5. Un contexte de crise et de hausse du chômage
Tous les interlocuteurs de la mission ont souligné que la fusion de l'ANPE et des Assedic s'est déroulée dans un contexte de crise qui n'avait pas été anticipé et qui a fait peser sur les agents une pression supplémentaire.
Au moment où la fusion a été décidée, dans le courant de l'année 2007, le chômage était orienté à la baisse depuis deux ans et avait atteint son plus bas niveau depuis vingt-cinq ans, aux alentours de 7,5 % de la population active. A l'époque, l'hypothèse d'un taux de chômage de 5 % de la population active, soit un niveau proche du plein emploi compte tenu de l'existence d'un chômage frictionnel, était sérieusement envisagée à l'horizon 2012.
Le contexte économique s'est radicalement transformé à partir de septembre 2008 puisque la France, comme les autres pays développés, a été frappée par une grave crise, la plus sévère depuis l'après-guerre, qui a d'abord concerné la sphère financière avant de se propager à l'économie réelle. Après une croissance très faible en 2008 (0,2 %), le produit intérieur brut (PIB) s'est contracté en 2009 de 2,6 %. Une reprise s'est amorcée en 2010, avec une croissance de l'ordre de 1,5 %, et elle devrait s'affermir en 2011.
Les conséquences de la crise sur l'emploi se sont fait sentir dès le début de l'année 2009, soit au moment même où Pôle emploi a vu le jour. Dominique-Jean Chertier, le président du conseil d'administration de Pôle emploi, a insisté sur ce point lors de son audition par la mission : « Alors que cette institution a été officiellement créée au début de l'année 2009, elle a dû accueillir, chaque jour, dès le mois de janvier, 3 000 demandeurs d'emploi supplémentaires. Il est devenu plus difficile, en pleine crise, de leur proposer des débouchés : les employeurs se montraient plus préoccupés de sauver leur entreprise que de créer des emplois. » Au total, pendant les deux années qui ont suivi sa création, Pôle emploi a dû faire face à une augmentation d'environ 730 000 du nombre de demandeurs d'emploi inscrits en catégorie A, B et C 13 ( * ) , soit une augmentation de plus de 20 % par rapport au nombre de demandeurs d'emploi recensés en janvier 2009.
Les effectifs de Pôle emploi ont augmenté en 2009 mais de manière modeste au regard de la hausse du nombre de demandeurs d'emploi. A partir de l'été, 1 840 agents supplémentaires ont été recrutés, 1 000 en CDI et 840 en CDD. En outre, 500 personnes ont été recrutées en CDD à l'occasion de la mise en place des plates-formes téléphoniques régionales et 500 autres ont été embauchées en contrats aidés pour contribuer à l'accueil physique des demandeurs d'emploi. Un appel d'offres a également été lancé, en avril 2009, auprès des opérateurs privés de placement afin de leur confier l'accompagnement renforcé de 320 000 demandeurs d'emploi sur deux ans.
Les six premiers mois d'existence de l'institution ont été particulièrement difficiles. En juillet 2009, 60 % seulement des appels téléphoniques vers le 39 49 permettaient d'entrer en contact avec un opérateur. Le taux de décisions d'indemnisation prononcées en moins de quinze jours a oscillé autour de 82 % au cours du premier semestre, alors que l'objectif de la direction était d'atteindre un taux de 100 %. Le nombre de dossiers d'indemnisation en instance en fin de mois a atteint 65 000 au mois de juillet.
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Compte tenu de l'ampleur des transformations réalisées en l'espace de seulement deux ans et de la hausse brutale du chômage qu'il a fallu gérer, il n'est guère surprenant que Pôle emploi ait pu donner l'image, pendant ses premiers mois d'existence, d'un « grand bazar » pour reprendre le titre d'un article paru dans le journal La Tribune en mars 2009 14 ( * ) .
Sans doute la fusion aurait-elle été plus facile à mettre en oeuvre si le chômage avait continué à diminuer comme c'était le cas au moment où elle a été décidée. Mais peu d'observateurs avaient anticipé la crise de 2008 et il aurait été délicat d'interrompre le processus de fusion une fois que celui-ci a été lancé. Dans quelles conditions les demandeurs d'emploi seraient-ils aujourd'hui accueillis et accompagnés si la fusion avait été suspendue en raison de la crise ?
Lors de ses déplacements, la mission a pu constater que cette période de désorganisation est aujourd'hui largement derrière nous. Si tous les problèmes n'ont pas été résolus, Pôle emploi semble avoir passé le cap le plus difficile, ce qui permet de discerner les premiers effets positifs de la fusion.
* 13 Les personnes figurant dans les catégories A, B et C de la liste des demandeurs d'emploi sont toutes tenues d'accomplir des actes positifs de recherche d'emploi. La catégorie A regroupe celles qui n'ont aucune activité, la catégorie B celles qui ont eu une activité réduite courte au cours du mois, la catégorie C celles qui ont eu une activité réduite longue (plus de soixante-dix-huit heures de travail dans le mois).
* 14 Cf. « Pôle emploi : le grand bazar », article d'Isabelle Moreau, La Tribune, 11 mars 2009.