D. MAIS CE SCÉNARIO COMPORTE DES HYPOTHÈQUES

1. Un choix entre croissance et excédents extérieurs

On peut interpréter la trajectoire suivie par l'Allemagne comme le choix d'accorder une préférence aux excédents extérieurs sur la croissance.

Si la croissance allemande gagnerait à un rééquilibrage du régime de croissance vers plus de demande intérieure, la possibilité de combiner plus de demande interne et le maintien d'une position extérieure favorable est hypothétique, malgré la vision optimiste d'une sortie par le haut mentionnée ci-dessus.

Le constat que, dans le passé, l'Allemagne n'a pas vérifié la possibilité de combiner forte croissance et maintien de son excédent relaye les simulations économétriques exposées plus haut.

Il doit entrer en ligne de compte, la question étant de savoir s'il est vraisemblable que l'Allemagne arbitre pour davantage de demande intérieure au prix d'une réduction de ses excédents.

Des observations empiriques concordantes montrent que les périodes de forte croissance entraînent une détérioration de la contribution du commerce extérieur à l'activité économique.

CONTRIBUTIONS MOYENNES DE LA BALANCE COMMERCIALE
SELON LES PÉRIODES*

C'est ce qu'indique la confrontation entre la première et la deuxième colonne du tableau ci-dessus. Les meilleures années de croissance économique, la contribution du commerce extérieur baisse par rapport à son niveau moyen (calculé entre 1969 et 2005). Si pour quelques pays, de petite dimension, où l'activité économique est tirée par l'extérieur, les « meilleures années » sont aussi les années d'augmentation - ou de maintien - de la contribution des échanges extérieurs à la croissance (l'Irlande, les Pays-Bas), pour les autres l'accélération de la croissance économique se traduit par une dégradation de cette contribution.

Sans doute observe-t-on qu'en Allemagne, « les années de plus forte croissance », la contribution du commerce extérieur à l'activité économique est neutre (et non négative 68 ( * ) comme c'est le cas pour l'Italie, la France, le Portugal ou encore le Danemark). Mais, ce n'est pas pour autant que l'Allemagne échappe au constat que « les années de plus forte croissance » sont aussi des années de dégradation relative du solde extérieur. On observe même qu'elle la vérifie davantage que la France, puisque la contribution du commerce extérieur à la croissance, positive à hauteur de 0,24 point de PIB en moyenne, y perd 0,2 point (pour la France le recul est de 0,09 point de PIB), lors des pics de croissance.

La sensibilité du commerce extérieur allemand à une accélération de la croissance économique se lit dans le tableau ci-après qui récapitule les contributions à la croissance économique au cours des « meilleures années de croissance » en indiquant leur déviation par rapport à leur tendance moyenne.

CONTRIBUTIONS MOYENNES À LA CROISSANCE - « LES MEILLEURES ANNÉES »

Ce tableau montre que, si généralement environ la moitié du surcroît de croissance des années de forte activité économique provient de la consommation (et d'un tiers de l'investissement), l'Allemagne voit ses importations s'envoler dans ces périodes. On remarque qu'elle partage cette caractéristique avec des « petits pays » (les Pays-Bas, l'Irlande) et qu'elle y est beaucoup plus exposée que les autres grandes économies continentales (la France et l'Italie). Ces résultats traduiraient les effets de la très grande ouverture de l'économie allemande à l'extérieur . Toute relance de sa croissance reposant sur la vigueur de la demande domestique allemande a provoqué, dans la période 1969-2005, une forte poussée des importations susceptible de dégrader le commerce extérieur allemand et de peser sur sa contribution à la croissance économique.

Au regard des observations historiques, il apparaît difficile de combiner accélération de la demande intérieure et préservation d'une forte contribution du commerce extérieur à l'activité économique. Une forme de choix se présenterait à l'Allemagne entre privilégier des « performances » extérieures et une croissance forte et l'Allemagne semble particulièrement soumise à ce choix.


* 68 L'effet négatif du commerce extérieur sur l'activité économique, qui s'amplifie les années de croissance maximum, freine le rythme de la croissance mais ne l'empêche pas de connaître ses sommets. On n'ira pas cependant jusqu'à affirmer que le choix de maximisation de la croissance implique de recourir à un déficit commercial, même si, concrètement, l'histoire économique récente paraît révéler une sorte de corrélation inverse de cette nature. Mais il est évident que l'expérience historique n'a pas de valeur normative en ce domaine puisqu'aussi bien elle enseigne, ce que la théorie suggère, qu'il y a un problème de soutenabilité dans un « équilibre » de cette sorte. Toutefois, reconnaître l'existence de ce problème n'équivaut pas à récuser le problème de soutenabilité symétriquement inverse quand l'excédent commercial s'accompagne d'une croissance économique atone.

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