V. CONCLUSIONS DU RAPPORTEUR

1. Sur la renationalisation de la politique de cohésion en général et du FSE en particulier

Dans la mesure où le FSE poursuit une politique qui prolonge ou renforce la politique de l'emploi de chaque État membre, il est parfois apparu que la politique de l'emploi entendue au sens large pouvait rester du ressort de chaque État membre et qu'une totale renationalisation serait envisageable. Cette position s'appuie également sur l'idée qu'il est difficile de mesurer si les fonds obtenus du FSE s'ajoutent au budget national de l'emploi ou plutôt l'allègent d'autant, bien qu'en principe, la contribution du FSE ne doive pas se substituer aux dépenses structurelles publiques ou assimilables d'un État membre. Le risque actuellement couru et parfois pris est d'abonder le FSE avec des crédits publics déjà dédiés à une politique de l'emploi.

Votre rapporteur écarte l'option d'une renationalisation parce qu'il considère que le FSE conduit à mettre l'accent sur certains aspects parfois oubliés de la politique nationale de l'emploi et surtout que l'actuel mécanisme de cofinancement conduit à provoquer la création de partenariats entre le public et le privé, comme entre le national et le local, partenariats qui ont pour effet salutaire de conjuguer les efforts de tous afin de résoudre des problèmes concrets de notre marché du travail et de notre société.

2. Sur le détachement du FSE de la politique de cohésion et sur la non territorialisation des crédits

L'idée d'isoler le FSE du reste de la politique de cohésion et d'en faire l'arme budgétaire de la politique européenne de l'emploi est à ce stade abandonnée pour deux raisons essentielles : l'insuffisance de moyens en période de restrictions budgétaires et l'opposition des régions à son corollaire, la non territorialisation des crédits.

Votre rapporteur estime également qu'il est plus sage, faute de moyens suffisants, de circonscrire l'action du FSE à l'action déjà ambitieuse qui est la sienne avant d'envisager de le faire intervenir sur l'ensemble de la politique de l'emploi. Sur la non territorialisation, il estime que la précision apportée à la définition des principes régissant l'éligibilité des projets conduit ipso facto à réserver les crédits FSE aux régions les moins avancées. Si la non territorialisation des crédits devait entraîner en quelque sorte leur fusion au sein des politiques nationales de l'emploi, il faudrait naturellement s'y opposer.

3. Sur l'idée de réserver les crédits du FSE aux États membres les plus pauvres

Cette idée a pris corps depuis l'entrée des pays d'Europe centrale dans l'Union européenne et repose sur la comparaison entre le formidable effet de rattrapage dont a pu bénéficier l'Italie, puis l'Espagne, la Grèce et l'Irlande, grâce à l'ensemble des fonds européens de solidarité et, l'effort beaucoup moindre consenti au profit de la Pologne, de la Hongrie, de la République tchèque et de la Slovaquie.

L'Union européenne fait donc relativement moins pour les nouveaux entrants. Pour faire plus, à budget constant, elle pourrait exclure les pays les plus riches du bénéfice des fonds structurels.

Sur cette question, votre rapporteur se range à l'avis que les effets de la crise actuelle montrent clairement que le chômage, et particulièrement celui des jeunes, est un fléau qui touche tous les États membres et, pour cette raison, il vous propose de maintenir l'actuelle clé de répartition des crédits FSE.

4. Sur l'idée de concentrer prioritairement les crédits du FSE à la lutte contre la pauvreté

Votre rapporteur considère que la lutte contre la pauvreté est une politique sociale nationale et que le FSE, par sa mission, y participe. Pour autant, on ne saurait lui imposer d'en faire sa priorité, car il n'a pas été créé pour compléter les minima sociaux mais pour conduire à l'emploi ceux qui ont été écartés du marché du travail ou risquent de l'être. En outre, restaurer l'employabilité permet aussi d'écarter l'exclusion et la pauvreté.

5. Sur la durée de la programmation

Actuellement, la programmation du FSE se calque sur la durée du cadre financier pluriannuel, soit sept ans. La crise récente a amené à modifier quelque peu la programmation du FSE en cours de cycle pour mieux l'adapter aux événements.

Aux yeux de votre rapporteur, la durée de sept ans ne faisant pas obstacle à des modifications en cours de cycle, il n'y pas lieu de la modifier. Au contraire, il voit, dans cette durée, un avantage appréciable en termes de garantie et de prévisibilité des crédits. En effet, les crédits sont connus et engagés sur les sept ans à venir, ce qui peut représenter une forte incitation pour tous les projets menés à moyen terme.

6. Sur le verdissement du FSE

Une partie des acteurs du secteur et des parlementaires européens sont sensibles à l'idée que le FSE devrait intégrer dans sa stratégie, en sus de sa composante « développement durable », une composante « verte », c'est-à-dire mettre l'accent sur la formation aux emplois nouveaux engendrés par toutes les entreprises qui produisent des biens et des services contribuant à éviter, réduire ou supprimer des nuisances pour l'environnement.

Votre rapporteur juge que cette question n'a pas été négligée dans les projets financés par le FSE, mais il ne voit pas d'inconvénient à ce que cette obligation déjà intégrée par les acteurs du secteur figure en toutes lettres dans le prochain programme du FSE.

7. Sur la possibilité d'exonérer de l'obligation de cofinancement certains États membres

On sait que cette idée repose sur la supposition que la sous-consommation des crédits par certains États membres serait due à la difficulté qu'ils éprouveraient de cofinancer les éventuels projets éligibles. On rappellera que ces projets sont financés en moyenne à hauteur de 45,76 % grâce aux crédits du FSE. Outre qu'aucun État membre n'a à ce jour avancé cette raison, on sait que ce qui semble faire défaut à certains pays, c'est une fonction publique suffisamment étoffée et un réseau associatif suffisamment dense pour gérer la très lourde partie administrative d'instruction, de gestion et de suivi des projets.

Aujourd'hui, cette réforme est à nouveau proposée, pour d'autres raisons, pour le cas particulier de la Grèce, notamment par M. Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe. Dans le cas de la Grèce, ce serait un manque de fonds publics.

À l'exception du cas grec, qui demande à être examiné plus attentivement vu la conjoncture, votre rapporteur n'est pas favorable à l'exemption de l'obligation de cofinancement qui est un principe fondateur des fonds structurels.

8. Sur la responsabilité budgétaire et comptable du commissaire aux affaires sociales et à l'emploi

Selon le principe qui veut que l'on puisse gouverner de loin mais qu'on administre bien que de près, il paraît effectivement peu défendable que la responsabilité budgétaire et comptable pèse presque uniquement sur le commissaire européen aux affaires sociales et à l'emploi pour des projets gérés localement.

Comme le montre l'annexe 2, les contrôles sont au nombre de six, et selon l'adage qui veut que plusieurs contrôles équivalent à aucun contrôle, il convient de réduire ces contrôles tatillons et coûteux.

De même, la Commission considère que le risque d'erreur tolérable doit être inférieur à 2 % du projet de budget, ce qui est peu, sachant par exemple que la prise en compte de salaires peut entraîner l'inclusion à tort d'une prime saisonnière ou d'un rappel, erreur susceptible de dépasser facilement les 2 %.

Pour ces raisons, votre rapporteur est favorable à une réforme qui introduirait un partage proportionné de la responsabilité et mettrait en place un contrat de confiance reposant plus largement sur un contrôle national.

9. Sur la nécessaire simplification de la gestion administrative budgétaire et comptable des crédits du FSE

La gestion administrative budgétaire et comptable nécessite la mobilisation d'un nombre important de fonctionnaires et d'acteurs privés dont le coût global est difficile à calculer. Si le coût était connu, il contribuerait à conforter les critiques adressées au FSE qui tendent à lui reprocher un coût de fonctionnement disproportionné par rapport aux crédits versés.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur salue la première réforme introduite par le règlement CE n° 396-2009 du 6 mai 2009, et appelle de ses voeux une simplification encore plus drastique qui permettrait l'établissement d'un guichet local unique et un renforcement du suivi des résultats qui, aujourd'hui, laisse à désirer.

10. Sur la fusion du FSE et du FEM (Fonds européen d'ajustement à la mondialisation)

Le fonds européen d'ajustement à la mondialisation a été créé en 2006 et doté d'un budget annuel de 500 millions d'euros. Sa mission est de venir en aide aux travailleurs qui perdent leur emploi en raison de l'évolution du commerce mondial. Il contribue donc à aider les travailleurs à chercher un emploi et à se réorienter par la formation ou un recyclage sur mesure. Il s'agit d'une aide individuelle, unique et limitée dans le temps.

Votre rapporteur fait remarquer que la mission accomplie par le FEM fait partie des missions déjà menées par le FSE et il sait que le FEM pourrait être fusionné au sein du FSE, abondant ainsi les crédits du FSE de 500 millions annuels supplémentaires. Cependant, cet abondement n'étant pas certain, il préfère, pour des raisons tactiques évidentes, ne pas proposer la fusion des deux fonds.

11. Sur la régionalisation des crédits du FSE

Actuellement, des voix se font entendre en faveur de la régionalisation des crédits du FSE, c'est-à-dire le transfert aux régions de l'entière gestion des crédits du FSE. D'autres positions plus modérées veulent revenir sur le partage des crédits entre préfectures et régions afin de favoriser les régions. Il convient de rappeler que la gestion des crédits du FSE relève, actuellement, d'une politique nationale dont la responsabilité appartient au ministre de l'emploi et, par délégation, au délégué général pour l'emploi et la formation professionnelle. Aujourd'hui, il existe trois étapes dans le partage des crédits : le partage entre le FEDER et le FSE, le partage entre la politique nationale financée par les crédits FSE (15 %) et la politique régionale (85 %), et enfin un partage régional entre le SGAR (60 %) et les collectivités territoriales.

Votre rapporteur, qui a rencontré l'ensemble des acteurs qui se sont tous prononcés pour l'augmentation de leur part respective, considère qu'il convient de conserver une gestion nationale à la fois déconcentrée et décentralisée des crédits du FSE dans le respect d'un principe de subsidiarité jouant entre l'échelon national et l'échelon local.

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