « examen annuel de la croissance », les États à réduire les écarts de compétitivité en relevant l'âge de départ en retraite et en prônant la modération salariale. Elle a, en outre, annoncé une poursuite de la libéralisation du marché unique et indiqué sa volonté de progresser sur l'harmonisation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés et de la TVA. Ce document préparait les orientations stratégiques dégagées par le Conseil européen le 23 mars dernier. Celles-ci insistent sur un assainissement budgétaire soutenu, supérieur à 0,5 % du PIB et un taux d'accroissement des dépenses publiques inférieur à la croissance. Le Conseil européen préconise une réorientation des charges fiscales pesant sur le travail doublée d'une réforme des marchés de l'emploi.

C'est dans cette lignée que les Etats membres de la zone euro, rejoints par le Danemark, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne ont adopté le 11 mars dernier un « Pacte pour l'euro plus » destiné à intensifier leur coordination en fixant des objectifs communs de politique économique. Des engagements nationaux précis devraient être pris d'ici l'an prochain. Sans prescrire des mesures uniformes, le pacte cerne un certain nombre d'objectifs communs : harmonisation fiscale, encadrement normatif de l'évolution des finances publiques, hausse des taux d'activité, évolution des salaires en fonction de la productivité.

c) Le renforcement de la régulation et de la surveillance financière

La crise irlandaise a permis à la Commission de renforcer ses normes en matière de supervision bancaire, notamment en ce qui concerne ses « stress tests ». Ces examens de résistance des banques aux chocs macro-économiques, sont destinés à prévenir ce type de crise. L'Autorité européenne de supervision bancaire (EBA) est désormais en charge de la supervision de ces tests et a annoncé, le 8 avril dernier, la participation à ceux-ci de 90 banques européennes, représentant 65 % des actifs bancaires de l'Union européenne et au moins 50 % des actifs au sein de chaque pays de l'Union européenne. 24 établissements bancaires espagnols, 13 allemands, 6 grecs, 5 italiens et 4 britanniques, danois, français, néerlandais, portugais et suédois seront ainsi évalués.

Sur 91 établissements financiers testés en 2010, seuls 7 d'entre eux (5 espagnols, 1 allemand et 1 grec) avait échoué. Quelques mois plus tard, deux grandes banques irlandaises se trouvaient néanmoins au bord de la faillite. L'EBA a, à cet égard, annoncé un renforcement des critères d'évaluation. Les banques devront désormais pouvoir justifier d'un ratio minimal de 5 % de capitaux propres « durs » ( core Tier 1 , soit le type de capital considéré comme ayant la meilleure capacité d'absorption de chocs) en cas de choc économique. Comme lors des précédents tests, l'autorité européenne utilisera deux scenarios : l'un dit « de base », reprenant les principales prévisions économiques, et l'autre dit « adverse », fondé sur des hypothèses de dégradation de l'économie et des marchés financiers. Celles-ci sont notamment marquées par une plus grande sévérité par rapport aux tests précédents : une baisse de 0,5 % du PIB en 2011 est ainsi envisagée par le régulateur alors même que la Commission table sur une augmentation de 1,5 %. Il convient néanmoins de noter que l'Autorité européenne écarte toute restructuration de la dette grecque, estimant celle-ci non plausible. Le renforcement des tests passe également par une réduction de la marge de manoeuvre laissée aux banques européennes pour établir des documents financiers et la mise sur pied d'une équipe d'experts issus des superviseurs nationaux, de l'EBA et de la Banque centrale européenne qui révisera pendant un mois les données communiquées.

L'accord de Bâle III signé par les pays membres du G 20, qui devrait être appliqué au sein de l'Union européenne via la directive CRD 4 actuellement en cours de préparation, prévoit, en outre, à l'horizon 2019 un relèvement des ratios de solvabilité des établissements bancaires. Il prévoit un ratio d'endettement pour éviter un endettement excessif en plus des exigences de fonds propres et un durcissement des normes de liquidité. Selon la Fédération bancaire européenne, l'accord pourrait cependant conduire à des problèmes de financement pour l'économie réelle. Le Comité européen des contrôleurs bancaires, prédécesseur de l'Autorité européenne de supervision bancaire, avait déjà estimé ces risques, les évaluant à environ 15 % du PIB de l'Union européenne pour le ratio de financement à long terme et à environ 8 % du PIB de l'Union pour le ratio de liquidité à court terme.

Nonobstant ces réserves, la directive dite CRD 4 devrait également introduire des règles exigeant de toutes les banques qu'elles disposent en permanence de la liquidité indispensable. Cette liquidité devrait être contrôlée par les superviseurs nationaux. La Commission travaille également à l'élaboration d'une directive sur la gestion des crises bancaires, destinée notamment à mettre en place un réseau harmonisé de fonds de résolution nationaux. La mise en place d'un système de garantie des dépôts par le biais d'une taxe sur les transactions financières participe également de cet effort de renforcement du contrôle des établissements financiers par l'Union européenne.

La future directive CRD 4, comme les tests bancaires, viennent, par ailleurs, concrétiser la modification du cadre de surveillance européenne. Le Comité européen de risque systémique, dont le secrétariat est placé auprès de la Banque centrale européenne est ainsi chargé d'identifier les dangers pour l'ensemble du système financier et d'émettre, en conséquence, alertes et recommandations. Trois Autorités de surveillance européennes (ASE) sont parallèlement mises en place : l'Autorité bancaire européenne, l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles et l'Autorité européenne des valeurs mobilières. Leur mandat consiste principalement en l'élaboration d'un ensemble de règles harmonisées.

Ce renforcement des normes d'encadrement de l'activité bancaire demeure néanmoins d'autant plus indispensable que, dans son dernier « Rapport sur la stabilité financière dans le monde », le Fonds monétaire international relève que si les banques européennes ont cherché à élever tant la qualité que la quantité de leurs fonds propres, leurs progrès en la matière demeurent inégaux. Ces faibles niveaux de fonds propres rendent ainsi certaines banques allemandes et des caisses d'épargne italiennes, portugaises et espagnoles vulnérables à de nouveaux chocs. De fait, selon le FMI, l'Europe ne peut éviter une restructuration des banques non viables et, le cas échant, une recapitalisation de certains établissements financiers, soit une participation directe de l'Etat au risque de grever les déficits publics. Les aides publiques au secteur bancaire ont ainsi creusé le déficit de l'Allemagne de 0,4 % en 2010 et alourdi sa dette d'environ 9,5 % du PIB. Au Portugal, l'impact s'élève à 1 % sur le déficit et 2,1 % sur la dette. Au total, les aides d'Etat accordées aux banques par les Etats membres pendant la crise financière se sont élevées à environ 13 % du PIB de l'Union européenne.

Impact des aides publiques pour les Etats de la zone euro 2007-2010

Pays

Solde
(en millions d'euros) (1)

Irlande

- 35 722

Allemagne

- 16 559

Pays-Bas

- 3 440

Portugal

- 2 214

Autriche

- 1 435

Luxembourg

- 36

Slovénie

+ 28

Chypre

+ 30

Italie

+ 128

Belgique

+ 199

Suède

+ 349

Grèce

+ 405

Danemark

+ 724

Espagne

+ 1 455

France

+ 2 399

(1) Solde = (Rémunération des garanties + intérêts perçus + dividendes)
- (versements d'intérêts + transferts de capital + autres)

2. Les limites de la gouvernance actuelle : une seconde étape nécessaire
a) Des dispositifs encore incomplets

Si les avancées sont réelles en matière de gouvernance économique, le second acte de la crise grecque vient souligner la persistance de dysfonctionnements réels au sein de la zone euro, caractérisée, notamment, par une cacophonie à haut niveau sur les solutions à mettre en oeuvre : l'Allemagne insistant fermement sur le thème de la restructuration douce, en dépit des objections de la Banque centrale européenne et d'un certain nombre de ses partenaires. La présidence de l'eurogroupe anticipe, quant à elle, les décisions du Conseil européen et du FMI sur le versement d'une aide complémentaire. La gouvernance politique de la zone euro implique une communication plus adaptée, cohérente, capable en cela de rassurer les marchés financiers.

C'est en ce sens qu'il convient de comprendre les récents propos du président de la Banque centrale européenne en faveur de la création d'un véritable ministre des finances de l'Union européenne. Jean-Claude Trichet milite pour que le Conseil des ministres des finances puisse opposer un veto à certaines décisions de politique économique nationale, dès lors que le pays concerné a sollicité l'aide de la zone euro. Lors de la négociation du traité de Maastricht, la France militait déjà pour que le Conseil des ministres des finances puisse décider de mesures contraignantes à l'égard d'un Etat qui divergerait de la stratégie économique de la future zone euro. Le Conseil aurait ainsi pu inscrire d'office, dans le budget de l'Etat concerné, une réduction des dépenses ou une augmentation des impôts. Berlin s'y était à l'époque opposée, arguant que celle-ci remettait en cause le principe d'indépendance de la Banque centrale européenne.

b) Les questions de la valeur de l'euro et du positionnement économique de la zone dite périphérique

Le renforcement de la gouvernance économique de la zone euro ne peut éluder un débat sur la valeur même de la monnaie commune. L'effet anesthésiant de la monnaie unique a déjà été abordé à l'occasion de l'étude des crises irlandaise et portugaise. La force de la monnaie, son côté valeur refuge, a longtemps protégé certains Etats membres sur le marché obligataire. Elle s'avère néanmoins relativement inadaptée dès lors que ces pays, du fait de la crise, doivent privilégier les secteurs tournés vers l'exportation face à une demande interne logiquement atone. C'est le cas de l'Irlande, mais aussi et surtout, de la Grèce et du Portugal. La valeur de la monnaie unique fragilise cette réorientation jugée indispensable. L'euro reste trop élevé face aux devises américaine et chinoise.

Paradoxalement, l'annonce d'un nouveau soutien à la Grèce contribue à renforcer la valeur de l'euro sur les marchés, comme en témoigne le niveau atteint par l'euro le 6 juin dernier : 1,4658 dollar et fragilise par avance l'efficacité des réformes structurelles annoncées. Or, certains analystes estiment que la zone sud de l'Union européenne n'est plus compétitive si l'euro dépasse les 1,3 dollar.

En l'état actuel, la valeur de la monnaie fragilise toute tentative pour les pays périphériques d'adopter le modèle exportateur du nord de l'Union. Il est cependant permis de s'interroger sur la validité même de ce choix économique. Il convient de rappeler qu'à l'heure actuelle, la moitié des excédents de la zone nord de l'Union européenne se fait au détriment de la zone sud. Dans le cas où les Etats concernés parviendraient à se réindustrialiser et à devenir des puissances exportatrices, la partie nord de l'Union européenne aurait donc à pâtir de cette mutation économique. Dans le même temps, l'ensemble de l'Union européenne deviendrait fortement exportatrice, renforçant logiquement le déficit extérieur des Etats-Unis, fragilisant un peu plus la valeur du dollar... au risque d'une perte de compétitivité de la zone périphérique.

c) L'intervention financière de l'Union européenne : un défi politique et social

La crise actuelle représente un défi politique et social de grande ampleur pour l'ensemble des gouvernements de la zone euro. Le recours à l'intervention financière de l'Union européenne et du Fonds monétaire international, en Irlande et au Portugal, a notamment conduit l'opposition à la victoire aux élections législatives qui ont suivi. Le pouvoir grec est fortement contesté alors que le gouvernement espagnol a subi une défaite à l'occasion des élections locales. L'apparition à Madrid du mouvement des « indignés » concrétise une nouvelle forme de contestation visant à la fois les autorités locales et les projets de coordination économique développés au sein des instances communautaires.

C'est à ce titre, notamment, que le retour à la croissance au sein de ces économies doit faire figure de priorité absolue pour permettre aux populations concernées de mieux admettre les cures d'austérité imposées ici et là. Il s'agit, de fait, de redonner du sens au projet monétaire européen, présenté initialement comme un outil de convergence économique et appréhendé aujourd'hui comme un instrument au service du moins-disant social.

Par ailleurs, sans négliger les impératifs économiques qui conditionnent l'intervention financière de l'Union européenne en Grèce, en Irlande et au Portugal, il convient d'éviter d'y renforcer, par le biais de taux d'intérêts trop élevés, l'atonie économique et la frustration sociale concomitante. C'est dans ce sens que le Fonds monétaire international a estimé que l'Union européenne devait assez rapidement réduire ces taux. Un financement flexible et à faible coût pourrait plus facilement appuyer, tant d'un point de vue économique que social, un ajustement budgétaire, une restructuration bancaire et des réformes qui stimulent la compétitivité et la croissance.

C'est également dans ce cadre que doit également être lancée une réflexion ambitieuse sur les obligations européennes. Le projet développé par le think tank Bruegel sur cette question peut sembler le plus adapté, même s'il reste aujourd'hui peu soutenu. Il distingue, à cet effet, bonds bleus et bonds rouges. Le bond bleu agrège une partie de la dette publique des États membres de la zone euro, inférieure à 40 ou 60 % de leur PIB. Le « prix » ou taux d'intérêt de cet emprunt commun serait de fait modéré. Un pays dont le niveau d'endettement dépasse ce seuil de 40 ou 60 % du PIB devrait alors émettre des obligations rouges nationales. Un tel système ne fragiliserait pas les pays les plus vertueux et responsabiliserait, dans le même temps, les États les plus endettés sans les condamner.

Par delà, une telle mutualisation pourrait déboucher sur la création effective d'un véritable marché européen des obligations, capable d'attirer entre 5 et 6 000 milliards d'euros d'investissements.

CONCLUSION

Le deuxième acte de la crise financière grecque vient souligner les limites de l'intervention financière européenne du printemps 2010 et l'incapacité pour l'Union européenne de rassurer les marchés sur la solvabilité d'un de ses Etats membres. Les mesures qu'elle a pu adopter en faveur d'une meilleure gouvernance économique peinent, en outre, à convaincre les créanciers des pays dits périphériques, l'effet de contagion ne parvenant pas à être stoppé.

La situation économique et financière de la Grèce devrait néanmoins conduire l'Union européenne à fournir, aux côtés du Fonds monétaire international, une nouvelle aide à Athènes afin, notamment, de lui permettre de continuer à mettre en place les réformes structurelles aptes à réduire son déficit budgétaire et faciliter, dans le même temps, une reprise économique.

Ce nouveau prêt constitue la moins mauvaise hypothèse tant toute restructuration, « reprofilage » ou rééchelonnement comporte des risques pour le système financier local mais aussi l'ensemble de la zone euro, en dissuadant les investisseurs et en fragilisant un peu plus l'Irlande et le Portugal, qui bénéficient eux aussi d'une assistance financière. Ce deuxième plan d'aide n'en comporte pas moins des risques politiques et sociaux, un durcissement de l'opposition aux mesures d'austérité étant nettement perceptible.

Les institutions communautaires doivent, à cet égard, tenter de redonner un sens positif à l'union monétaire tant celle-ci semble partiellement déconsidérée par les opinions publiques. Le franchissement d'une nouvelle étape en matière de gouvernance de la zone euro apparaît à cet égard indispensable alors qu'un débat de fond doit être engagé sur la valeur même de la monnaie ou la gestion de la dette souveraine. Il convient à cet égard de réfléchir aux conditions d'octroi aides financières à la Grèce, à l'Irlande ou au Portugal, afin de redonner un espoir aux populations concernées, en particulier chez les plus jeunes. Il en va de la crédibilité même du projet européen.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission s'est réunie le mercredi 15 juin 2011 pour l'examen du présent rapport. A l'issue de la présentation faite par les rapporteurs, le débat suivant s'est engagé :

Mme Catherine Tasca :

J'espère que votre déplacement a été ressenti par vos interlocuteurs comme une marque d'attention de la part de notre pays à l'égard d'un pays en proie à de si graves difficultés.

Nous en sommes néanmoins réduits au rôle de spectateurs d'un naufrage, d'une véritable descente aux enfers. Mais peut-on réellement parler d'échec du gouvernement grec ? Il s'agit plutôt d'un échec pour les prescripteurs d'une potion - celle de la rigueur - qui tue. Le Parlement français se doit d'alerter les membres de la Troïka sur les effets dévastateurs de ces plans d'austérité sur des pays exsangues.

Les conditions de financement de la dette octroyées par les marchés à la Grèce sont scandaleuses : comment peut-on tolérer des taux à 10 ans atteignant 17 %. Face à de tels chiffres, l'Union européenne se doit de réagir et prêter à des taux quasi symboliques. C'est la construction européenne qui est en cause.

M. Simon Sutour :

Il existe effectivement un risque réel que, face aux programmes de rigueur mis en place, le malade meure guéri. Nous n'avons pas de prise sur tous les membres de la Troïka, loin de là : nous ne pouvons agir ni sur le FMI, ni sur la BCE. Le Conseil des ministres de l'Union européenne dispose, lui, d'un certain pouvoir. Il ne doit plus, à cet égard, être le lieu de déclarations et de postures contradictoires, parfois adoptées pour des raisons de politique interne. Il faut avoir conscience que, dans le contexte de la mondialisation, la moindre « petite phrase » de certains dirigeants peut avoir de lourdes conséquences financières. Nos interlocuteurs ont, d'ailleurs, souligné la qualité de la réaction française à cette crise. Par ailleurs, l'euro doit, au-delà de son acception économique, devenir un véritable instrument politique.

Le gouvernement grec, qui nous a semblé être composé de personnalités solides, se retrouve dans une situation terrible, contraint d'appliquer un programme sur lequel il n'a pas été élu. Le souhait de voir l'opposition appuyer le plan gouvernemental demeure, pour des raisons de politique nationale, un voeu pieux, en dépit des appels en ce sens de l'Union européenne et du FMI. François Fillon, comme José Manuel Barroso, ont néanmoins invité le leader de Nouvelle démocratie , la principale formation d'opposition, à aller dans cette direction, à l'occasion d'entretiens à Paris et à Bruxelles la semaine passée.

La population grecque semble lasse, fragilisée par des mesures de rigueur sans précédent et divisée, chaque catégorie de la population scrutant chez la voisine des réformes à accomplir.

M. Charles Gautier :

Il convient de rappeler que la Grèce a vécu largement au dessus de ses moyens pendant des années. Elle paye malheureusement aujourd'hui le prix d'excès en tout genre : fraude fiscale, recrutement complaisant et sans retenue au sein de la Fonction publique etc. Il n'appartient pas au contribuable européen de combler totalement les besoins de financement grecs.

M. Simon Sutour :

Il y a eu certes des abus et il en reste à corriger. On m'a cité l'exemple de l'intégration des assistants parlementaires dans la fonction publique à des conditions avantageuses : seize mois et demi de salaire par an. La population ne veut plus, à cet égard, endosser la responsabilité des errements des gouvernements précédents. Et les jeunes sont victimes d'une injustice : ils sont les premières victimes du laxisme budgétaire du passé. L'euro est un symbole politique, ce n'est pas seulement une question économique. C'est un symbole de solidarité. Nous ne devons pas créer des fossés entre Européens.

M. Pierre Bernard-Reymond :

La solution à ces difficultés tient sans doute à l'émergence d'un véritable fédéralisme économique européen.

Par ailleurs, si le climat entourant la préparation de ce deuxième plan d'aide semble tendu, il ne faut pas oublier que la situation était quasiment la même il y a un an, l'Allemagne tardant à donner son accord à l'octroi du premier prêt.

*

À l'issue du débat, la commission a autorisé la publication du présent rapport.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES À ATHÈNES

• MM. Antoine Papagiannidis ( Viomichaniki Epitheorissi ), Georges Kapopoulos ( Imerissia ) et Georges Malouchos ( Vima ), journalistes ;

• MM. Notis Mitarachi et Panayotis Liargovas, Nouvelle Démocratie ;

• Mme Konstantina E. Botsiou et MM. Konstantinos Angelopolous, Athanasios Kyriazis, Anthony Ioannidis, Christos Papazoglou et Michalis Psadilopoulos, Institut pour la démocratie Konstantinos Karamanlis ;

• M. Panagiotis Thomopoulos, Président du Fonds de stabilité financière, ancien vice-gouverneur de la Banque de Grèce ;

• M. Christophe A. Hadzopoulos, Président de la Chambre de commerce et d'industrie Franco-hellénique ;

• M. Michalis Massourakis, directeur économique d' Alpha banque ;

• M. Savvas Robolis, directeur scientifique de l'Institut du travail du syndicat GSEE ;

• M. Kostas Michalos, Président de la Chambre de commerce et d'industrie d'Athènes (EBEA) ;

• Mme Rodoula Zissi, députée, Présidente de la commission des Affaires européennes ;

• M. Vassilis Geranidis, député, Président du groupe d'amitié Grèce-France, membre de la commission des Affaires économiques ;

• M. Spyros Papaspyrou, Président du syndicat ADEDY ;

• Mme Mariliza Xenogiannakopoulou, ministre déléguée aux Affaires européennes ;

• M. Philippos Sachinidis, secrétaire d'Etat aux Finances ;

• M. Illias Mossialos, Président d'Istame, député ;

• S.E M. Christophe Farnaud, Ambassadeur de France en Grèce, Mmes Christel Peridon, chef du service économique, et Sophie Renard, attachée de presse.


* 1 Le PIB a progressé au premier trimestre 2011 de 0,2 % par rapport au trimestre précédent, soit un chiffre en deçà du résultat prévu par le gouvernement : 0,8 %. Comparé au premier trimestre 2010, le PIB s'est néanmoins contracté de 5,5 %.

* 2 La note de la dette à long terme du groupe Crédit Agricole a été abaissée de AA - à A + par l'agence Standard & Poor's le 20 mai dernier en raison de sa trop forte exposition à la dette grecque, au travers, notamment, de sa filiale Emporiki. La note de dette à court terme a été également dégradée, à A-1 contre A-1+ auparavant . L'agence Moody's a, par ailleurs, annoncé le 15 juin avoir placé sous surveillance avec implication négative la Société générale, le Crédit agricole et BNP Paribas, en raison de leur exposition à la dette grecque. En ce qui concerne la Société générale, sa participation majoritaire au sein du capital de la banque grecque Geniki justifie cette dégradation. Moody's observe en outre que les principales banques du groupe Dexia pourraient également être déclassées.

* 3 Il convient néanmoins de rappeler que la Banque centrale européenne n'a pas acquis d'obligations grecques depuis près de deux mois, favorisant une envolée des taux. Le rendement des obligations grecques à deux ans a ainsi augmenté de 1000 points de base depuis la fin mars atteignant près de 28 %. Elle n'a pas non plus acquis dans le même laps de temps d'obligations irlandaises ou portugaises .

* 4 Standard & Poor's estime que les besoins de refinancement de la dette grecque s'élèvent à 95 milliards d'euros d'ici 2013, auxquels s'ajouteront 58 milliards d'obligations en 2014 arrivant à maturité .

* 5 Une solution identique avait été mise en oeuvre pour l'Uruguay en 2003 .

* 6 Si les CDS ressemblent à des contrats d'assurance - l'assuré verse une prime au vendeur de protection, qui en cas d'évènement de crédit (défaut, restructuration) doit le dédommager - il n'existe pas d'obligation pour « l'assuré » de détenir des obligations sur lesquelles il possède pourtant une assurance (pratique dite des naked CDS - CDS nus).

* 7 Le comité de détermination de l'Isda chargé de l'Europe est composé des banques suivantes : Bank of America, Merryl Lynch, Barclays, Citybank, Crédit suisse, Deutsche Bank, Goldman sachs, JPMorgan Chase Bank, Morgan Stanley, Société générale et UBS. Participent également les fonds d'investissement suivants : BlackRock, BlueMountain, Citadel Investment Group, DE Shaw Group et Rabobank International .

* 8 Le Crédit agricole, impliqué en Grèce via sa filiale Emporiki , s'est prononcée en faveur de ce rollover , à condition que tous les acteurs privés détenant ces titres soient impliqués dans l'opération et pas uniquement les banques .

* 9 La Slovaquie a été le seul État membre de la zone euro à refuser de participer au premier prêt à la Grèce.

* 10 Le gouvernement prévoit à cet égard un renforcement du contrôle du travail au noir, qui doit rapporter 1,3 milliard d'euros à partir de 2013.

* 11 La Chine est devenue en 2009 le troisième exportateur en Grèce, devançant désormais la France.

* 12 Un accord sur la coopération bilatérale en matière d'investissements a été signé à cette occasion ainsi que neuf accords commerciaux. Trois d'entre eux portent sur des prêts en faveur du développement d'infrastructures à destination de la marine marchande (268 millions de dollars) et deux sur le port du Pirée.

* 13 Le PASOK a néanmoins réussi à conserver ses positions lors des dernières élections locales, remportant même un succès électoral en s'imposant dans huit régions sur treize et 73 municipalités sur 325. Les villes d'Athènes et de Thessalonique dirigées par Nouvelle démocratie depuis vingt ans ont ainsi basculé à gauche. On relèvera cependant que les deux nouveaux maires sont issus de la société civile et se démarquent, dans une certaine mesure, du PASOK.

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