B. LE RÉTABLISSEMENT DES COMPTES PUBLICS

Au-delà de la nécessité de revoir et d'adapter les missions et l'organisation de l'Etat, la RGPP renvoie également à un impératif budgétaire : le rétablissement des comptes publics. Ainsi, cette politique ne peut pas être déconnectée du contexte de dégradation des finances publiques et de la volonté de dégager des économies dans tous les secteurs d'intervention de l'Etat.

Dimension essentielle de la RGPP, le souci de mieux « tenir » la dépense, voire de la réduire, constitue également l'un des principaux noeuds de débat autour de ce vaste programme de réformes. En effet, si l'objectif de redéfinir les contours des missions de l'Etat et de les adapter à de nouveaux enjeux fait l'objet d'un consensus assez large, il n'en va pas de même des décisions prises en vue de la recherche de nouvelles économies. On peut même dire que la logique budgétaire et comptable de la RGPP a eu tendance à concentrer les critiques à l'égard de cette politique, dont les résultats en la matière restent par ailleurs à ce jour plutôt en demi-teinte. A titre d'exemple, M. Denis Lefèbvre, représentant la CFTC, a-t-il regretté devant votre mission que « la logique de la RGPP pour la fonction publique d'Etat  [soit] comptable. Il n'y a pas eu d'audit préalable sur les missions de l'Etat, il fallait seulement limiter le déficit, donc les effectifs de fonctionnaires, mais cette politique trouve forcément ses limites » 25 ( * ) .

1. Le contexte budgétaire et les objectifs fixés
a) La nécessité de respecter les engagements européens pris par la France et de regagner des marges de manoeuvre

Dans son éditorial ouvrant le cinquième rapport d'étape du Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) en mars 2011, M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, souligne le contexte budgétaire particulièrement tendu dans lequel s'inscrit la RGPP : « nous sommes, est-il nécessaire de le rappeler, dans un contexte de contrainte budgétaire tel que nous ne l'avons probablement jamais connu » .

En 2008 , première année de mise en oeuvre de la RGPP, la France est en effet confrontée à une situation économique et budgétaire extrêmement délicate.

Le projet de loi de finances pour 2008 prévoyait un déficit budgétaire de 41,7 milliards d'euros , en diminution de 300 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2007 (qui s'appuyait sur un déficit de 42 milliards d'euros), mais en augmentation par rapport aux prévisions révisées pour 2007 (38,3 milliards d'euros). Le tableau ci-dessous retrace les grandes lignes de ce budget.

Les grands équilibres du projet de loi de finances 2008

(en milliards d'euros)

LFI 2007

2007 révisé en cours d'exercice

PLF 2008

Total des dépenses du budget général (1)

266,9

266,9

271,8

Prélèvement au profit des collectivités territoriales (2)

49,5

49,4

51,2

Prélèvement au profit de l'Union européenne (3)

18,7

16,8

18,4

Total des prélèvements sur recettes (4) = (2)+(3)

68,1

66,2

69,6

Total des dépenses (A) = (1)+(4)

335

333,1

341,4

Total des recettes fiscales nettes (5)

265,7

267,9

272,1

Total des recettes non fiscales (6)

27

26,7

28,1

Recettes totales nettes (B) = (5)+(6)

292,7

294,7

300,2

Solde du budget général (BG) = (B) - (A)

-42,3

-38,4

-41,2

Solde des budgets annexes (BA)

-

-

-

Solde des comptes spéciaux (CS)

0,3

0,1

-0,5

Solde général (BG) + (BA) + (CS)

-42

-38,3

-41,7

Source : projet de loi de finances pour 2008

Afin de parvenir à juguler le déficit public , le budget 2008 était construit selon une nouvelle règle de croissance des dépenses : la règle « zéro volume 26 ( * ) élargie » aux prélèvements sur recettes et aux affectations de recettes à des opérateurs de l'Etat. Il convient en effet de rappeler que, de la loi de finances initiale 2004 à la loi de finances initiale 2006, la règle avait été celle du « zéro volume », mais appliquée aux seules dépenses budgétaires. La loi de finances initiale 2007 appliquait, quant à elle, une norme plus ambitieuse, celle du « - 1 volume », toujours dans les mêmes limites.

L'objectif poursuivi par le Gouvernement prévoyait de ramener le déficit public à 2,3 points de PIB en 2008, soit une diminution de 0,1 point de PIB par rapport à 2007.

Cet objectif correspondait à la nécessité de remplir les engagements européens de la France lui imposant, notamment, un déficit public inférieur à 3 % du PIB . Le pacte de stabilité et de croissance, prévu par le traité de Maastricht et mis en oeuvre par le Conseil européen d'Amsterdam le 17 juin 1997, impose en effet cette règle aux Etats signataires ainsi qu'une dette publique contenue à un niveau inférieur à 60 % du PIB.

Pour ce faire, l'action portait essentiellement sur une meilleure maîtrise de la dépense avec l'espoir de regagner de nouvelles marges de manoeuvre budgétaires.

Dans ce contexte, la grande rigidité de la dépense de l'Etat (du fait des charges d'intérêt, des pensions et des dotations aux régimes sociaux) faisait planer une lourde interrogation sur la capacité à reconquérir ces marges de manoeuvre. Ainsi, malgré une baisse des effectifs supérieure à celle des années précédentes, les dépenses de personnel (titre 2) ne pouvaient pas être maîtrisées de manière satisfaisante : les départs à la retraite augmentaient mécaniquement le nombre de pensionnés et donc, le taux de cotisation de l'Etat.

Pour 2008, le plafond des autorisations d'emplois de l'Etat s'établissait à 2.206.737 équivalents temps plein travaillé (ETPT) , contre 2.270.840 en 2007. En incluant les budgets annexes, le plafond global des autorisations d'emplois de l'Etat s'élevait à 2.219.035 ETPT, contre 2.283.159 ETPT en 2007. Le tableau ci-dessous décrit l'évolution des effectifs de l'Etat entre 1998 et 2008.

Evolution des effectifs de l'Etat entre 1998 et 2008 : un solde négatif en emplois de 8.900, mais une masse salariale inévitablement en hausse

Source : projet de loi de finances pour 2008

Pour autant, la baisse de 1 % des effectifs de l'Etat en 2008 ne permettait pas une diminution de sa masse salariale . En effet, les économies réalisées étaient plus que compensées par l'augmentation des pensions, à hauteur de plus de 2 milliards d'euros.

Titre 2 : dépenses de personnels à structure constante 2008

LFI 2007

PLF 2008

Rémunérations d'activité

74,2

73,5

Cotisations pour pensions

43,1

45,1

Prestations sociales et allocations diverses

1,3

1,3

Total

118,6

119,9

Source : projet de loi de finances pour 2008

Par ailleurs, la difficulté de maîtriser la masse salariale de l'Etat était renforcée par la dynamique de l'emploi relevant des opérateurs de l'Etat 27 ( * ) . Ainsi, l'évolution comparée des effectifs des opérateurs et des effectifs de l'Etat sur les années 2006 à 2008 est éclairante. Au cours de cette période, les effectifs de l'Etat sous plafond ont diminué de 102.205 emplois tandis que les effectifs des agences ont augmenté de 16.536 emplois. Même si ces chiffres sont à prendre avec précaution compte tenu des modes de comptabilisation différents et des corrections apportées au recensement des effectifs de l'État après le passage à la LOLF, ils traduisaient néanmoins une tendance préoccupante : celui de l'augmentation des effectifs des agences, alors que l'État diminue ses emplois.

Évolution comparée des effectifs de l'État (- 102.205) et de ses agences (+ 16.536) entre 2006 et 2008

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2008 relative aux opérateurs de l'Etat

Au total, il était beaucoup attendu de la RGPP et de ses effets liés notamment à l'une des mesures phares de cette politique : le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite à compter de 2008.

De ce point de vue, il convient cependant de souligner les limites budgétaires de cet exercice. En effet, ainsi que l'a rappelé devant la mission M. Jean-Marie Bertrand, rapporteur général du comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes 28 ( * ) , « le champ budgétaire couvert par la réforme s'élève à environ 140 milliards d'euros , qui s'avère plus réduit que prévu. La réforme est désormais centrée sur les seules dépenses de fonctionnement de l'Etat, hors interventions et intérêts, soit moins de 15 % de la dépense publique. Malgré tout, le champ sur lequel porte la RGPP représente près de 40 % du budget de l'Etat ».


* 25 Audition du 16 février 2011, table ronde avec les syndicats de la fonction publique.

* 26 La règle « zéro volume » correspond à une augmentation de la dépense uniquement proportionnelle à l'inflation.

* 27 On appelle « opérateur de l'Etat » une entité dotée de la personnalité morale quel que soit son statut juridique (établissement public national, groupement d'intérêt public, association...) qui a une activité de service public, pouvant explicitement se rattacher à la mise en oeuvre d'une politique définie par l'Etat, dont le financement est assuré majoritairement par l'Etat, directement sous forme de subventions ou via des ressources affectées, et contrôlé directement par lui.

* 28 Audition du 27 avril 2011.

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