e) Des conséquences lourdes pour les collectivités locales

La sécurité des populations est une compétence régalienne mais les communes sont les cellules de proximité, le réceptacle quotidien des exigences de la population.

Elles sont naturellement conduites à pallier les défaillances de l'Etat régalien qui, parallèlement, les a toujours plus impliquées : vidéo-surveillance et polices municipales contrebalancent l'affaiblissement de la présence de l'Etat sur le territoire.

A quel coût ?

Notre collègue Philippe Dallier en a mesuré les conséquences pour la commune des Pavillons-sous-Bois dont il est le maire. Son exemple est édifiant :

«  [...] Les élus se trouvent en première ligne, confrontés, au quotidien, aux demandes de leurs concitoyens, lesquels attendent d'eux, dans ce domaine comme dans les autres, des résultats, sans se soucier ni de leur pouvoir réel -cela soulève d'ailleurs une vraie question- ni des moyens dont ils disposent.

[...]

Pour beaucoup d'élus, dans ce domaine comme dans bien d'autres, nécessité finit par faire loi, et ce n'est pas tant par principe que par réalisme qu'ils prennent la décision de créer une police municipale ou d'équiper leur commune de caméras.

Ceux qui sont conduits à prendre de telles décisions le font parfois au détriment d'autres services à la population ou au prix d'un accroissement de la fiscalité locale, tout simplement parce qu'ils ne disposent pas de moyens budgétaires suffisants.

À titre d'exemple, (...), je citerai le cas d'une commune de 21.000 habitants, située en plein coeur de la Seine-Saint-Denis, qui consacre près de 800.000 euros par an à payer quinze policiers municipaux et douze agents de surveillance de la voie publique, alors que son potentiel financier est inférieur de 25 % à la moyenne de la strate.

[...]

À ces dépenses de personnel s'ajoutent bien évidemment l'entretien des locaux, des véhicules et des matériels. Au total, amortissements compris, la dépense avoisine le million d'euros, alors que l'autofinancement net de cette commune dépasse péniblement 1,5 million d'euros par an.

[...]

J'ai fait ce choix parce que ma ville ne dispose pas d'un commissariat de police. (...) Elle dépend en effet de celui de la ville voisine de Bondy, où la situation est tellement plus difficile que nous avons parfois le sentiment de « passer après », quelle que soit d'ailleurs l'activité de la police nationale, que je ne critique pas.

Oui, parce que la situation se dégradait, parce que la pression de la population était forte, mais aussi à la demande de l'État, nous avons renforcé nos moyens et nous consacrons désormais des sommes très importantes, j'allais dire trop importantes au regard de nos ressources, à la sécurité.

[...]

Le million d'euros que je dépense, chaque année, aux Pavillons-sous-Bois, à la sécurité, je préférerais le consacrer aux missions de prévention dont la ville a directement la responsabilité, au développement du soutien scolaire, du sport et de la culture, à tout ce qui peut effectivement permettre aux jeunes d'échapper à la spirale infernale de l'échec scolaire, du chômage, de la marginalisation et, pour certains, au basculement dans la délinquance. Aujourd'hui, en l'état actuel, je ne le peux pas ! [...] » 140 ( * ) .

L'implication des communes ne s'arrête pas là !

Hors RGPP, la LOPPSI 2 a prolongé deux dispositifs destinés à encourager les collectivités territoriales à participer à des opérations immobilières concernant des bâtiments affectés à l'usage de la police et de la gendarmerie nationales :


• Le bail emphytéotique administratif (BEA)

Institué par l'article 3 de la loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, le BEA permet de réaliser, sur le domaine public des collectivités territoriales, des investissements immobiliers liés aux besoins de la Police et de la Gendarmerie nationales.

Selon ce dispositif, la collectivité acquitte un loyer à l'opérateur privé constructeur durant le BEA et devient propriétaire des immeubles à son terme ; l'Etat sous-loue ceux-ci à la collectivité territoriale par un contrat de bail classique.

Ces BEA autorisent la conclusion de contrats de crédit-bail pour financer les constructions. En outre, les dépenses engagées par les collectivités sont éligibles au FCTVA si les bâtiments concernés sont mis gratuitement à la disposition de l'Etat.


• La prolongation de l'application des conventions entre l'Etat et les collectivités territoriales pour les constructions immobilières de la Police et de la Gendarmerie

Ce dispositif, également créé par la loi du 29 août 2002, autorise les collectivités et leurs EPCI à construire, acquérir ou réserver des bâtiments destinés à être mis à disposition, par bail, de l'Etat pour les besoins de la justice, de la Police et de la Gendarmerie nationales ou pour la construction d'un établissement public de santé ou d'une structure publique de coopération sanitaire.

La LOPPSI suscite également une autre interrogation qui concerne le renforcement des pouvoirs des policiers municipaux, notamment en matière de lutte contre l'insécurité routière. Cet élargissement pourrait signifier que l'Etat entend impliquer davantage la police municipale dans certaines des missions que la Police nationale et la Gendarmerie remplissaient jusqu'alors.


* 140

Cf débats Sénat, séance du 4 novembre 2010 : débat sur le rôle de l'Etat dans les politiques locales de sécurité.

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