INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Alors que le débat sur les conditions de l'adaptation au changement climatique avait paru, au cours des dernières années, favoriser les énergies décarbonées, en particulier l'énergie nucléaire, au point que certains industriels de l'électricité semblaient se laisser de plus en plus tenter par l'hypothèse d'un modèle de production nucléaire au coût inférieur à celui des réacteurs à sécurité renforcée, un événement est venu brutalement stopper cette évolution.

L'accident à la centrale nucléaire de Fukushima le 11 mars 2011 est la conséquence de mouvements tectoniques sous-marins de forte ampleur suivis d'un tsunami qui a atteint la côte nord-est de l'île principale de l'archipel du Japon.

Dans les trois jours qui ont suivi, le gouvernement allemand, a fixé un moratoire à la prolongation en cours de la durée d'exploitation des centrales nucléaires, et ensuite, le 30 mai 2011, a décidé d'arrêter définitivement l'ensemble des 17 réacteurs électronucléaires d'ici 2022.

Aujourd'hui, tous les projets de réacteurs « low cost » ( bon marché ) sont oubliés, et les avis convergent pour vérifier la sécurité des réacteurs existants et ne construire, dans l'avenir, que des réacteurs de troisième génération à sûreté maximale avec une majoration du coût qui, tout en restant raisonnable, à moins de 20%, représentera des dépenses non négligeables.

C'est dans ce contexte que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a été saisi, de façon conjointe, par le Bureau de l'Assemblée nationale, d'une part, le 18 mars 2011, et par la commission de l'Économie et du développement durable et de l'aménagement du territoire du Sénat, d'autre part, le 23 mars 2011, d'une étude sur la sécurité nucléaire, la place de la filière et son avenir.

La saisine précise que «cette étude aurait pour objet d'établir des informations objectives sur l'état actuel de nos connaissances et sur les développements à attendre de cette filière industrielle, à la lumière des événements dramatiques auxquels le Japon est confronté» .

Cette saisine entérine une démarche concertée entre MM. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, et Gérard Larcher, président du Sénat, en lien avec une demande de M. Jean-Marc Ayrault, président du groupe SRC de l'Assemblée nationale, elle-même à l'instigation de M. Christian Bataille.

Pour la conduite de cette nouvelle étude, l'OPECST a été associé à sept membres des commissions des Affaires économiques et du Développement durable de l'Assemblée nationale, ainsi qu'à huit membres de la commission de l'Économie et du développement durable et de l'aménagement du territoire du Sénat.

Cette mission ad hoc , associant membres de l'Office parlementaire et représentants des trois commissions, fonctionnera comme s'il s'agissait d'une étude de l'OPECST, sous réserve d'un aménagement, souhaité par son président, M. Claude Birraux, également président de l'OPECST, vis-à-vis des parlementaires non membres de l'Office: tous les membres de la mission disposent à égalité d'un droit de vote au moment des délibérations. L'OPECST nous a désignés comme rapporteurs de l'étude le 30 mars.

Les travaux s'appuient par ailleurs sur un comité d'experts, composé d'éminents spécialistes de la sûreté nucléaire.

Lors de la présentation de l'étude de faisabilité, le 14 avril, une démarche en deux étapes a été décidée. La première étape, dont la publication de ce rapport marque le terme, a concerné l'étude de la sécurité et de la sûreté nucléaire. Elle s'est appuyée sur six auditions publiques, dont le compte-rendu figure en annexe. Par ailleurs, la mission parlementaire a effectué sept déplacements pour visiter des installations de la filière nucléaire : centrales de production, usines du cycle du combustible, ou ateliers de fabrication d'équipements sous pression. La seconde étape s'attachera plus largement à l'étude de l'avenir de la filière nucléaire dans le système énergétique de notre pays, et conduira à publier un rapport définitif au mois de décembre 2011.

Vos rapporteurs se sont efforcés de préserver la spécificité de cette étude parlementaire sur la sécurité et de la sûreté nucléaire, à savoir l'analyse de la situation dans sa dimension véritablement politique et stratégique au sens de l'intérêt général du pays.

Par essence, la démarche de la mission parlementaire se démarque en effet d'autres initiatives publiques parallèles de nature plus technique :

- les «évaluations complémentaires de sûreté», dont la réalisation a été demandée à l'Autorité de sûreté nucléaire par le Premier ministre dans une lettre du 15 mars, et dont le cahier des charges a été adopté le 5 mai par l'Autorité, sous la forme de douze prescriptions adressées aux exploitants; elles concernent toutes les installations nucléaires;

- les «évaluations de sûreté» ( stress tests ) décidées par le Conseil européen des 24 et 25 mars, dont le cahier des charges a été approuvé par l'ENSREG ( European Nuclear Safety Regulators Group ) le 25 mai; elles concernent seulement les 143 réacteurs nucléaires européens ;

- l'étude demandée à la Cour des comptes par le Premier ministre, dans une lettre du 22 mai, sur les coûts de la filière nucléaire, y compris ceux relatifs au démantèlement des installations ;

- le groupe de travail, de réflexion et de proposition « Solidarité Japon », mis en place le 21 mars par l'Académie des sciences sous l'égide de son président Alain Carpentier, qui réunit des académiciens des trois domaines concernés : sismique, nucléaire et médical.

L'étude conduite par l'OPECST, a fortiori dans cette configuration élargie incluant des membres des commissions permanentes, qui crée une situation similaire à celle d'une mission d'information ou d'une commission d'enquête, relève, au sens plein, de la fonction de contrôle du Parlement, mentionnée par l'article 47-2 de la Constitution : ce contrôle concerne « l'action du Gouvernement » et « l'évaluation des politiques publiques ». Il s'agit en l'occurrence d'évaluer le dispositif de sécurité nucléaire, notamment en regard des objectifs qui lui sont assignés au regard de l'intérêt général.

Ces objectifs sont ceux inscrits à l'article 1 er de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité nucléaire : « La sécurité nucléaire comprend la sûreté nucléaire, la radioprotection, la prévention et la lutte contre les actes de malveillance, ainsi que les actions de sécurité civile en cas d'accident . (...) L'Etat définit la réglementation en matière de sécurité nucléaire et met en oeuvre les contrôles visant à l'application de cette réglementation. Il veille à l'information du public sur les risques liés aux activités nucléaires et leur impact sur la santé et la sécurité des personnes ainsi que sur l'environnement . »

Bien qu'elle se soit rendue sur plusieurs sites, la mission parlementaire n'a ainsi pas vocation à juger de la pertinence des barrières ou autres systèmes techniques de sauvegarde aperçus sur place ; pas plus qu'il ne lui appartient de se substituer à l'Autorité de sûreté nucléaire quant à la décision d'autoriser ou non la poursuite de l'exploitation du réacteur n°1 de la centrale de Fessenheim.

En revanche, il lui appartient de donner son appréciation sur la cohérence et l'efficacité de l'ensemble du cadre institutionnel de gestion de la sécurité nucléaire, s'agissant notamment de son organisation et de ses procédures.

A cet égard, vos rapporteurs ont le sentiment que la sécurité et la sûreté nucléaire sont gérées en France de la manière la plus rigoureuse ; mais ils ont néanmoins identifié des axes d'amélioration possible, au regard de l'exigence de progrès permanent qui est indissociablement attachée au concept de sûreté et en traduction du retour d'expériences suite aux événements de Fukushima.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page