c) Un bilan en demi-teinte à nuancer
(1) Un sentiment d'abandon lié à un bousculement des habitudes

Tout changement impliquant de profonds bouleversements dans les relations professionnelles et les habitudes de travail, le passage d'une organisation déconcentrée ancienne à une nouvelle structuration des services de l'État nécessite un temps d'adaptation qui peut être plus ou moins long selon les acteurs concernés. Cette période de « l'entre-deux » génère, comme votre mission l'a constaté à de nombreuses reprises, un certain malaise auprès des élus locaux, notamment les maires ruraux, à travers un sentiment d'abandon . Celui-ci est lié à la régionalisation de la majorité des services déconcentrés qui conforte l' impression d'éloignement de l'État , notamment pour les territoires ruraux ou de montagne isolés des chefs-lieux de région.

Ce sentiment d'éloignement des services de l'État est considéré comme la raison principale de l' allongement des démarches administratives pour les élus locaux, qui rencontrent des difficultés pour obtenir des réponses techniques, connaître l'état d'avancement de leur projet ou pour la réalisation de certains plans, tels que les plans de prévention des risques d'inondation (PPRI). La diminution des effectifs , constatée dans les préfectures, sous-préfectures et les nouvelles directions départementales interministérielles, est également souvent invoquée pour expliquer cette impression d'abandon. Les élus locaux rencontrent des difficultés, compte tenu des réorganisations, pour identifier un interlocuteur capable de répondre à leurs interrogations et leur fournir une information de qualité.

La combinaison de l'éloignement géographique des directions déconcentrées et de la diminution de leurs effectifs contribue à la perte de compétences et de connaissance du terrain . M. Vincent Descoeur, président de l'ANEM 78 ( * ) , estime en effet que la régionalisation des services déconcentrés de l'État est synonyme d'une perte de compétences . En d'autres termes, la région, en tant que circonscription de l'État, apparaît comme un échelon trop éloigné des préoccupations locales et de la connaissance de terrain.

S'il convient de ne pas généraliser ce constat à l'ensemble des nouvelles directions déconcentrées, l' exemple de la DREAL apparaît le plus emblématique. Pilote unique des politiques publiques de développement durable, la DREAL a pour mission d'instaurer une approche transversale de celui-ci en région, conformément aux dispositions des deux « Grenelle de l'environnement ». Ainsi, leurs compétences nécessitent une connaissance de terrain précise que ne permet pas leur éloignement géographique particulièrement dans les régions les plus étendues, telles que Midi-Pyrénées ou Languedoc-Roussillon. En outre, les déplacements des agents des services des DREAL sont coûteux et générateurs de CO 2 alors qu'ils « oeuvrent pour le ministère en charge de la qualité de l'air et des transports » 79 ( * ) !

M. Jean-Jacques Brot, préfet de Vendée, a également illustré l' inadaptation des DREAL aux problématiques de terrain et a rappelé l'importance de la proximité pour apporter des réponses adaptées aux spécificités locales. Dans le département de la Vendée, quarante équivalents temps plein (ETP) ont été transférés de la DDTM de Vendée vers la DREAL des Pays-de-la-Loire en application de la RéATE. A la suite de la tempête Xynthia, la DREAL a renvoyé vers la DDTM quelques ingénieurs afin de permettre la préparation des plans d'hiver, en raison de l'urgence de la situation et de son manque de moyen. M. André Marcon, président de l'ACFCI, a indiqué à votre mission que le bilan des relations avec les DREAL apparaissait mitigé, ces dernières n'étant plus centrées sur des missions opérationnelles comme auparavant.

Ce besoin de proximité a clairement été exprimé lors des déplacements de la mission. Dans le département du Lot, notre collègue Gérard Miquel, président du conseil général, a ainsi fait valoir que les agents de la DREAL interviennent sur des dossiers concernant des équipements classés qu'ils connaissent mal du fait de leur éloignement géographique. La RéATE débouche ainsi sur une perte de proximité et des décisions moins pertinentes de la part des agents de l'Etat.

La DREAL ne peut pas être simplement une instance de programmation au niveau régional, éloignée des réalités du terrain. Elle doit au contraire être en prise directe avec les besoins des territoires dont elles doivent avoir une connaissance fine et concrète. Les travaux de votre mission ont malheureusement mis en évidence une déconnexion légitimement très mal ressentie par les collectivités territoriales.

C'est pourquoi votre mission propose une « redépartementalisation » de cette direction en raison de ses compétences qui nécessite une proximité d'action, source d'efficacité, de cohérence et de gains de temps. Rappelons que les DREAL disposent d'une unité territoriale (UT) dans chaque département, dont les missions se limitent toutefois à celles auparavant assumées par l'ex-subdivision de la direction régionale de la recherche et de l'environnement (DRIRE). Les missions des UT des DREAL pourraient être élargies à l'ensemble du secteur de compétences de la direction, en ne gardant au niveau régional qu'une compétence d'appui et les ressources nécessaires pour les problématiques régionales et spécifiques.

Proposition n° 17 :

Renforcer l'échelon départemental des DREAL en élargissant les missions des unités territoriales à l'ensemble des missions de ces dernières, et laisser au niveau régional les fonctions-support.

Par ailleurs, la mission a pu constater que l'autorité hiérarchique du préfet de région sur les DREAL, pourtant affirmé par les textes réglementaires, était inégalement admise dans la pratique. Elle juge nécessaire que ce lien hiérarchique soit clairement réaffirmé.

Proposition n° 18 :

Affirmer, conformément aux dispositions réglementaires en vigueur, l'autorité hiérarchique du préfet de région sur les DREAL.


* 78 Audition du 13 avril 2011 : « l'excessive régionalisation des services publics entraîne l'éloignement des centres de décision et des compétences ».

* 79 Question écrite n° 17569 de M. Gérard Bailly (Jura - UMP), publiée dans le JO Sénat du 17/03/2011 - page 628. 13 e législature.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page