N° 64

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 octobre 2011

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les prélèvements obligatoires et leur évolution ,

Par Mme Nicole BRICQ,

Sénatrice,

Rapporteure générale.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc, Mmes Michèle André, Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; M. Philippe Dallier, Mme Frédérique Espagnac, MM. Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Caffet, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Jean Germain, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung.

Mesdames, Messieurs,

L'article 52 de la loi organique relative aux lois de finances dispose que, « en vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année suivante par le Parlement, le Gouvernement présente à l'ouverture de la session ordinaire un rapport retraçant l'ensemble des prélèvements obligatoires ainsi que leur évolution.

« Ce rapport comporte l'évaluation financière, pour l'année en cours et les deux années suivantes, de chacune des dispositions, de nature législative ou réglementaire, envisagées par le Gouvernement.

« Ce rapport peut faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat ».

Le rapport remis, à l'automne 2006, en vue de l'examen des lois financières pour 2007 comportait un bilan de la politique de prélèvements obligatoires conduite depuis 2002. Le rapport remis en vue des lois financières pour 2012 ne comporte aucun bilan ou évaluation de la politique de prélèvements obligatoires conduite durant le quinquennat qui s'achève.

Le présent rapport a pour objet de dresser ce bilan et d'en tirer les enseignements.

PREMIÈRE PARTIE : UN QUINQUENNAT MARQUÉ PAR UNE SUCCESSION DE RENONCEMENTS

I. UNE RECONNAISSANCE TARDIVE DE L'IRRÉALISME D'UNE POLITIQUE DE BAISSE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN SITUATION DE DÉFICIT PUBLIC ÉLEVÉ

L'évolution du taux de prélèvements obligatoires, c'est-à-dire du poids des prélèvements obligatoires exprimés en points de produit intérieur brut (PIB), est un indicateur sans grande signification politique, à court terme en tout cas. Il arrive en effet parfois que le taux de prélèvements obligatoires augmente ou diminue spontanément, sans aucune mesure d'augmentation d'impôts ou de cotisations sociales. Cela vient du fait que, selon le niveau de la croissance, ils tendent à évoluer à un rythme différent de celui du PIB (les économistes disent que, à court terme, l'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB n'est pas égale à 1).

A long terme, on peut néanmoins considérer que le taux de prélèvements obligatoires reflète le choix d'un pays en matière de financement des besoins collectifs.

En tout état de cause, dès lors que le Gouvernement avait pris en 2007 des engagements portant sur le taux de prélèvements obligatoires, il convient d'apprécier la manière dont il s'y est tenu .

En 2007, la nouvelle majorité avait pour objectif affiché de réduire le taux de prélèvements obligatoires. Le 22 janvier 2007, Nicolas Sarkozy, alors candidat à la présidence de la République, a indiqué son intention de réduire le taux de prélèvements obligatoires de 4 points de PIB. Il a précisé, le 13 février 2007, qu'il s'agissait d'un objectif à l'horizon de dix ans.

On se contentera ici de retenir l'objectif, beaucoup plus modeste, du programme de stabilité 2009-2012 de décembre 2007 1 ( * ) , qui prévoyait que ce taux passerait de 44 points de PIB en 2007 à 43,4 points de PIB en 2012, soit une réduction de 0,6 point de PIB .

Cet objectif quantitatif s'accompagnait d'une réflexion plus qualitative, qui insistait aussi bien sur le niveau des prélèvements obligatoires que sur leur structure. Ainsi, le début de la législature fut notamment marqué par le projet de conduire une revue générale des prélèvements obligatoires (RGPO). Cette revue avait commencé par l'élaboration d'un document d'orientation sur les évolutions de la politique fiscale visant à « favoriser la construction, sur la législature, d'une stratégie fiscale lisible et cohérente ». Les principes fondamentaux de cette stratégie devaient être l'équité, l'environnement et la compétitivité des entreprises.

Les développements qui suivent montrent que la politique conduite ne s'est caractérisée ni par sa lisibilité, ni par sa cohérence.

Du point de vue quantitatif, l'objectif n'a pas été atteint non plus. Si une comparaison précise entre prévision et exécution est rendue impossible par le changement de base 2 ( * ) de l'Insee, qui est passé au premier semestre de cette année de la base 2000 à la base 2005, il reste toutefois possible de comparer les évolutions prévues de 2007 à 2012.

Sous cette réserve, on constate que, en réalité, le taux de prélèvements obligatoires a augmenté de 1,1 point de PIB sur la période .

Les dépenses et les recettes des administrations publiques : prévision et exécution

(en points de PIB)

Programme de stabilité 2009-2012 de décembre 2007 (1)

Exécution (2)

Ecart indicatif entre prévision et exécution (3)

2007

2012

Ecart entre 2007 et 2012

2007

2012

Ecart entre 2007 et 2012

2007

2012

Ecart entre 2007 et 2012

Recettes

50,7

50 ,0

-0,7

49,9

51,3

1,4

-0,8

1,3

2,1

Prélèvements obligatoires

44

43,4

-0,6

43,4

44,5

1,1

-0,6

1,1

1,7

Dépenses

53,2

49,9

-3,3

52,6

55,8

3,2

-0,6

5,9

6,5

Solde au sens du traité de Maastricht

-2,4

0,0

2,4

-2,7

-4,5

-1,8

-0,3

-4,5

-4,2

(1) Comptes nationaux base 2000. Scénario « bas » de croissance du PIB de 2,5 % de 2009 à 2012.

(2) Comptes nationaux base 2005. Prévision du Gouvernement pour 2012.

(3) Compte tenu du changement de base, cet écart est purement indicatif.

Sources : Insee, programme de stabilité 2009-2012 de décembre 2007, rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances, calculs de la commission des finances

A. UN TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DE 44,5 POINTS DE PIB EN 2012, CONTRE UN OBJECTIF INITIAL DE 43,4 POINTS DE PIB

Dans le cas du taux de prélèvements obligatoires, le graphique et le tableau ci-après permettent de comparer l'exécution et les programmations successives.

Le programme de stabilité 2009-2012 de décembre 2007 prévoyait de ramener le taux de prélèvements obligatoires, alors évalué à 44 points de PIB en 2007 3 ( * ) , à 43,4 points de PIB à compter de 2010, ce qui aurait représenté une diminution de 0,6 point.

Du fait notamment d'un taux de prélèvements obligatoires plus faible que prévu en 2007 - celui-ci a été de 43,2 points de PIB selon la base 2000 des comptes nationaux, alors utilisée 4 ( * ) -, l'objectif de taux de prélèvements obligatoires pour 2012 a dans un premier temps été revu à la baisse, à 43,2 points de PIB selon le programme de stabilité 2009-2012 de décembre 2008, 42,8 points de PIB selon la loi de programmation des dépenses publiques 2009-2012 de février 2009 5 ( * ) et 42,4 points de PIB selon le programme de stabilité 2010-2013, présenté en janvier 2010.

Ce n'est qu'à la fin de 2010 que le Gouvernement a réalisé qu'il ne lui serait pas possible de réduire significativement le déficit public sans porter le taux de prélèvements obligatoires à un niveau supérieur à celui de 2007. Aussi a-t-il - trop tardivement - abandonné de fait son idéologie de baisse des prélèvements obligatoires et son objectif de baisse globale sur la durée du quinquennat.

La prévision de taux de prélèvements obligatoires pour 2012 a donc ensuite été constamment revue à la hausse, en raison des mesures nouvelles prises par le Gouvernement pour réduire le déficit public. Ainsi, elle est passée à 43,2 points de PIB selon la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 de décembre 2010 6 ( * ) . Le programme de stabilité 2011-2014 d'avril 2011 a porté ce taux à 43,4 points de PIB, soit le même taux qu'en 2007.

Enfin, la programmation figurant dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2012 - exprimée selon les concepts de la base 2005 des comptes nationaux - prévoit un taux de prélèvements obligatoires de 44,5 points de PIB en 2012 . Le « record » absolu de 1999, année où les prélèvements obligatoires se sont élevés à 44,9 points de PIB, serait « battu » en 2013 (45 points de PIB). Cette hausse de 0,8 point de PIB en 2012 proviendrait en totalité d'augmentations discrétionnaires de prélèvements obligatoires, dans le cadre notamment du plan annoncé par le Gouvernement à la fin du mois d'août 2011.

On pourrait comprendre que la crise ait conduit le Gouvernement à abandonner ses certitudes en matière de baisse des prélèvements obligatoires et à conduire une politique différente de celle qu'il aurait souhaitée au départ.

Mais il est regrettable qu'il ait mis si longtemps à réaliser qu'il était nécessaire de protéger les recettes publiques. On doit surtout lui reprocher de discréditer la parole publique en mettant désormais en oeuvre une politique d'augmentation des prélèvements obligatoires, tout en tentant de faire croire le contraire.

Le taux de prélèvements obligatoires : prévision et exécution

(en points de PIB)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Taux de prélèvements obligatoires effectif*

43,4

43,2

42,0

42,5

Programme de stabilité 2009-2012 I (1)

44,0

43,7

43,5

43,4

43,4

43,4

Programme de stabilité 2009-2012 II

43,3

43,2

42,9

43,2

43,2

43,2

Loi de prog. des finances publiques 2009-2012 (2)

42,8

42,8

42,8

42,8

42,8

Programme de stabilité 2010-2013

42,8

41,0

41

41,9

42,4

43,0

Loi de prog. des finances publiques 2011-2014 (3)

41,9

42,9

43,2

43,7

43,9

Programme de stabilité 2011-2014**

42,2

43,1

43,4

43,9

43,9

Programmation annexée au présent PLF*

43,7

44,5

45,0

45,2

45,4

Comptes nationaux base 2000, sauf (*) comptes nationaux base 2005 et (**) comptes nationaux base 2005 pour les montants en milliards d'euros et comptes nationaux base 2000 pour le PIB.

(1) Scénario « bas », prévoyant une croissance du PIB de 2,5 % de 2009 à 2012.

(2) La trajectoire indiquée ici est celle du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2009.

(3) La trajectoire indiquée ici est celle du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2011.

Remarque : deux programmes de stabilité sont intitulés « programme de stabilité 2009-2012 », datant respectivement de décembre 2007 et décembre 2008. Cela vient du fait que le premier a été prolongé d'une année pour couvrir l'année 2012. La terminologie des programmes suivants a en conséquence été modifiée, la période indiquée dans le titre incluant désormais l'année couverte par la loi de finances. Ces deux programmes de stabilité sont ici distingués par les chiffres I et II.

Sources : Insee, documents mentionnés


* 1 Le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2008 donne des chiffres identiques.

* 2 La base est un ensemble fixé de concepts, nomenclatures, et méthodes. L'année utilisée pour désigner la base est non celle du changement de base, mais celle de l'année de référence des séries à prix constants. La comptabilité nationale a ainsi connu des bases 1956, 1959, 1962, 1971, 1980, 1995 et 2000.

* 3 Il l'est désormais à 43,4 points de PIB.

* 4 Et de 43,4 points de PIB selon la base 2005, utilisée depuis mai 2011.

* 5 Loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

* 6 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

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