Mercredi 1er juin 2011

M. Guy Vasseur,
président de l'assemblée permanente
des chambres d'agriculture (APCA)

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M. François Patriat, président. - Après avoir auditionné les autres chambres consulaires, il nous est apparu important d'entendre les chambres d'agriculture pour connaître leur appréciation sur la nouvelle organisation de l'État. Celle-ci est-elle vécue comme une clarification supplémentaire pour vos adhérents ?

M. Guy Vasseur, président de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA). - Les chambres d'agriculture ont été amenées à se réformer, en raison de la RGPP mais pas seulement. Notre objectif est de proposer une organisation de proximité à nos adhérents tout en prenant en compte la nouvelle organisation de l'État.

Le bilan que nous faisons de la mise en place des nouvelles directions départementales des territoires (DDT) est contrasté. Nous distinguons trois approches. La première est positive lorsque le directeur de la DDT est l'ancien directeur départemental de l'agriculture. La seconde est plus négative lorsque le nouveau directeur de la DDT est l'ancien directeur départemental de l'équipement : les relations sont plus difficiles. Enfin, la troisième approche concerne le cas où le nouveau directeur de la DDT est l'ancien directeur départemental de l'agriculture, qui consacre plus de temps à ses nouvelles missions liées à l'équipement et, par voie de conséquence, délaisse ses missions relatives à l'agriculture.

Selon nous, la réforme de l'administration territoriale de l'Etat (RéATE) n'a ni renforcé, ni diminué l'action de l'État dans les départements. La réforme de l'État ne constitue pas une avancée significative pour nos adhérents.

M. François Patriat, président. - Le monde agricole a-t-il le sentiment que l'État s'éloigne, se rapproche de lui, ou bien est-on dans la même situation qu'auparavant ?

M. Guy Vasseur. - Le monde agricole a plutôt le sentiment que l'État s'est éloigné. Encore faut-il distinguer les responsables professionnels des agriculteurs. Les premiers pensent que l'État s'est effectivement éloigné tandis que les seconds n'en ont pas encore conscience, sauf peut-être à travers la dématérialisation des procédures. Nous sommes favorables à celle-ci car elle permet d'alléger la tracasserie administrative à laquelle nous devons faire face. Toutefois, nous estimons que son développement est trop rapide, car tous les agriculteurs ne sont pas équipés d'Internet ou n'ont pas accès au haut débit. C'est pourquoi nos organisations ont mis en place un certain nombre d'actions afin de permettre à nos adhérents de s'inscrire dans ces démarches dématérialisées. Celles-ci doivent se faire par étape. Si elles permettent d'engranger des économies pour l'administration, elles sont également source de charges supplémentaires pour les agriculteurs, qui peuvent être amenés à se déplacer auprès de leur DDT pour disposer de précisions sur leur notification PAC, notamment pour ceux n'ayant pas accès à Internet.

La dimension « aménagement du territoire » n'a pas été prise en compte par la RGPP. La nouvelle carte judiciaire n'a que peu d'impact sur le monde agricole. Pour les hôpitaux, il est nécessaire de préserver les secours de proximité mais, dans le même temps, le manque d'équipements ou de compétences ne doit pas aggraver le cas clinique du patient. Il faut trouver un équilibre entre le fait que chaque citoyen bénéficie d'une qualité de soins et la proximité des premiers secours. Il faudra nécessairement renforcer la présence médicale de proximité : il est en effet impensable que certains citoyens soient à plus d'une heure d'un établissement hospitalier. En outre, on constate que la réduction de la présence des gendarmes sur le terrain conduit à une hausse de l'insécurité. Les exploitations agricoles sont menacées en raison de leur isolement, d'où des vols de fioul, des dégradations de cuivre, etc. Sur la question de la carte scolaire, l'absence ou la fermeture d'écoles représente des handicaps pour les agriculteurs et, plus généralement, pour le monde agricole. Il s'agit même d'une question essentielle pour nous, avant celles liées à la santé et à la sécurité. Les jeunes agriculteurs souhaitent disposer des mêmes services que les autres actifs.

La RGPP a certainement conduit au rétrécissement des missions traditionnelles de conseil de l'État aux collectivités territoriales, ce qui a des conséquences pour le monde agricole. On peut toutefois s'organiser autrement pour y faire face. Nous ne sommes pas convaincus que l'intercommunalité soit la réponse à ce désengagement de l'État. Certaines intercommunalités souhaitent prendre en charge le développement agricole : il n'est pas certain que cela conduira à une meilleure rationalisation de l'utilisation de l'espace et des deniers publics. Tout dépend de leur taille mais l'ingénierie devrait plutôt être assurée au niveau départemental, en raison des transferts dont ont bénéficié les conseils généraux au cours des dernières années.

Le financement n'est effectivement pas assuré pour les aides A.S.A. Il y a un désengagement de l'État en la matière. Nous acceptons certains transferts de la part de l'État mais il ne faut pas que ce dernier se désengage totalement de l'accompagnement administratif de l'installation des jeunes agriculteurs. Les Chambres d'agriculture ne peuvent pas augmenter les taxes à due concurrence pour y faire face. Au demeurant, on ne peut pas nous demander de réduire la voilure et, dans le même temps, d'assurer de nouvelles missions telles que l'apprentissage, sans transfert de moyens. Malgré l'accompagnement financier de l'ONEMA, les chambres d'agriculture ne peuvent pas tout assumer financièrement.

La RGPP n'a pas de conséquences sur les métiers agricoles. Il en sera peut-être autrement demain mais ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Enfin, nous ne pouvons pas établir aujourd'hui si, globalement, la RGPP a réduit la qualité des services publics locaux et ce qu'il faudrait faire pour l'améliorer. Il est trop tôt pour le dire.

La gestion de l'eau n'est plus du ressort des DDT ou, plus généralement, du niveau départemental, mais relève désormais du niveau régional. C'est pourquoi les chambres d'agriculture devront être présentes à ce niveau là. Dans le même temps, cette nouvelle organisation doit s'accompagner d'un renforcement de notre présence auprès de nos adhérents, car l'utilité passe également par la proximité et la compétence. Certaines compétences n'existeront plus au niveau départemental mais devront l'être soit au niveau régional, soit au niveau interdépartemental.

M. François Patriat, président. - Lors de notre récent déplacement dans le Nord, nous avons constaté que les chambres départementales du Nord et du Pas-de-Calais et la chambre régionale sont en train de fusionner pour créer une chambre de région. On constate ainsi que les chambres consulaires privilégient le niveau régional alors que le poids départemental a été renforcé par la récente réforme des collectivités territoriales.

M. Guy Vasseur. - Nos démarches de réorganisation demeurent ouvertes et relèvent de la responsabilité des professionnels du monde agricole. Notre démarche, que nous avons appelée « Terres d'avenir », vise à renforcer le niveau régional. Dans le même temps, nous devons proposer de la proximité à nos adhérents. Compte-tenu de la diminution du nombre d'agriculteurs et de leurs préoccupations plus pointues, nous devons acter certains désengagements. C'est le cas pour le référent porc, qui existait dans chaque département, ce qui n'a plus lieu d'être aujourd'hui. Les spécialistes doivent être aujourd'hui soit au niveau régional (mais pas forcément dans le chef-lieu de région), soit au niveau interdépartemental, pour renforcer à la fois les niveaux régional et départemental. Ainsi, les chambres de Savoie et de Haute-Savoie sont en train de fusionner, il en est de même pour celles du Doubs et du Territoire-de-Belfort. La proximité et la performance sont nos maîtres-mots.

M. Dominique de Legge, rapporteur. - Je vous remercie pour vos réponses très complètes.

L'État a réorganisé ses services avec une vision régionale alors que l'échelon départemental a été renforcé par la loi de réforme des collectivités territoriales. Les compétences entre le niveau régional de l'État, d'une part, et celles du niveau départemental et des unités territoriales, d'autre part, sont-elles suffisamment claires ? En cas de difficultés, quelle est l'instance d'arbitrage ?

M. Guy Vasseur. - Aujourd'hui, notre interlocuteur est le préfet de département, même pour les problématiques de l'eau qui relèvent pourtant de l'échelon régional. Nous savons bien que le préfet de département et les DDT n'ont plus de pouvoirs administratifs mais nous devons quand même passer par eux.

Le législateur a renforcé l'échelon régional via la RGPP. Toutefois, nous avons besoin de réactivité sur certains problèmes particuliers ou locaux. Nous constatons en effet que nos interlocuteurs sont plus faciles à convaincre au niveau départemental qu'au niveau régional, ce que nous regrettons. Cette situation est certainement liée à une implication moins forte des conseils régionaux sur le terrain.

Mme Jacqueline Gourault. - Le législateur n'a pas légiféré sur la RGPP mais seulement sur la réforme territoriale. Les compétences attribuées aux régions sont antérieures à la réforme des collectivités territoriales. Mais il est naturel que la régionalisation des services de l'État induite par la RGPP s'accompagne d'une certaine régionalisation des chambres d'agriculture.

Bien que cette question soit en marge de la RGPP, je souhaiterais savoir si, sur le plan fiscal, la suppression d'une part du foncier non bâti a eu un impact sur le monde agricole ?

M. Guy Vasseur. - Sur la question de la régionalisation des chambres d'agriculture, nous avons l'obligation de nous organiser autrement. Notre objectif est de conserver de la proximité vis-à-vis de nos adhérents, via nos chambres départementales. Nous devons répondre aux nouveaux besoins des agriculteurs en nous organisant autrement.

Nous n'étions pas favorables à la suppression d'une part de foncier non bâti. Malgré les injustices de cette taxe, liées à l'absence de révision des valeurs locatives cadastrales, une telle suppression entraînera inéluctablement l'instauration d'un nouvel impôt. Les agriculteurs doivent en outre contribuer au financement de la vie communale. Par ailleurs, cette réduction fiscale de 20 % n'avantage pas forcément les agriculteurs, car c'est un impôt qui s'adresse aux propriétaires.

M. Gérard Bailly. - J'observe que les techniciens spécialisés relèvent, au niveau des chambres d'agriculture, plus souvent du niveau régional que du niveau départemental.

Je regrette que la DREAL soit également un service de niveau régional, sous l'autorité des préfets de région, ce qui ne permet pas à ses agents d'apprécier justement certaines problématiques locales liées, par exemple, à l'application de Natura 2000 - qui concerne 27 % de mon département - ou des routes forestières. Or, les problématiques liées à l'environnement nécessitent une expertise proche du terrain. N'y a-t-il pas là une lacune à corriger ?

Sur les compétences « urbanisme » des services de l'État, plus particulièrement sur l'instruction des permis de construire, le rapprochement dans les mêmes locaux de ces missions a-t-il simplifié les choses ?

Enfin, les agriculteurs identifient-ils bien leurs nouveaux interlocuteurs avec la mise en place des DDT et bénéficient-ils des mêmes compétences qu'auparavant ?

M. Guy Vasseur. - Les agriculteurs ne rencontrent pas de problèmes d'identification des nouveaux interlocuteurs, car ce sont souvent les mêmes.

En revanche, plus l'expert est éloigné, et plus nous rencontrons de problèmes. Nous partageons votre idée selon laquelle les problématiques environnementales nécessitent de la proximité, que l'on a perdue. C'est un véritable problème par rapport aux citoyens agriculteurs. Il faudra y remédier rapidement, pour éviter certains décalages inacceptables.

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