II. LA PERCEPTION DE L'INNOVATION PAR LA POPULATION

Le génie de l'homme repose à égalité sur deux dimensions : raison et émotion. La peur, perception du risque, correspond ainsi à la face émotionnelle du cerveau, toute aussi respectable que la raison, mais plus difficile à canaliser. La gestion des peurs est des plus complexes, car elle implique souvent de connaître d'abord ses bases culturelles. Elle repose également sur la crédibilité de la communication et du communiquant.

C'est cette peur que le scientifique et le politique doivent décortiquer : est-elle fondée ? Correspond-elle au niveau de risque réel ?

Si oui, quel est ce niveau de risque réel ? Est-il acceptable au regard d'une balance bénéfice-risque objective ? Est-il acceptable au niveau individuel comme à l'échelon collectif ?

Si non, quelle est la cause de ce décalage ? Quelles sont les informations, ou sources d'information, mises en avant ?

Des questions transverses peuvent se poser : le risque lié à une innovation ou à un changement est-il perçu de la même manière par les différentes générations ?

A. PERCEPTION DE L'INNOVATION ET PÉRIMÈTRE DES RISQUES

Le risque est une notion aujourd'hui très courante. C'est un concept devenu générique, employé dans tous les domaines, accolé de tous les adjectifs imaginables : risque écologique, technologique, urbain, sanitaire, alimentaire, routier, domestique, risque majeur ou diffus, mais aussi population à risque, facteur de risque, conduite à risque, quartier à risque...

Le risque est une exposition à un danger potentiel. Il ne constitue pas en soi un danger. Il est possible, sur le plan scientifique, de démontrer l'existence d'un danger, mais en revanche, il est presque impossible de prouver l'absence d'un risque. Une substance, un événement peut être très dangereux, mais si sa probabilité d'occurrence est quasiment nulle, le risque est très faible. Le risque est donc le produit de la probabilité d'existence d'un événement par la gravité des conséquences induites par celui-ci . La perception que nous avons d'un risque est souvent celle du danger maximum, sans tenir compte du facteur de probabilité, et nous préférons souvent dénoncer un scénario catastrophe très improbable, sous-estimant des scénarios moins graves a priori , mais plus probables.

Depuis quelques années, le risque a suscité de nombreuses vocations, il est devenu le carburant de nouvelles professions, de nouveaux experts, dont certains tentent de comprendre pourquoi le public nourrit des peurs, par exemple à l'égard de l'industrie nucléaire civile ou des organismes génétiquement modifiés.

1. Risques naturels ou artificiels : ce que l'innovation résout, et ce qu'elle complique

Les sociétés contemporaines sont caractérisées par la prééminence des « risques manufacturés », c'est-à-dire créés par l'homme, et qui ont supplanté les risques naturels (famines, inondations...). Ces risques technologiques ou écologiques posent problème non seulement aux gouvernements, mais aussi à chaque citoyen.

L'une des déclinaisons contemporaines de la notion de risque renvoie en effet à la « risquophobie » grandissante du public, notamment en France et en Europe, de plus en plus hostile à l'entrepreneuriat, aux innovations technologiques, et même à la science.

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